mardi 22 février 2022

Pech de Bugarach (11) par l'arête Est


 D'où qu'on le regarde, le Bugarach est imposant .

Quelle que soit la face qu'il nous présente, elle est austère, rébarbative, dentelée, crénelée, "tourellée", fortifiée.

Quelle que soit la voie par laquelle on y accède, le sentier est escarpé, sportif, et glissant.



Face est et arête

Face ouest ce matin

Il existe 3 voies; je m'apprête ce printemps à en "ouvrir" une 4 eme, hors sentier, musclée mais pas plus difficile que les autres. Je sais que personne n'ira et ne m'y suivra. Je sais qu'elle sera belle. J'en ai déjà parcouru plus de la moitié. Je suis impatiente depuis que je l'ai revue, d'en haut, cette fois.

Ce dimanche, Ludo m'invite à grimper au Bugarach par l'arête, elle mesure 500 m de long pour 135 m de dénivelé, lequel est concentré sur le final du parcours, très escarpé. Le reste est linéaire.

Ludo a choisi ce site pour se reposer de son ascension en solitaire de l'Aneto (3404 m) en hivernale, par un couloir d'alpinisme, épreuve gratifiante mais épuisante. Vraiment un coup de Maître!

Je le suis pour me diversifier de mes recherches obstinées en Conflent.

Notre point commun est l'Amitié. Celle qui défie le temps et les ans. Celle qui ne fait pas se poser  de questions ni ne demande définition. La vraie Amitié.

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On a rendez vous à un point précis du trajet, nous y arrivons à 2 minutes d'écart, ça, avec Ludo, on sait faire ! Il a choisi un parcours long et je le vois déboucher de la forêt sur un sentier pentu, du pas facile et rapide de ses longues jambes riches de 10 km déjà et d'un grand dénivelé. Il avale tout ça comme moi un éclair au chocolat !

Pour arriver jusqu'à lui, à Pechines, 910 m, je suis partie de la route de Bugarach à St Louis. Point de départ normal pour l'itinéraire dit "de la fenêtre".  Je n'ai pas étudié le parcours, et je serai surprise de sa longueur, de son dénivelé cumulé, et surtout, bien que le sentier soit balisé, de la facilité que je vais avoir à perdre mon chemin. Ce matin j'ai tout faux. La beauté du paysage est bien vraie, je la savoure tout en pressant le pas, je perds ma marge de sécurité à chercher des traces dans ces fichues prairies de La Couillade et de Campeau, hameau abandonné, qui semble avoir été brutalement déserté comme après un séisme. Je suis sur le versant sud ouest.

D'abord, des langues de brume encapuchonnent les boursouflures rocheuses du Bugarach alors que le soleil fronce les dentelles de pierre tout en face.


Des chevaux viennent me saluer, je glane un bisou humide et chaud au passage. Des forêts alternent entre chênes, hêtres et buis. La mousse habille tout ce qui est humide et dans l'ombre. Je marche sur un ancien chemin de communication entre deux villages, il conduit à Camps sur Agly, bien construit et confortable malgré l'usure. 

En images les 5 km du trajet :



Sentier, ancien chemin de communication



Très à l'ombre et humide



Ouverture sur le paysage, prairies et chevaux

Toujours l'ancien chemin



Du côté de la Couillade



Même lieu : ruine

Le site de Campeau, hameau abandonné

Vers le Bugarach


Campeau, la vie s'est arrêtée comme subitement

Le vieux tracteur à chenilles



Ancien chemin, Campeau

Sa suite, entre Campeau et Pechines














Col de Péchines, une dernière grimpe qui ouvre sur un superbe paysage et Ludo débouche de la forêt qui plonge en versant est.


Hêtraie au col de Péchines

J'ai RDV là en haut!

Plan large sur les monts enneigés

A présent nous pouvons partir sur un itinéraire quand même balisé et la couleur est annoncée. Ce ne sera pas toujours rose ? 


"Itinéraire sportif" dit le panneau

L'arête qui conduit au sommet va avoir un parcours débonnaire pendant un grand moment, nous permettant d'apprivoiser le vent, et de savourer le décor qui porte jusqu'à la mer où plongent les Albères, avec le Canigou, la chaîne des Pyrénées et même le Madres et le Soularac. Les vallées audoises ne sont pas absentes, ni les moutonnements de collines jusqu'à la mer, coiffées de châteaux cathares.


C'est devant nous, tranquille : le gros morceau est encore loin


Le dos dentelé de l'arête s'habille de quelques forêts, hêtres ou buis, où joue la lumière. C'est alors humide et glissant et tout plonge en une longue chevelure grise sur plus de 300 m de haut, en face est.

Sous bois moussus : hêtres et buis


Ce sera quoi ? On n'en sait rien mais ce sont de vrais tapis
Je dis jonquilles

Une face est que l'on voit de loin, un mur !



Nous prenons doucement de l'altitude, Ludo se repose, il a mis le frein moteur en montée !

Il me montre le début des difficultés qui se profilent sous forme d'un mur dans lequel on va entrer : il y a des cordes me dit il....

Bâtons dans le sac, on attaque la falaise, montée facile et confortable. De nombreux pitons évoquent des descentes assurées par temps de neige ou de gel, voire de pluie. Il l'a fait sans corde, avec neige, gel et brouillard, c'est difficile.





L'élégance du geste



                                                                             
"Quand je serai jeune", lui dis-je, "je serai grimpeuse !"

Du flanc du mur, la vue est belle sur le vide et les sommets enneigés. Au bas d'un couloir, il me cède le passage, à moi de grimper. Le passage très escarpé va se révéler très facile, je m'aide davantage des racines que des cordes et j'ai l'impression de déjà vu : c'est la réplique des "Ganxos Nous" du Puigsacalm, tant qu'au petit col, instinctivement je cherche la clochette à faire sonner.







    

Il n'en a pas besoin


Je m'en sers un peu, sans trop
Il y a dans cette montée un orifice bien tiède




La partie la plus accidentée du parcours

Le Bugarach, en plus de toutes ses originalités et fantaisies n'est pas asexué



Toute la crête que nous avons suivie


Au Puigsacalm c'est bien plus long, là j'en redemande tant que lorsque le sentier de raccordement arrive, je me refuse à le prendre et je m'engage sur la falaise de façon péremptoire, malgré la verticalité du court passage. Pourvu qu'il ne faille pas redescendre...

On devine le sentier, nous on montera par la droite

Mais non, le final de l'arête, débonnaire s'ouvre à nous et la vraie difficulté va commencer : lutter contre la violence des bourrasques qui nous enverraient bien au bas du mur. Le vacarme, le froid, s'imposent, avec, paradoxe, un soleil éclatant et une pluie de perles de glace, celles arrachées aux végétaux entièrement givrés qui scintillent à nos pieds. 

Fin de parcours, là on sera époussetés !


Un sol craquant

Tellement joli !




Croix sommitale : personne ne la volera celle ci !




En rose pour les filles

Et bleu pour les garçons 

Gros plan sur le Madres qui, le lendemain, sera bousculé par une tramontane à 207 km/h

Pourtant on s'attarde un peu, on se remplit toujours du coup d'oeil et, lavé par le vent, le paysage est somptueux à perte de vue. Les promeneurs arrivent, secoués eux aussi, par la voie normale, la montée par la fenêtre, un incontournable. On fera la descente par cette voie, pour une fois. 

Mon prochain parcours pour le sommet : ascension de cette face. J'en ai déjà fait un morceau
Village de Bugarach, caché et vallée de la Blanque
(dont l'eau n'est pas la célèbre Blanquette,pourtant assez proche)



En bas, le Linas

Vallée de l'Agly : direction la mer !

Derrière "l'aigle" se cache Bugarach village


 Pour le moment il faut chercher un abri pour manger, pas facile, tout est exposé au vent. Une falaise surmontée d'un museau de dromadaire fera l'affaire. On voit monter les promeneurs, points minuscules, la déclivité est impressionnante.

On en vient : merci !!

On a les glaçons mais pas la boisson




Au restau : on va redescendre tout au fond dans ces prairies



Pas question de s'attarder malgré nos intéressants bavardages, le froid s'impose, dire que je craignais d'avoir chaud ! 



Le dromadaire du restau









J'enfile le pull de secours et on attaque la descente au pas de course. Un défilé humain courbe l'échine vers le sommet : modeste, ce sommet attire comme un aimant. L'arête qui continue vers le nord est douce et moelleuse alors qu'elle semble redoutable vue d'en bas, un des fantômes du Bugarach y a mordu un jour à belles dents pour lui donner cet aspect. Ce n'est plus une arête. Malgré les apparences.


Cette partie de parcours, molle et arrondie n'est autre que le sommet du redoutable mur plissé !
On ne peut la nommer arête..


Un orifice surprenant en bord du chemin ouvre sur un puits noir sans fond, béant à tous vents, dangereux à souhait : mais comment reste t'il sans protection ? Il ne semble pas s'agir de la sortie du Bufofret, cet immense labyrinthe de galeries souterraines qui rampent dans le Bugarach sur 4.5 km. 

Je me penche sur le gouffre, je descends une marche, Ludo me voit déjà être avalée par le Bugarach, donc je remonte et renonce à sortir ma grosse lampe; je remets cela à une autre fois.

Et on dévale vers la fenêtre, on avale les lacets et les barres rocheuses, saluant au passage le Canigou par la fenêtre ouverte où l'appel d'air est si grand que je dois me cramponner aux prises calcaires.

Un pt'it trou...sans fond, ou avec.
Là on peut se réchauffer, il fait bon



Deux pt'its trous...y a des trous partout et le Canigou en profite

Un aperçu de la penté

 On continue à bavarder, on est deux conteurs nés ! Une balade avec Ludo, toujours d'humeur égale, est un bonheur et un honneur : sa jeunesse, dont il m'offre un moment pour partager une sortie, est vivifiante. Tellement que j'en viens à lui dire : "Quand je serai jeune, je ferai des sorties avec toi !"

Le paysage est grandiose, cette partie du Bugarach est de loin la plus belle avec ses formes prêtant à sourire parfois, à l'imaginaire toujours. On croise quelques randonneurs, le temps est à la sérénité, à l'abri du vent. 


Descente musclée


J'adore grimper et son contraire (ici)



Dans un très beau décor

C'est fini, on rejoint le plancher des...chevaux.


Retour à la route où mon camion m'attend, je vais ramener Ludo à sa voiture, cela compensera la marche lente que je lui ai imposée, raccourcissant son périple, mais une belle amitié le vaut bien. Nous terminons la sortie par deux bonnes boissons bien fraîches, sans glaçons, on les a laissés en haut et une bonne récolte d'eau salée dans la rivière de la Sals : issue du sous sol boueuse et salée, elle sait si bien soigner les douleurs.

La Sals

                                                                                                                         Merci, Ludo !
Et ici le blog de Ludo sur la même sortie  (clic)

En chiffres:

Distance: 9.1 km

Dénivelé positif cumulé : environ 700 m

La route : 150 km AR 








8 commentaires:

  1. Amédine, je viens enfin de découvrir ton Bugarach et je me suis régalée. Magnifiques photos et un récit très sympa. Bravo, merci de nous faire profiter de ton énergie, de tes talents de grimpeuse et de tes descriptions passionnantes. 🙂

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    1. Merci Cécile, mon Bugarach, que j'emprunte épisodiquement aux Audois est une fascinante montagne dont je pense qu'on ne peut jamais dire "je la connais". Elle n'a pas révélé tous ses secrets et je souhaite qu'elle en garde le plus longtemps possible, ainsi les faibles humains pourront continuer à rêver. Quant à toi tu me fais rêver avec tes tableaux et les belles photos de ton mari sur ces paysages surnaturels si loin des humains. Un beau duo d'artistes.

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    2. Ah ce Bugarach ! Il ne laisse personne indifférent ! Georges Véron ne s'était pas trompé en le rangeant dans ses 100 sommets ! Un petit qui a tout d'un grand ! Bravo Ludo ! Bravo Amédine ! Encore plus beau que votre course, votre amitié et votre complicité ! Dans ces temps troublés, quel bonheur ! Merci à tous les deux pour le partage. Amitiés montagnardes. Olivier.

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    3. Tous les ingrédients étaient réunis pour faire de ce "petit" sommet une journée réussie. On ne s'en lasse pas. Merci d'avoir partagé cet instant sur nos blogs

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  2. Un récit plein d’enthousiasme, d’amitié et une ascension atypique, tous les ingrédients sont réunis pour se régaler en te lisant. Bravo et merci, ça me donne envie de refaire le Bugarach mais peut-être de façon plus classique…. on n’a pas ton agilité. Bises.

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    1. Le Bugarach est fascinant. La montée classique par la fenêtre est la plus belle et assez escarpée : on "bufa" pas mal ! Je dirais que c'est plus reposant par l'arête ! Il ne faut pas plus d'agilité, d'un côté comme de l'autre, que pour la montée à la Serre de Maury. La partie la plus raide est possible par un sentier qui l'évite. Sinon par la fenêtre c'est magnifique . On peut le prévoir aussi. je n'oublie pas le joli sentier militaire que nous ferons au printemps, du côté de Villefranche. Bises

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  3. Lilly von Allmen20 mars 2022 à 11:29

    C'est fantastiques, des belles fotos et des belles vues. Merçi Lison, bisous Lilly

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    1. Lilly je vois que tu me suis beaucoup sur Facebook et je t'en remercie. Mon plaisir est de partager les belles choses de ma vie simple. Bises à vous deux

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