dimanche 4 mars 2018

Un souvenir de montagne, Val d' Aran : " le mur" . Partie 2

Vendredi 10 août 2012 :J'ai passé une nuit de sommeil fantastique, avec pour décor des millions d'étoiles scintillant dans la nuit noire que nulle lumière ne parasitait. Je me réveille 1 h plus tard que prévu et à 8 h 30 je quitte le parking endormi. Mon voisin se  déplie de son couchage version  205 Peugeot, tel une chrysalide. Notre au revoir a le parfum d'un adieu, on ne se reverra jamais.

Je pars dans un matin frais, parfumé d'herbe, et bruissant de l'eau du torrent. Dans l'ombre. Je ne sais pas encore que je vais marcher absolument seule dans un décor fantastique. D'abord une longue prairie où coule une rivière est mon décor.





 Le lit des rivières me fascine toujours dans les Pyrénées, c'est un véritable musée géologique.

Ensuite j'attaque un véritable mur : les espagnols ne connaissent pas les lacets dans leurs randos, c'est ligne droite absolue. Je grimpe dur, le nez dans les fleurs.




Le paysage grandiose vu dans cette contre plongée est fantastique et surtout il y a plein de choses étonnantes : l'eau, jaillie des montagnes, des névés ou des lacs, se perd soudain comme la Garonne, pour resurgir plus loin, gratifiant au passage le randonneur de ses grondements sous terre (son cours y est donc accidenté) et de ses relents glacés issus de crevasses étonnantes. Peut être est ce la Garonne ?
Là d'où je viens
De l'eau gronde sous terre et
crache un souffle glacé jailli de ces
orifices profonds

Drôle de paysage fascinant s'il en est. Dans mon dos, la grande prairie s'amenuise de façon encourageante !
Sous mes pieds grondent par intermittence d'invisibles torrents souterrains, c'est impressionnant dans ce silence immense. Et tellement mystérieux...


10 h 40 j'arrive à l' Estanhet de Pois, 2050 m; il y a 2 h que je marche et j'ai parcouru 580 m de dénivelé et 3 km...je ne marchais pas vite à cette époque !!

Arrivée à l'étang : il se mérite !




Devant moi, près de 500 m d'une autre montée rude et minérale pour atteindre la crête. Le col des Aranais, Coth deth Aranesi, 2448 m.







Se retourner est gratifiant : d'abord on voit qu'on ne fait pas pour rien tous ces efforts, ensuite, un lac vu d'en haut, en été, est une beauté . En été car la lumière l'allume d'un bleu intense, avant le noir de l'automne. Je fais connaissance avec des paysages qui vont me devenir très chers dans les années à venir : c'est du minéral à l'extrême, pâle, gris, blanc, décliné sur tous les tons, juste ce dont je raffole. Aussi blancs parfois que ce crâne . D'isard je suppose.



Dans ce désert minéral poussent quelques éphémères fleurs et règne un silence ...minéral.
Personne en vue , cela ne me dérangeait déjà pas à cette époque.
Col des Aranais : je prends un peu de repos contemplatif, la Maladetta pointe son nez, lieu mythique s'il en est avec son glacier et son Pic d' Aneto, 3404 m.
Deux randonneurs pointent aussi leur nez; ils sont du Gers et, avec leur joli accent du sud (euh j'ai presque le même) me demandent : "Vous allez descendre par le mur ?". Devant mon incompréhension ils m'expliquent...Ah ..oui...Je descendrai par le mur !
Entre deux crêtes parallèles, coule une rivière, l' Escaleta, paisiblement , se perdant dans des marécages ou des petits étangs, je vais la suivre un moment, elle vient du Glacier de Molières et va se perdre elle aussi dans le Trou du Toro ou Forau des Agualluts.











Vallée de l'Escaleta, 2332 m, en dessous du Col des Aranais (vers l'amont)

Même vallée vers l'aval

détail

Où je regrette encore de n'être pas allée, il était si proche...Quel dommage !
Au lieu de cela je remonte légèrement le sentier, en courbe de niveau, qui conduit au Lac deth Coth deth Horo (Lac du Col de Horo, 2223 m) où je compte bien piquer une tête. Hélas, trop fréquenté à mon goût, je ne me donnerai pas en spectacle.
Le spectacle, il est en mon dos, époustouflant de beauté : L'immense et unique décor de la Maladeta.
Je dirais que c'est mon premier vrai regard sur la "grande montagne". Les Alpins ou les Himalayens riront bien...

Fascinants reliefs


Un petit air de Pedraforca, non ?
C'est La Forcanada ou Mailh des Pois 2881 m



Etang de Horo : ses parages sont noirs, très noirs. Le minéral a changé de nature donc de couleur. Qui scintille au soleil. Il ne reste plus dans le décor que le blanc du glacier. Je ne sais m'en arracher, j'ai une pile de photos sur ce même thème.

Etang  de Horo



Autre perspective



Je quitte le lac fréquenté et je rencontre Fidel : un personnage que ce randonneur solitaire ! Il randonne seul pour être au plus près ...de lui même. Il tient depuis 17 ans ses carnets de route (moi seulement depuis 6 ans, en 2012) et il aime bien bavarder avec moi (en espagnol). C'est sa première sortie après une fracture du pied voilà moins d'un mois. 3 ans après il m'arrivera la même chose ..Nous discutons longtemps, il eut bien poursuivi la conversation le soir dans la vallée...Il ne pensait pas avoir affaire à plus sauvage que lui.




Dernier regard avant de plonger dans le mur

Et me voilà  non au pied du mur mais en haut du mur .












Le mur ? Une descente verticale de près de 400 m, en roches, éboulis et sentier, assistée de cordes fixes. Tout pour me plaire. Une unique spectatrice, pas farouche, me fait un brin de causette, une marmotte aux avant postes. Un reporter marmotte ? Elle ressemble à Gondine, la femelle ragondin de mon frère, apprivoisée et sympathique. Un moment de grâce....




Dame Marmotte sur son rocher perchée


Au pied du mur, facilement franchi (pas pire que son voisin de ce matin), il ne me reste plus que la douce prairie à traverser pour retrouver une Lison ensommeillée, un parking déserté et la perspective d'un bon repas dans la vallée. Car mes réserves sont épuisées...et après cela, moi aussi...

Au parking, tout en bas, m'attend ma Lison
Donc quel que fut le charme de ces lieux, si je ne veux pas crever de faim comme l'homme à la 205, il faut que je descende ! Ce sera Vielha, un repas chaud, un vin frais, avant que de m'écrouler de fatigue sur mon lit, peu m'importera le décor cette nuit là, un brin de trottoir suffira.






Mais...conter ces lieux, revoir textes et images m'a donné un furieux goût de revenez y ...Pourquoi pas en cet été prochain ? (* Je l'ai fait : Pic de Molières et Bésiberri Sud, août 2018)
J'ai gardé de cette randonnée des souvenirs de lumière, de couleurs, d'éclats de lumière, de paysages somptueux, de moments de grâce comme sait en donner la nature. De par la nudité extrême de l'environnement qui, ainsi dépouillé, met en valeur le moindre élément; un lac, un sommet, un ruisseau, un glacier...même un crâne blanchi et nu...




8 commentaires:

  1. Tu es une merveilleuse conteuse... j'ai l'impression de vivre à tes côtés ces sublimes randonnées... grand MERCI !
    Douce nuit, bisous, câlins à tes Félins

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    1. Et raconté avec presque 6 ans de recul...j'aime raconter surtout par écrit . Le but c'est aussi de donner aux lecteurs l'impression qu'ils marchent avec moi, tous ceux qui aimeraient et ne peuvent pas, ça leur ouvre quelques horizons de montagne, ou d'ailleurs. Bisous , les félins vont bien, un de mes plus âgés est malade pauvret

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  2. Le mimétisme avec le Pedraforca se nomme La Forcanada.
    Et dame marmotte c'était peut-être monsieur marmotte..hihihihihi
    Et comme toujours bravo pour ce récit et cette excursion dans un lieu si abrupt.

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    1. Ah mon message invitation est inutile tu es déjà passé sur le blog. merci pour le nom car je ne savais plus trop situer sur la carte donc j''aurais pas trouvé, je rectifie sur l'image. Oui pour LE marmotte : pour sourire, mon frère élevait un ragondin que j'appelais Gondin le Rat. Et il grossissait, grossissait...jusqu'à accoucher de 4 Gondinitos...on avait bien ri ! Bon paysages abrupts , pas vrai ? je brigue le Tuc de Molières pour 2018

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  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  4. J’avais appuyé inopinément, j’ai effacé car il n’y avait qu’un mot.
    Je mets un commentaire un peu plus tard.

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  5. Magnifique et très minéral ce massif de la Maladeta, reviens y, tu te régaleras d’admirer les derniers glaciers des Pyrénées. Peut-être pourrais-tu tenter l’Aneto avec un guide. Attirant le Pas de Mahomed juste avant le sommet, tu adorerais.
    C’est une bien jolie rando que tu nous racontes, c’est toujours un plaisir de te lire.
    Bonne soirée, bisous.

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    1. J'ai prévu le tuc de Molieres ou Mulleres, un 3000 à la journée, très minéral, avec de superbes cascades, 1400m D+, je peux faire je pense. L'Aneto oui c'est sûr mais faudrait dormir au refuge c'est pas trop pour moi. Le Pas de Mahomet est dans mes cordes. Je garde ce projet au coin du feu mais pas trop après je serai un brontausore

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