mardi 15 octobre 2019

La vallée de Campcardos, Porta, 66

La vallée de Campcardos fut un hasard, dans le week end. Je n'étais pas partie au Puymorens pour ce voyage en val, plutôt pour faire une arête. Ma condition physique et mentale n'était pas au rendez-vous et, l'eut elle été, le violent vent du sud qui soufflait déjà eut rendu périlleux, voire impossible, mon projet. Donc c'était bien ainsi...
Il ne me restait qu'à trouver une autre destination par ici, j'avais quand même fait le long trajet : Campcardos s'imposait, il faisait partie de "la liste de mes envies".

Le paysage du jour : murettes, pâtures et décor en or

Après quelques péripéties matérielles qui font deux départs ratés je prends enfin le bon, à Porta, après la rivière et le chemin de fer. Le départ est bien indiqué, le trajet sera quand même surprenant.
J'imaginais un sentier s'enfouissant dans la forêt et c'est d'abord une route goudronnée, puis une piste forestière, ancienne et pavée encore par places, je l'imagine de courte durée, desservant d'anciennes pâtures, elle va perdurer très très longtemps. Belle et malcommode à la fois, je marche très mal sur ce sol inégal, dévasté par les ans. Ce sont les GR 7 et 107 réunis.


Restes du pavage ancien


























Le grondement du torrent se rapproche, et la voie pavée va suivre, en hauteur, le torrent. En cette heure matinale, je suis dans l'ombre mais les arbres parés des mille feux de l'automne sont flamboyants, une vraie merveille. C'est le secteur du département le plus riche en bouleaux, ils seront le soleil de la forêt. Dans mon dos la vallée est noyée de brume poussée par le vent du sud, elle voguera longtemps. De part et d'autre de la vallée les pentes sont ardues, boisées côté nord, arides côté sud.

La forêt qui enchante

Côté soulane

La danse des brumes


Vallée du Carol dans la brume

Très longtemps le brame de plusieurs cerfs va m'accompagner, c'est un matin somptueux. Je ne connaissais rien de cette vallée, je pars d'ailleurs toujours à la découverte, j'observe énormément et ne me documente qu'au retour. Ainsi je ne suis polluée par aucune donnée et peux découvrir à souhait, cela m'invite à chercher du regard. Côté montagnes , entre ces deux parois coule la rivière, et s'étalent d'anciens prés, pâtures ou champs qui expliquent peut être cette voie pavée.

En route vers la Peiraforca ? 


Ma surprise sera de ne jamais la voir finir! En fait je marcherai sur 4 km de voie assez large dont je n'imagine pas qu'elle soit romaine, mais fort ancienne, une voie de pénétration (Andorre et Espagne sont au bout de la vallée) et aussi économique, la vallée ayant en apparence un fort passé agropastoral. J'apprendrai plus tard que c'est une voie qui servit au transport de minerai et sans doute aussi de bois, puisque la carte de Cassini, 1755, fait état d'un moulin de sciage sur la rivière.
Cette vallée est faite de paliers successifs, le moindre palier élargi ayant été cultivé ou peuplé de troupeaux: des champs cernés de murs et des abris, plein de cabanes en pierre nommées "orris" ici.

Toujours la Peiraforca en toile de fond


Original cet orri
 
La vue aérienne est d'ailleurs très parlante.


Source Géoportail : vue aérienne d'une partie des pâtures

La montagne du site est la Peiraforca, 2647 m, élégante, rocheuse, un peu fendue en deux, d'où son nom, et accessible au bon vouloir de chacun, il suffit de créer son chemin, dans ces roches et ces pentes de gispet. Je ferai mon choix, c'est dire que je vais "éplucher" du regard cette austère façade.
J'arrive à la cabane, à 1950 m, c'est de là que j'irai à la Peiraforca, un jour. peut être pas au sommet qui se gagne en escalade.



La Peiraforca 
























Quelques souvenirs...
Telle que je l'ai vue du sentier du Lanoux
En fond le Roc Colom, 2680m (8/9/19)
Octobre 2013, Roc Colom vu depuis environs de  la Portelle de Méranges

La cabane (1950 m) est fermée, j'essaie d'ouvrir la porte, il est plus de 10 h et un grognement me répond...un dormeur ! Je file vite sans demander mon reste.
La cabane est bâtie en vrai balcon sur la vallée enfouie dans la brume, décor saisissant de beauté, d'autant que des arbres flamboyants sont tout proches.



1950 m la cabane, refuge de berger ou de randonneurs

A partir de la cabane, la voie disparaît, le paysage s'ouvre sur des pâtures, des chevaux et des vaches  y paissent. Puis la vallée se resserre, quelques dizaines de mètres de large à peine jusqu'au prochain palier, les lacs. Deux lacs absolument vides: la voie est recréée sur quelques mètres, intacte, superbe. Ici on entre en montagne. Le sentier grimpe, le paysage a changé.



La montée "normale" à la Peiraforca se fait par ces éboulis

Retrouvailles avec la voie pavée, alt 2070 m



L'Estany Gros à sec et le Soula de l'Estany, 2606 m au plus haut en crête

 Les bouleaux sont restés en arrière, c'est le domaine du conifère, des pentes arides et éboulées, dominées par les crêtes de la Vinyole, je me repère bien. A ma gauche, le paysage est époustouflant !

La Peiraforca a changé de visage pour la 3 eme fois, elle a quitté son aspect arrondi et débonnaire pour offrir ses couloirs escarpés et profonds, son arête déchiquetée et impressionnante, sa face austère et rebutante. pas question de chercher son chemin ici! sauf pour alpinistes et grimpeurs.





Arête de la Peiraforca, son 3eme visage


Couloirs de la Face nord / ouest
Fenêtre ouverte en arête




Vue d'ensemble des arêtes et "mer" de rhododendrons

La montagne dévoile enfin son vrai visage, et, si on ne voit pas ses hautes cimes nommées Valletes, Pics de Font Negra et Pedros, je les devine puisque je les connais. Vaches et cerfs ont déserté ma route, je poursuis un sentier un peu escarpé rectiligne, d'ailleurs c'est du rectiligne depuis le départ, il suit le Campcardos (rivière) il traverse la coma de Campcardos et le pic de Campcardos (ou Pedros), surveille tout cela du haut de ses 2914 m, prolongé par la Planella de Campcardos, 2600m. Laquelle donna son nom à toute la vallée. Au 13 eme siècle ce plateau d'altitude servait de pâture et se nommait "campcardos", le champ de chardons.

Coma de Campcardos, vers le sud, en frontière
En fond la Portella de Méranges 2648 m
Que fais-je donc sur ce sentier, hormis marcher ?  Réfléchir, certes, c'est ma prédilection (le thème du jour est "la fuite en avant" dont on m'affuble souvent et qui me fait bondir...de colère) mais surtout je scrute le moindre recoin et je trouve d'intéressantes choses, attisées par le vent violent de ma curiosité : ici, une plaque de terre noircie où gisent des charbons de bois indiquent qu'un arbre a été foudroyé sans doute, un jour car il n'y a nulle trace de place charbonnière. Là haut perchée sur un inaccessible roc, une sorte de stèle rouge et blanche m'intrigue; j'apprendrai au retour qu'elle fut placée par les militaires.

Haut perchée, une stèle







Sur la pente en face, part un sentier qui file vers l'est et franchit les crêtes vers Cortal Grasset; il se perd sur ma carte, pourtant j'ai trouvé un discret départ de sentier au bord du chemin pavé : renseignements pris, c'est le même qui permet une boucle magnifique par les hauteurs, évidemment j'irai ! Merci à Gérard qui du haut de son quad sur la piste a enrichi ma curiosité. Et puis, cette plaque de terre noire au bord du sentier, exempte de charbon de bois, vraiment étrange au regard comme au toucher m'intrigue; jusqu'au moment où je découvre un débris de protection de roue en tôle froissée. Un débris d'avion ? Oui me confirmera Gérard, il y a 40 ans un avion de tourisme s'écrasa (4 morts) et son épave (que j'ai cherchée) gît un peu plus loin.

Un débris de l'avion


Le reste , image internet

 Il y en a des choses à voir dans cette longue et presque monotone vallée. Monotone car elle se perd dans un cirque majestueux, la Pleta de Barrera, 2300 m, à l'entrée duquel je vais stopper, le vent est violent et glacé, j'ai encore 4 km à parcourir, je suis morte de fatigue, la Portella Blanca est encore loin malgré les seuls 200 m de dénivelé, j'ai marché trop lentement ce matin. Grand désert humain, je n'ai rencontré personne.


La Pleta de Barrera, 2300 m, en fond la Portella Blanca 2517 m, 3 pays

En fond la Peiraforca

Midi, altitude 2323 m, je fais escale à l'abri pour un petit repas sans faim. Avant que d'entamer le retour. Des nuages ont envahi le ciel, laissant filtrer un beau soleil qui fait pleuvoir une lumière d'or allumant les bouleaux (les plus hauts du 66), les sorbiers, les noisetiers au long du chemin.
Vous l'avez compris c'est une vallée séduisante à découvrir au moins en automne : il y est de feu, de sang, de poussière d'or et de sérénité.

Retour, le sentier et la rivière à gauche

La grande cascade du Campcardos

Sur cette montagne court le sentier caché qui la contourne, à suivre un jour (prochain ?)

La cabane 1950 m, dans son écrin

Ecrin de bouleaux

Du beau bouleau

Quelques promeneurs ont investi le sentier, à la recherche de tout cela en cet après midi automnal et dominical, alors qu'égoïstement on a envie de garder cela pour soi, tant c'est précieux.

A bientôt donc....Signé Lison


En chiffres, petite rando pour grosse fatigue

Dénivelé : 813 m
Distance, 10.6 km AR
Et 120 km de route pour le retour




4 commentaires:

  1. Petite randonnée 813 m pour 10 Km ce n'est pas de la balade digestive, mais quel décors c'est magnifique ! J'adore, comme toujours tu me diras. Bises La tortue

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    1. Franchement, un lieu hors du temps et du monde, je dirais même qu'on y reviendrait les yeux fermés...euh ce serait dommage. Sympa à faire en hiver et en neige, j'imagine aussi.Bises

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  2. Encore une belle balade que j'ai vraiment savourée. Merci encore pour toutes ces belles photos, texte très documenté et plaisant Que ce soit a vora de mar o en les crestas a vora de cel tu nous régales. Tu es infatigable bravo encore. Je t'admire vraiment ! ASP

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    1. Oh je ne t'avais pas répondu ! je vous régale parce que je me régale avec ma soif de découvertes, bisous et à la suivante...

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