mercredi 24 juillet 2019

Ariège : à deux pas du Pic Fourcade, 2675 m

Ou l'absurde randonnée!

Pourquoi absurde ? Parce que personne ne va là bas. Qui pourrait être tenté par ce décor, ces couleurs, ces déchirures, ces rocs déchiquetés, cette violence minérale ? Seuls les grimpeurs s'y mesurent avec bonheur. Les randonneurs choisissent le voisin et déjà redoutable Pic de Rulhe (clic), où j'étais voilà 4 semaines. Je tombai immédiatement amoureuse du Fourcade, on ne choisit pas ses coups de foudre!


Sur une image du 23 juin (avec neige encore) en rouge le lieu où je me suis posée hier : 2665 m
Parking de Pla de Peyres : 1699 m
6 h 38, réglée comme un métronome (sans user du réveille matin) je m'élance dans un matin pâle et balayé de vent du sud, sur le sentier qui mène au refuge du Rulhe , passage obligé. Je suis seule, il fait déjà 20° mais le vent frais invite bien à la marche. Les départs sont toujours difficiles, toutefois 1 h 26 plus tard j'ai franchi les 3.2 km et les 489 m de dénivelé. Je ne vais pas vite, par incapacité mais aussi pour me ménager, la rando sera dure.

Refuge du Rulhe, Pics Fourcade 2675 m  et de Rulhe 2783 m

Cette fois je ne pars pas avec un objectif précis : pas de sommet, juste faire ce que je pourrai. Mon itinéraire a été préparé sur une photo que j'ai prise à mon dernier passage, il existe une "face cachée" à mi chemin et la région sommitale demeure du grand mystère, cela me plait! Car, à part des topos d'escalade, le site reste muet. Absurde mais terriblement attirant. Aurais-je des relents des goûts d'aventurière de ma prime jeunesse ?
Je gère le souffle, la nutrition, pas au mieux, je suis impatiente. Au Col de Calmette, 2330 m, je quitte le GR et m'enfonce dans le cirque rocheux, déblayé de toute neige; pour économiser, j'emprunte le sentier que je partage avec un belge et ses enfants, en bavardant.

Pic Fourcade et le cirque à remonter (par sentier)
L'envers de la vue précédente
Alt 2549, 9 h 49, je leur fausse compagnie et je file à gauche dans une barre rocheuse qui annonce bien l'apéritif et le menu du jour. Sans doute même le dessert.
Des comme ça, il y en a partout
En fait au Col de Calmette, j'ai repéré un couloir menant là où je vais, le choix est cornélien : y monter ou le descendre ? Pour rester fidèle à mon itinéraire choisi sur photo, ce sera descente. A postériori, j'ai bien choisi car j'en ai vraiment "décousu" à la montée alors que j'étais encore fraîche.
Donc alt 2549, je file rejoindre la crête en dessous de laquelle se cache mon chemin.

De mon perchoir, l'étang de Couart
Et ce vers quoi je vais
Quel va donc être mon chemin ? Celui repéré sur photo depuis le Rulhe est le suivant

En bleu, cela répond à la partie cachée de la dernière photo de cet article
Dans le cercle, mon perchoir final (c'était pas prévu d'avance par contre)
Je sais qu'il faut descendre et rejoindre le pierrier pour remonter ensuite le couloir herbeux, mais ce serait trop simple et puis pourquoi faire simple, n'est ce pas ? Par paresse, pour ne pas descendre 50 m, je vais choisir la traversée en roche et en courbe de niveau. Ah quand je dis roche....je ne savais pas ce qui m'attendait! Une paroi abrupte, semée de jardins (pelouses et fleurs) c'est joli : mais alors c'est pas pratique; d'abord ce matin je n'ai pas le pied marin, ça n'arrange rien. Ensuite les roches sont peu commodes. Verticales, certes, avec d'étroites vires où j'ai une peur bleue donc je les redescends, j'essaie, je recule, je monte, je descends mais j'avance...et je dévore mon énergie ! Je ne prends pas de risques, ou le moins possible, seuls les vautours me guettent .
En images :


Alors pour ne pas descendre, je fais une traversée latérale

Bien surveillée : grrr

Et ici aussi, mais je les oublie

Dans mon dos les voisins spectateurs bien alignés

 Voici une belle dalle, je la grimpe sans mal, mais il me faudra la redescendre au final. Voici une étroite vire, je sais que je peux, mais seule je recule. ça commence à m'énerver grave alors je descends, pas aisément, jusqu'au pierrier. 42 minutes de varappe m'ont passionnée mais sont énergivores. Faisons table rase de ces falaises !

A escalader puis à désescalader

une vire étroite






Chemin de descente
Pas facile de circuler là dedans
 Là j'attrape le couloir de roche et d'herbe, les éboulis étant plus commodes et je grimpe ; je rattrape le dénivelé perdu, il est petit à présent car j'ai quand même bien avancé dans la paroi, il me restait si peu...  Mais je suis en sécurité.J'avance bien, autant que possible dans le pierrier qui est plus commode pour moi que la pelouse.

Enfin au sol !







Ce sera tout droit ! Un bon 45 °



















Un peu de repos, en fait c'est tellement raide que j'ai peur
que l' APN ne prenne que mes jambes !

 Mon petit couloir en forme de virgule est là . Une autre voie se dessine à gauche, je la laisse, elle va, je pense au milieu des Fourcade.


L'envers de l'image de gauche
J'ai grimpé tout ça et c'est raide.























Alors que vois je ?
Le Pic d' Albe n'a rien de blanc

Des parois rocheuses et infranchissables, des arêtes inusables, des vautours haut perchés, le lac de Couart, grisâtre car ce matin rien n'est franchement bleu, l'étang d' Albe qui se dévoile et le Pic d' Albe que je brigue depuis des années, et puis mon délicieux chemin vers le ciel. ça se grignote, je pourrais filer à gauche vers un des pics Fourcade (cime ? antécime ?) et puis j'avais choisi mon petit couloir tordu comme une virgule, véritable balcon de pelouse qui me conduit au terminus du jour, un sommet, 2665 m dit mon GPS. Le vrai sommet est à 2675 m. Une broutille...infranchissable. Il est 11h 50, j'ai marché (hors arrêts) 4 h 15 pour arriver là.
Quel belvédère ! Je suis à cheval sur deux versants, le nord et le sud, tous deux sont beaux et je vais rester sur mon perchoir 30 mn, (comme le vautour ?) pour me nourrir un peu et déguster beaucoup le paysage. Et le silence, la solitude, le décor, le bien être. S'ajoute l'itinéraire de descente que j'étudie en détail.

Terminus 2665 m

Fourcade ou antécime ?


Je me régale ! Dans cette
absurde randonnée !

Ce sont mes deux proches voisins, on se sent un peu petite entre ces deux cerbères: un des deux, même pas la peine d'y rêver, l'autre, pourquoi pas ?
Alors j'essaie, sans conviction d'aller me frotter à ce que j'imagine être le Pic ou son antécime au mieux; une petite séance d'escalade jusqu'au moment où un grand toit m'arrête: il ne se contourne pas, je ne suis pas déçue, je manquais de conviction.
Terminus, on en restera là !
J'entends rouler des roches, ce sont trois isards qui détalent: m'ont-ils vue ? Ont ils peur du vol de trois vautours? Quelle débandade dans mon petit couloir virgule ! Je me penche pour mieux les voir mais ils ont descendu à toutes pattes.


Très pressés : le Diable aux trousses ?




















C'est vrai qu'il n'est pas engageant !


Je redescends récupérer mon sac et j'entame la descente, midi sonnant au clocher (des vaches).  Elle est magnifique : une grande pente assez herbeuse, un vrai jardin fleuri, de jolies et vastes dalles faciles à descendre, j'utilise pour ce faire leurs failles, et je poursuis sur plus de 800 m cette descente fleurie entre deux sombres parois rocheuses. C'est bêtement splendide.


Jardin de montagne

ça descend très fort
Une idée de la déclivité

Dalles et barres rocheuses faciles

Il me tente mais trop excentré

Ce sera tout en roche à présent 

Un gros massif de fleurs jaunes marque la limite avec le pierrier : et quel pierrier, digne de celui des Besiberri, ce ne sont pas des rochers ce sont des monuments, ce ne sont pas des interstices, ce sont des cavités. mais j'aime marcher là dedans; ça me conduit gentiment à ce laquet que je brigue depuis un moment et, même s'il n'est pas profond, il m'accueille pour un bain en eau glacée. Il est 12 h 55, le soleil est brûlant.

J'adore ce terrain : passer de roc en roc, descendre dans les cuvettes , se jucher sur un grand rocher

Le laquet d'eau glacée

Eglantine et linaigrette


J'y resterai 25 mn, malgré les nuées orageuses qui envahissent le ciel. Je m'arrache à regret et je rejoins le beau GR, j'ai parcouru 1 km depuis le sommet, 1 km pas en pente douce ! Et je n'ai vu personne...évidemment ! Même pas l'ombre d'un grimpeur : crêtes et sommets, dalles et rochers, tous sont restés muets. Ni la trace du moindre sentier, du moindre cairn, un lieu vraiment à l'écart de tout sans toutefois être inhospitalier, un lieu dont je suis sous le charme.







14 h 10 : la civilisation se retrouve au refuge, les gardiens m'offrent même de leur repas avec beaucoup de gentillesse. C'est une halte à recommander pour l'accueil, le cadre, même si, comme moi,  on ne fait que passer. Mais quelle convivialité sur cette terrasse ensoleillée ! Et quel décor...

Fourcade et refuge du Rulhe : envers et endroit du décor


En chiffres
Distance : 13.2 km
Dénivelé positif cumulé : env 1050 m
Temps montée au sommet : 4 h 15 dont  45 mn de varappe 
Temps de marche total : 7 h
            +
La route : 180 km et 3 heures
La "partie montagne" du trajet 






6 commentaires:

  1. génial!!!!ça fait vraiment rêver

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    1. Oui, faut s'y aventurer et en plus ça m'a donné envie d'y retourner, avec une autre approche du sommet

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  2. Il n'y a rien d'absurde à vouloir partir à la découverte. Car sinon, il n'y a pas plus absurde que l'aller sur la Lune où il n'y a ni eau ni atmosphére.
    On tremble avec toi sur les dalles et on souffre avec toi pour les chevilles avec une telle descente.
    Il ne fallait pas être comme l'étang, c'est à dire couard (et pas Couart), pour se lancer dans un tel défi.
    Et bravo pour la dernière photo avec les itinéraires aller et retour.

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    1. Bravo pour la phrase avec "couard", souviens toi Camille me traitait de couarde. Bien sûr tu aurais fait ça "les doigts dans le nez" et non cramponnés à la roche mais l'âge de mes jambes (rien que d'elles car le reste a un autre âge) fait que même sans douleur je dois me montrer très prudente, je chancelle un peu . C'est mon handicap dans ce type de rando. Je compte y remonter voir d'un peu plus près, mais je monterai par le couloir de descente pour y voir plus clair

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  3. voilà le genre de randonnée que mon lièvre adore, sans sous bois, vues et hauteur à couper le souffle. C'est magnifique ! Bravo Amédine !! Bises Chris

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    1. Comment tu as fait pour trouver un lièvre comme ça ? Perso j'aime les paysages découverts, hors ces sentiers battus, mais même s'ils sont battus je peux accepter pourvu que ça grimpe, que ce soit grandiose et grandement désert. Là j'ai été servie! Bises, je vous recommande ce périple, et aussi le Pic de Rulhe voisin

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