jeudi 13 février 2020

El Matagalls, 1697 m, Montseny, Catalunya

Pour une fois, je vais randonner autrement. Je démarre à 11 h 20 du matin! Après 140 km de route, un passage de frontière et oui, j'improvise.
Donc, départ de San Marçal, Parc du Montseny, 1108 m d'altitude: un petit sac, mes gros souliers d'hiver et une rando inédite, elle sera toute en forêt, ou presque. Il fait beau et frais.

Ph du 2 février, très ensoleillé
Le Matagalls est le plus à gauche

 Je vais voir le voisin d'en face par rapport à dimanche dernier, le Matagalls, hélas tourmenté de brume. Je me penche sur l'étymologie de ce nom qui, littéralement, se traduit en "tue les coqs". Certes c'est une mode en voie d'apparition dans le paysage rural français, mais ici nous sommes en catalogne où ce volatile est encore respecté. Donc voilà que notre pic nommé "Autora" (de Turó, sans doute, colline élevée) jusqu'au 16 eme siècle devint "Matagalls" au 17 eme siècle. Les deux noms cohabitèrent puis le premier s'éteignit.

Au départ du parking

Matagalls aurait plusieurs origines dont la celtique, nées de "galls" (roches), la portugaise faisant référence aux buissons, tout cela bien visible au sommet et enfin, en référence aux coqs, l'ancienne présence du grand tétras, le coq de bruyère,  nommé "el gall fer". En guise de coqs, je ne rencontrerai au sommet qu'une armada de catalans, et bien sûr, pas un seul français.

Le sol de la hêtraie est bien dénudé, pas un végétal

J'entre directement dans les sous bois: le sol est étonnant. Le sentier est un long socle de granit où furent aménagées des marches ou carrément taillées dans la pierre. Mais comme le granit s'érode très bien cela donne une morphologie bizarre. La hêtraie prend le relais immédiatement, nue et abrupte et le sentier aménagé autrefois (murettes, virages serrés, marches, drainage des eaux), monte en zigzagant sans répit. Ainsi à tous les étages on entend des voix et distingue des silhouettes. Et ça grimpe, autrement dru que pour El Turó de l'Home. Je scrute les pentes et ne vois aucune trace de charbonnières, alors pourquoi ces aménagements ? Apparemment des charges descendaient par ce sentier aujourd'hui érodé, raviné, abîmé. Dès que disparaît le granit, les aménagements aussi, le sol est bien plus stable. Oui les montagnes parlent et je sais - un peu - les écouter.



Anciens aménagements



Système radiculaire

Je quitte le relief escarpé, un long faux plat où croissent d'énormes hêtres qui ont joué de l'envergure plutôt que de la hauteur, la configuration du terrain les y ayant invités.
Je change de versant, les bruits de la route feront place au silence, mais je ne vois rien que le ciel bleu.







Je vais marcher dans un paysage qui s'ouvre un peu, sur les vallées, à ma gauche, sur la longue montagne du Turó aux Agudes, profitant amplement de la face que je surplombais l'autre jour. Je sais que s'y cache une enfilade de 15 puits à neige que j'irai voir un jour. A ma droite, il y a l'arête; j'y grimpe et là, quel panorama ! Un vide des plus escarpés, rocheux, creusé de ravins, la route minuscule en bas, les Pyrénées enneigées et les lointains maritimes noyés dans une brume grise. Je ne verrai pas la mer.


La crête parcourue le 2 février entre Turó de l'Home et Agudes
Dans cette clairière on trouve : genêts, ajoncs épineux, bruyères et genévriers

Très vieux genévrier

Par contre je vois enfin les premières places charbonnières, il était travaillé en altitude ce charbon de bois du Matagalls. D'où le chemin aménagé.


Dans ce décor très pierreux se trouvaient des charbonnières
 Dans mes randonnées de moyenne montagne, la végétation fait oublier que les pentes sont souvent autant sinon  plus escarpées qu'en plus haute montagne. Si les arbres étaient absents, les sentiers seraient vertigineux.
J'arrive ainsi à l'étonnant Col Pregon :1529 m. C'est une cuvette oblongue cernée d'arbres, de près d'un hectare, copieusement enneigée, une croisée de chemins, vers le Col de San Marçal ou vers le Col de Bordoriol.
Le Col Pregon
Vue aérienne. J'imagine que les charbonniers avaient peut être
 déforesté pour y installer leur "village" ?

Là commencent les choses sérieuses : la neige est omniprésente, superbe en hêtraie, abominable en sentier. Les gens descendent comme ils peuvent, glissent, par jeu ou par maladresse, rendant le chemin peu praticable.




Le col de l' Home Mort, 1638 m, signe la fin de la forêt. C'est plein de vie, les gens se restaurent, la neige cesse et le sommet se profile, hérissé de son immense croix. Le vent glacé qui a chassé les brumes, mord cruellement. Le paysage est largement ouvert vers l'ouest, des bleus à l'infini.
(A noter que dans ma rando de la semaine dernière il y avait aussi un "Home Mort" et un Col Pregon)

Col de l'Home Mort

Au zoom, la croix sommitale

13 h 30 je suis au sommet, El Matagalls, 1697 m, croisée de chemins également. C'est un froid glacial augmenté par la forte soufflerie d'un impitoyable vent de sud ouest qui brûle, mord, corrode et chasse les gens comme des mouches après la photo souvenir.

Arrivée côté sud: quel décor !

Vue côté nord . C'est aussi un carrefour de 2 voies d'accès


Je me cache sous le vent, face au Canigou, au bord d'un monumental à pic où je cherche en vain un chemin, et je mange vite fait, il fait trop froid. Pourtant quel panorama ! Et encore, la mer, noyée de brume grise, est absente aujourd'hui. Dommage..

Ma place au restaurant TRES climatisé

Face à moi, le Canigou

Et la chaîne des Pyrénées

Je repars explorer les collines sommitales, 1 km de balade, jusqu'au Prat Llis. La ligne de crêtes est en pente douce,  faite de petites collines couvertes de buissons réduits à l'état de squelettes. Les noms des lieux sont un vrai livre de lecture dont je n'ai pas toujours la clé, hélas.

Viladrau, le plus proche village, 900 m en contrebas et les Pyrénées
Viladrau au zoom




Viladrau très zoomé

Le vent y est cruel, je suis peu vêtue mais entièrement couverte et je n'ai pas froid, à condition de bouger. Le vent a dispersé les visiteurs, d'ailleurs le site se nomme "El pla del vent" ! J'aime beaucoup cette violence des éléments, c'est la Terre qui s'exprime.


Bien cadenassée contre le vent
ça ne me ressemble pas cette tenue!!

La grande croix a une longue histoire qui débuta en 1614 et se termina avec l'actuelle croix métallique remplaçant en 1931, toutes les croix de bois tombées sous orages, vents et tempêtes.
Le 2nd dimanche de juillet se déroule l'Aplec, procession religieuse, mais il ne nécessite pas 2 h de marche, une route forestière conduit à proximité du site.
Une table figure l'autel, érigé en 1975






 14 h 05 j'entame la descente qui se fera non stop et à un rythme soutenu. Le sentier étant trop glissant, je pique tout droit en forêt sur le Col Pregon, à travers raides champs de neige vierge, un régal.


















Ensuite je quitte définitivement la neige et refais le chemin à l'envers dans la forêt soudain désertée, moment de solitude et de plénitude...qu'est ce que je suis bien dans cet élément-là !




Magnifiques "boix grévol" soit du Houx le seul arbre qui cohabite ici avec le hêtre

Bon balisage du sentier

En 1 h 40 je suis revenue à mon petit camion où je vais goûter les délices d'un bon repas chaud ! A l'heure espagnole comme il se doit.

Avant de filer vers de nouvelles aventures ......

En chiffres:

Distance : 11 km
Dénivelé cumulé : 650 m
Temps de marche: 3 h 50






4 commentaires:

  1. Bien sûr !!!: ELLE veille sur toi ......: sois prudente .

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    1. Mais oui...Merci de ton passage sur mes terres sauvages.

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  2. Pour moi c’était « Voyage en terre inconnue » une belle Rando bien ventée et un beau récit, merci pour ces belle photos.

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    1. C'est un sommet qu'on néglige, vu d'ici, mais il a ses charmes et le plaisir d'une belle rando en forêt. Et puis il est fatigant : matagalls, mata donas

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