Une longue, très longue approche, 170 km de route en pas moins de 3 heures et me voilà sur les lieux de mes festivités. Un fort vent du sud a soufflé toute la nuit, il souffle encore à 6 h 45 lorsque je quitte le parking
de Pla de Peyres. Je suis peu chargée, je regrette d'avoir enlevé le sac de piolets et crampons de ma voiture. Qu'y aura t'il sur la face cachée du Rulhe ?
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Face à face, bientôt là haut si tout va bien |
J'aurais bien pris un piolet...Il ne m'aurait servi à rien.
Le soleil darde ses rayons pâlichons sur
le pic de Coume d' Enfer, 2730 m, face à moi. Le matin est serein, moi aussi, pourtant je vais à la rencontre du grand inconnu, chose qui m'angoisse un peu d'habitude. Pas ce jour.
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Au départ de mon "hôtel" venté pendant la nuit |
Justement le grand inconnu,
le Rulhe, au détour du sentier me fait face. Je sais son accès "un peu musclé" mais en Ariège, qu'est ce qui n'est pas du sport? Le slogan "la montagne ça vous gagne" pourrait, ici, se muer en
"la montagne ça se gagne". Et bien c'est parti pour gagner !
Mes activités agricoles intenses m'ont laissé une certaine fatigue en même temps qu'une pêche d'enfer donc je les invite à faire bon ménage, à moi de leur trouver un bon rythme. Il sera efficace quoique peu rapide. La canicule était annoncée ? J'ai froid sous ce fort vent de sud qui voile le soleil.
Refuge du Rulhe , 2185 m: un joyeux désordre de tentes, de randonneurs, ça vit, chacun part vers ses rêves. 1 h 30 de marche, 3 km et 486 m de D+ à jeun, je grignote un peu de fromage et je repars sur le beau GR10.
9 h 08,
Col de la Calmette : 2333 m, je vire à droite, direction une montagne d'éboulis dans lesquels je vais essayer de me frayer passage.
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C'est là dedans que je vais "m'enfourater" comme on dit en catalan |
Les festivités commencent dans un tas de blocs enchevêtrés mais correctement cairnés; ça grimpe et je progresse bien, cela m'évoque très fort mon ascension au Besiberri . Ce sera tout aussi solitaire, je le sais aussi. De tels sommets n'attirent pas la foule. On comprend...
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J'aime ça ! |
Autour de moi ce ne sont que parois noirâtres, éventrées de couloirs, boursouflées de rocs, percées d'yeux et coiffées d'arêtes presque repoussantes.
Sitôt quittés les éboulis un sentier se devine alors que je n'en attendais aucun, il se perd dans des névés que je traverse en prenant garde de ne pas sombrer jusqu'aux hanches : c'est de la soupe. Il s'agit d'une sorte de cuvette, celle du grand cirque des montagnes qui m'entourent. Pas vraiment un cirque glaciaire mais la bonne morphologie des cirques : cuvettes remplies d'éboulis, pentes de gispet très ardues, les montagnes ont passé des millions d'années à y jeter leurs "détritus".
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Le sac poubelle des montagnes à l'entour |
A ma gauche, des voix trouent le silence, je finis par voir deux grimpeurs s'attaquer à une arête très aérienne. Plus tard je comprendrai.
A fortiori je divise l'ascension en
4 étapes (mise à part l'approche) dont
la 1ere, éboulis et cuvette, est derrière moi.
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Au bout de mon doigt, le départ, 2333 m Le long de mon doigt, l'étape 1 : les éboulis |
A près de 2500 m commence
la 2nde, le sentier zigzague et grimpe puis va chercher un couloir de gispet semé de petites fleurs, c'est mignon, printanier, mais ça grimpe dur, 45°, que les nombreux lacets atténuent amplement .
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Début du couloir 2500 m la photo écrase la pente de 45° |
La montée est équilibrée et pas pénible . J'imaginais devoir continuer ce couloir mais le sentier, à 2612 m, s'enfouit sous une immense pente de neige qu'il semble simplement traverser vu son angle: et moi ? comment traverser ? Je n'ose même pas, j'essaie d'aller plus haut mais non !
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Le sentier est enfoui, je contourne par la droite |
Donc je vais chercher dans les gispets le contournement et je retrouve mon sentier bien posé au soleil sous le vent enfin calmé. J'en profite pour grignoter, enfiler la tenue d'été et
la 3 eme partie du voyage est au dessus de ma tête, haut perchée, un dôme rocheux en gradins que le sentier va escalader sans peine et moi aussi, les yeux au ciel.
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Je grimpe là haut mais ce n'est pas le sommet |
Dans un désert minéral mais quel beau panorama ! Il fait beau, la vie est belle là haut.
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Sans légende...Trop beau |
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Coeur de névé |
Un énorme rocher qui a un petit air de
"The voice" avec ses doigts levés m'invite : paroles mais pas de musique. C'est la voix du silence. Sauf le bruit de mes pas sur la roche et de mes bâtons réduits au minimum depuis longtemps. Je vais très lentement, non par lassitude mais parce que chaque pas m'apporte une découverte, je bois littéralement le paysage. Les grimpeurs, encordés, au loin, continuent leur lente progression sur une arête effilée, celle du
Fourcade dont je tombe amoureuse mais ce sera un amour non réciproque, le Fourcade ne voudra jamais de moi.
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The Voice ! |
10 h 57, je contourne "The voice" dont le dos n'est qu'un vulgaire roc massif et là ...waouhh ! Quel panorama! Altitude 2740, un minuscule col ouvre sur un vide éblouissant, semé de lacs somptueux, à près de 500 m en dessous. Je suis en terrain inconnu, la carte vient à mon secours et patiemment j'essaie d'identifier lacs et sommets. Le plus beau reste
l'étang de Couart qui depuis 2013 sert de bannière à ce blog. Ce minuscule col est une simple brèche dans une somptueuse arête de rocs.
En images :
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Etang de Couart |
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Le Fourcade |
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80 m d'arête |
Personne à gauche, je vais y faire un petit tour, avant que d'entamer les quelques 80 mètres d'arête devant me mener au sommet, passage inévitable me semble t'il . Plus tard je saurai que ça s'évite par les éboulis face nord-ouest mais pour rien au monde je ne l'eusse évitée. Cette courte et ultime
4 eme partie du voyage c'est la cerise sur le gâteau, je suis dans mon élément.
Un solide gneiss plein de bonnes prises, du rocher stable, des rocs monstrueux , des cavités sombres entre ce fouillis et le grand vide de chaque côté, une splendide arête, avec quelques passages étroits qui donnent ce petit supplément nommé frisson, un ou autre évitement à cause d'une enjambée trop grande et de Prudence qui vient de se réinviter et me voici au sommet que matérialise un crâne blanchi de mouflon, avec une belle corne en tire bouchon: accueil un peu glacé !
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Contournement obligé |
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Je progresse dans ce décor |
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J'arrive au sommet...bon la photo c'est pour le fun ! |
Mon altimètre me confirme que je suis arrivée! Il est 11h 29. Je bois le paysage et je ne suis pas venue ici pour avaler du dénivelé avec rapidité. Les 1100 m de dénivelé sont présents je vais quand même les enrichir un peu. Si Cadet Rousselle a 3 maisons, le Rulhe a 3 sommets, proches et en dent de scie, qu'on ne rejoint qu'en arête. Va pour le second, je désescalade, arrive à un col enneigé que je contourne si je ne veux pas aller plonger direct dans l'Etang de Joclar 410 m plus bas et je regrimpe sur de l'arête, un peu moins commode, celle ci. Mais je ne pouvais manquer le morceau de paysage qui amputait les 360 °, notamment le refuge tout en bas. Ce sommet est à 2780 m. Quant au 3 eme, je le délaisse; la désescalade y est ardue et je dois garder des forces pour le chemin à l'envers jusqu'à la voiture.
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De gauche à droite, les trois sommets |
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Etang Couart 2230 m |
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Etang Jotclar 2330 m |
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Le refuge du Rulhe 2185 m |
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Une idée de l' arête |
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Etang de Cabaillère 2100 m (ma voiture est 400 m en dessous) au fond de la vallée |
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Etang de Couart, étang d'Albe 2335 m (droite) et Pic d' Albe 2764 m |
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Montagnes d'Ariège |
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Les grands sommets Pyrénéens |
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Etangs de Fontargente |
Je n'ai encore vu personne et c'est du haut des 2783 m, 1 m de moins que le Canigou, que je vois déboucher un couple au col enneigé, la voie directe sans arête. Ils sont un peu désorientés : où est le sommet dans ce dédale de rocs? Je leur explique et ils s'en vont, un peu hésitants, vers le 2nd sommet, pendant que je prends une petite collation, j'ai usé plus d'énergie que je n'en ai absorbée.
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Une idée de notre chemin pour gagner l'arête du Sommet 2 |
Sonne l'heure du retour : je descendrais bien par l'autre face, la face sud ouest, qui est le second accès du Rulhe (par Etangs Joclar) mais ces névés me stoppent : et si je ne m'en sors pas ? Car les ressauts empêchent de voir une partie du trajet. Soyons sages, il n'y a, de plus, aucun réseau dans le secteur, alors je refais le chemin à l'envers, m'amusant davantage sur l'arête, m'essayant même au grand écart !
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Sans neige je serais descendue par là Jusqu'à l'étang : 450 m D- |
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Fenêtre d'arête |
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Selfie entre ciel et vide |
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Une idée de l'arête : ici je contourne mais suspendue au dessus
du vide quand même. Les topos disent "pour marcheurs expérimentés" |
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Entre roche et vide, je circule à l'aise, c'est vertical mais carrossable Vertige s'abstenir, 200 m de vide , 400 jusqu'en bas |
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Je m'essaye au grand écart (2 fois, une fois pour aller poser l' APN), et je vérifie ma "vieille souplesse" |
Mes voisins sont au sommet, je les retrouverai au refuge, en fait ce sont des alsaciens dont une partie du nom est éponyme du pic avec une inversion de consonnes : amusant!
Ma descente sera aussi plaisante que la montée, je suis au spectacle dans ce grand théâtre de roches et je suis des yeux les festivités sur le Fourcade, où une cordée se hisse sur des dalles (parcours équipé, 5 b) , tandis que d'autres empoignent l'arête à pleines mains et enfin au sommet, il y a des statues colorées. Là où je n'irai jamais ...
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Le Fourcade 2675 m vu de la Porteille de Rhule 2612 m |
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Le Fourcade s'escalade, mais...
il y a un couloir herbeux qui permet...hum...? |
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Cheminement sur l'arête du Fourcade (bien zoomée) |
Je vais pourtant jusqu'à la
Porteille de Rulhe "jeter un oeil" et même deux, car j'ai encore de l'énergie à dépenser, mais soyons chiche, l'effort ne me mènerait à rien.
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Retour : en parallèle au GR 10 un sentier sauvage |
Mon chemin de retour sera exactement le même qu'à l'aller, mais...n'ayant presque rien mangé (comme toujours dans l'effort) je vais faire une délicieuse entorse aux habitudes au refuge du Rulhe, en même temps qu'un petit bain de vie sociale. Et goûter quelques scènes amusantes, tel ce personnage décalé, pas très jeune, vêtu plutôt "ville", dévorant une barquette de cacahuètes, qui tente de rejoindre Banyuls en se plaignant que la montagne ça monte et ça fatigue !
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Arrivée au refuge |
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No coment..ah oui ! Bière locale d' Ax les Thermes. Local ? Régal ! |
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L'envers du décor de la photo prise là haut |
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Aixo es bo ! Spécialités ariégeoises et vin catalan (près de chez moi) |
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Je rentre au bercail tout en bas là bas près de la rivière |
En conclusion, que dire ? Une riche journée bien tonique, physique, mais en dessous de ce que j'imaginais à ce niveau là (je croyais beaucoup plus dur). Et qui me laisse de l'énergie comme on ramène encore de l'argent après une journée shopping ! Qu'à cela ne tienne, on ira le dépenser demain, cet argent! Et peut être même aux Fontargente.....Mais j'ai un autre projet !
En chiffres :
Distance 12 km AR
Dénivelé : 1100 m
Temps de marche: 7 h 10 environ (hors pauses)
Pour le sommet : 4 h 10
Le Trajet
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En rouge : aller En bleu : retour |
Hé bien encore une belle sortie, avec des vues extraordinaires, je ne suis pas étonnée de te voir là-haut je regarde sur géoportail tes aventures, et lorsque j'ai vu le Rulhe je me suis dit que tu le ferais bientôt c'était sur ! Bravo Bises Amédine Chris
RépondreSupprimerC'était un projet qui me tenait vraiment à coeur, comme "un jouet de Noël" très convoité. Bises
Supprimerl'étang de couart vu d'en haut ressemble fortement à la vue du Mulleres,ensuite sur la crête on se retrouve sur celle des Besiberri .Quelle belle balade ,que de souvenirs!
RépondreSupprimerJ'ai vraiment trouvé une similitude en montant avec la montée sur le Besiberi sud, quand on le prend par Conangles. L'effet solitude est moins important au Rulhe, plus proche des lieux d'escalade, du GR 10 et du refuge. Le besiberi a une approche assez imposante quand on est une petite femme toute seule dans ce vaste dédale. Mais c'est envoûtant
Supprimersurtout quand on prend l'orage...GAZOUILLIS.
SupprimerMDR et dire que je me suis régalée sous la grêle...décidément le Besiberi m'avait tourné la tête tant j'ai trotté en descendant, morte de frousse !Frousse de l'orage. En plus qui m'aurait cherchée là bas personne ne savait où j'étais.
SupprimerTu as pris goût à la bière du Ruhle on dirait ! hihihihi
RépondreSupprimerJe suis surpris par le contraste de décors à 4 semaines d'intervalle. Il restait encore beaucoup de neige, et la pelouse était moins verte.
Et merci, car c'est ce récit qui m'a incité à aller découvrir ce beau sommet.
je dirais la limonade artisanale, comme tu dis, je pense que tu parlais de la même boisson..hihi. En tout cas je suis contente pour une fois les rôles sont inversés j'ai attisé ta curiosité et ton parcours a attisé la mienne. Si on fait comme ça on fera comme au temps jadis les curés de Passa et Tresserre...
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