samedi 8 avril 2023

Albères, voie sauvage pour la Massane

 C'était un jour à ne pas aller poser ses pieds sur les crêtes; ni même ses mains. 

La tramontane était d'une rare violence "en bas", même pas la peine d'imaginer "en haut".

Quelle ligne !

Et s'il y avait deux voitures au parking, (250 m) c'était des retraités qui allaient s'abriter dans la rivière pour pique niquer. Lieu mal choisi au possible, le vent qui s'engouffrait dans la rivière était une vraie soufflerie. Aux abris étaient les vaches, il n'y avait que des humains pour se faire bousculer. L'eau de la rivière semblait rebrousser chemin, furieusement retroussée par le vent. Quant à ce qui cinglait mon coupe vent était ce du vent de sable ? Du grésil ? Un mélange de sable, morceaux de bois et poussières martelait la toile. C'était un vacarme inimaginable, du bas en haut. Le vent s'engouffrait dans la vallée avec la puissance d'un océan en furie.


                                                              -----------------------------------------

Ce dimanche, je vais visiter un ancien chemin d'exploitation de la forêt, perdu dans un recoin, abrité à n'en pas douter. Il fait une boucle, franchit un torrent, c'est le but du jour...oui, mais...

Je quitte donc le chemin "normal" (à 1.67 km et 271 m) et m'enfonce dans la pente, en un étroit chemin encombré qui grimpe fort, je "m'extrais des yeux du monde".

Eclat de lumière sur le chemin

Ancien chemin d'exploitation du bois


 400 m plus loin, un sentier de chasseurs attire mon attention; (on les reconnaît à leur balisage particulier). Il grimpe droit dans le talus et j'ai envie de l'essayer. Curiosité oblige, je grimpe et m'efface encore plus de la civilisation. Il peut y avoir des animaux, le vacarme du vent gomme tous les bruits ambiants.



Le sentier des chasseurs



Et ça grimpe ! Le sentier étroit a une cohérence dans sa construction évoquant davantage un sentier ancien que créé pour la chasse. Mais dans cette pente rude et austère, noyée dans la végétation, rien n'évoque une ancienne activité. Je suis ma progression sur le GPS pour me situer un peu car aucune trace n'existe sur carte. Mais l'appel du large (autrement dit du haut) est fort. Une petite bifurcation me conduit à un poste de chasse appuyé sur un grand rocher d'où j'ai enfin du point de vue. 

Juchée sur le poste de chasse


Du côté d'Ultrera


Vallée du Saücar


Demi tour, cul de sac et je repars, sur le sentier .


Droit dans la pente

 Cela n'en finit pas de monter, à présent je suis sur la crête bordant une vallée escarpée, furieusement ventée, sous un ciel lumineux, la tour de la Massane se profile un instant, collée au rocher. 

La tour tout en haut


Vallée de la Massane


Une idée de la pente sous la Tour



Une idée des crêtes



Détail : infranchissable
Le Rocher de Montbran qui m'attend ...un jour

Ici dans ces sous bois de chênes verts, à plus de 500m d'altitude, alors que j'ai déjà parcouru 3 km depuis le départ, je vois des murettes, de celles construites pour étayer la plate forme des charbonnières. Le sentier était donc un sentier de travail, celui des charbonniers. Ils avaient de bons mollets et n'avaient rien à envier aux chasseurs ou aux militaires pour qui le droit dans la pente est le meilleur chemin. J'en fais le mien.

Murette de charbonnière


Place charbonnière à la terre noircie

Depuis quelques semaines je marche sans m'essouffler ce qui simplifie ma tâche et m'invite à grimper partout où une trace se dessine. Les covids m'auraient ils créé de nouveaux poumons ? 

661 m, j'arrive sur la crête, j'ai bien compris que j'irai voir la tour : va falloir s'accrocher. Posé enfin à plat, à 666 m, le sentier se divise : à droite vers les gorges de la Massane, à gauche vers la Tour. Tentée par les deux et bien, j'irai d'abord à la tour et au retour, vers la rivière. Oui mais...la forêt est belle, jonchée de troncs, faite d'arbres très hauts, un lieu où l'on peut se perdre et mon GPS ne faisant pas la trace, je navigue avec prudence, mettant des repères ici et là. 

Magnifique forêt


C'est facile, je n'ai qu'à suivre la crête et j'arriverai à la tour, ce qui se produit, 870 m plus loin et 140 m plus haut. Je ne sais si c'est la tour qui bouge ou les nuages qui courent mais c'est vertigineux.



Pour éviter le vent, il faut grimper sur la droite


Le vent menace de m'emporter

 L'arrivée par ce site demande un peu d'escalade ce que je fais sans peine, abritée du vent et sitôt les yeux dépassant le mur, c'est énorme ! Enormes le somptueux paysage, la mer hérissée de vaguelettes 800 m en contrebas, la marée dans les arbres qui se tordent et hurlent, la furie de la vague invisible qui me couche au sol et m'empêche d'avancer même cramponnée des deux mains à la balustrade. Je salue la tour, ne parviens pas au bout de la plate forme et je disparais comme je suis venue, au soleil et à l'abri, pour me restaurer. 


La mer hérissée

La longue côte jusqu'à l' Aude

Collioure

Tour de Madeloc

Il est temps de redescendre, et au bout d'un moment, je perds mes repères. Le GPS m'indique que je m'éloigne de la ligne de crêtes, dans cette vaste forêt je ne retrouve plus rien. 


Difficile de se repérer dans cette jungle, sans tracé

Je sais où je dois me rendre mais je cafouille...Alors je remonte vers la tour, tant pis je prendrai le "vrai" sentier. Quand même ! me dis-je... et je redescends. Plus attentive, je retrouve mes repères, mes marquages, il me reste si peu, quelques 14 m de dénivelé et 100 m linéaires...j'hésite à nouveau, je m'inquiète et finalement, je remonte à la tour pour la 3 eme fois (et dire que je ne voulais surtout pas y aller aujourd'hui !) et me voilà enfin secouée mais "sauvée" sur le vrai sentier que je n'ai plus qu'à redescendre, espérant qu'aucune branche ne me fendra le crâne, c'est le risque majeur du jour. Je suis un peu en colère mais je vais vite me consoler, il y a sur la carte un ancien sentier en pointillés qui redescend dans la vallée, ce serait bien de l'emprunter.

Dernière montée à la tour, escalade rocheuse presque à l'abri du vent


Paysage végétal

Je le trouve sans peine au Col del Pomer (le comble pour une ex paumée) et me voilà sur un terrain nouveau et magnifique : le sentier descend, propre et dru, dans une chênaie parsemée de terrasses charbonnières, il est simplement cairné mais bien évident, l'erreur n'y est pas permise. Le vent y est devenu musique tonitruante, sur les 1.53 km et 311m de dénivelé de cette descente qui s'insinue soudain dans l'élevage par un passage "piétons". 



Le sentier du Pomer

Chênes verts anciennement exploités 

Portion de sentier

Le site de l'élevage, maltraité par le bétail est moins bucolique, il rejoint une piste forestière et se termine contre le sentier de la Massane mais il faut en sortir de cet élevage ! Aucun passage piétons, se glisser sous la clôture c'est le courant électrique garanti, moment de solitude puis j'avise un ruisseau, je me glisse dans l'espace devenu plus important entre le fil et le filet d'eau et me voici hors courant...électrique .Je n'ai plus qu'à rentrer au parking, évidemment la grande absente du jour aura été la foule ! Bovins et humains sont restés aux abris, hormis deux ou trois trailers, mais aucun n'a fait un aussi beau, sauvage et magnifique chemin que le mien. Merci aux chasseurs de réveiller les voix et les voies englouties de la montagne...

Chênes liège ont pris le relais


En chiffres 

Dénivelé positif cumulé : 750 m

Distance : 10.1 km

Temps de marche : 3 h 53







4 commentaires:

  1. un beau et effrayant récit. Comme l'eau de la rivière, j'aurais rebroussé chemin. Bravo Amedine. GV

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Quand tu es pris par la magie, rien ne peut t'arrêter. Bises

      Supprimer
  2. Ce jour là nous nous sommes arrêtés au col de l’arayo, là tram était trop forte pour arriver aux quatre termes… Roxanne a failli s’envoler. J’imagine la tempête à la tour de la Massane… Le chemin que tu as emprunté devait être celui que nous prenions "fa temps" pour aller à la tour, il n’y avait pas l’élevage en ce temps là, ça montait tout droit. Bravo d’avoir affronté la tempête et de nous avoir concocté un beau récit. Bises, Josy.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non le chemin que tu empruntais "fa temps" est celui que j'ai fait en descente, qui joint l'élevage eu Col del Pomer. Actuellement il est faisable mais il faut se glisser sous la clôture électrifiée. Celui que j'ai fait en montée n'est porté sur aucune carte , le départ n'est même pas visible à l'oeil normal. Je vais d'ailleurs le refaire dès que je peux pour faire des recherches. Bises

      Supprimer

Votre commentaire: