Petite et insolite balade en Corbières audoises

Pour échapper à la façade lisse et terne de l'ennui en ce dimanche aux contours indéfinis, je prends la voiture et me dirige vers le département voisin, l' Aude, en me promettant de chercher l'insolite !
J'ai un but : la cascade de Dernacueillette, l'insolite, je le sais, viendra à moi. Pour cela il faut préparer son regard à l'accueillir. A Dernacueillette cela va de soi.

La cascade de Baïral, Dernacueillette
Et la 3 eme  piscine, celle du bas 

Je commence par les limites du département 66, à Vingrau. La route passe dans les premiers bastions de la Serra de Vingrau, soit une montagnette pleine de surprises, une face en pente douce, l'autre mordue à belles dents par les affres du temps. Les falaises d'escalade sont abruptes.
Le départ se nomme Pas de l'Escale (échelle) c'est tout dire. Je me gare et vais explorer du regard...c'est là que je le vois ! Un chemin pavé, un ancien passage. Autrefois, avant la route, Vingrau et Opoul se joignaient par un chemin muletier, j'en ai trouvé des vestiges, là j'ai la partie musclée, le Pas de l'Escale. Point de marches mais un joli chemin pavé récemment pour abriter des canalisations, celle du hameau du Pas de l'Escale relié aux égouts de Vingrau je pense. On a l'impression de sauter dans le vide, mais non le chemin suit la muraille avant de plonger doucement dans le vignoble. Joli sentier qui permet la rando tout au long de la montagnette, parcours court ou long, 2 options aériennes et superbes (sans vent).
En images

Le Pas de l'Escale, Vingrau 66

Je pars sur l'Aude, caressant du regard au passage la Serre, émaillée de grottes et percée d'une arche, celle du "Petit Dru" (du nom de la voie d'escalade) , arche qui me valut quelques acrobaties par le passé. Juste pour aller dans la fenêtre.

La Serre de Vingrau :là dedans se cache l'arche du "Petit Dru"

L'arche du Petit Dru

Gravure sur roche, 2 yeux et un sourire

Tuchan ! Il y a paraît-il des quartz bien gros, on verra ça au retour, la cascade perd ses eaux en attendant!

Un toit flottant...

La grande muraille : épierrage de la vigne

Détail

Padern,  je m'arrête toujours ici, le Verdouble passe dans cette gorge qui garde des traces d'usines, des vestiges de grottes et un gros chaos rocheux dans l'eau ...mais ils viennent d'où ces rochers ? Aucune trace rive droite, je me retourne, rive gauche je le vois le très vieil effondrement : ça alors ! Et je suis garée en dessous ? L'air est âpre, le ciel gris, seule la couleur de l'eau "double vert" du Verdouble éclaire le paysage

Le Grau de Padern : le Verdouble passe entre les parois

Double vert du Verdouble

Un jour la montagne se fendit et s'éboula

Elle dégringola dans le Verdouble

Padern, son château, ses maisons à vendre, ses anciennes devantures vides, le grand village ne compte plus qu'une centaine d'habitants...

Padern, son château et son désert urbain

Les Gorges du Torgan : le Torgan est une rivière de 15 km, affluent du Verdouble, réputée pour sa fraîcheur, elle a un cours très accidenté . Les gorges, au pied du Mont Tauch ont un joli relief, pas spectaculaire mais dans ce massif calcaire, l'insolite vient à moi, que je n'avais pas vu précédemment : ce sera insolite rocheux.

Couleurs minérales dans les gorges grises. Cristaux de calcite

D'abord il y a les anciennes mines ou carrières et je tombe sur celle ci, petit bâtiment ruiné, ancienne galerie murée et cône de déjection coloré : c'est de la barytine  constellée d'azurite et de malachite, couleurs vives, de la roche bleue c'est captivant. Des miettes de ciel posées sur de lourds cailloux blancs!

Ensuite il y a des strates feuilletés, empilés et colorés. Une ronce épaisse et bien armée a plongé dans les feuilletages, à plusieurs reprises; elle me gêne mais je respecte son choix, les nutriments doivent être appétissants car de gros chênes ont fait pareil il y a longtemps.

Ronce ou chêne, on se nourrit de la roche

Quelques tableaux rocheux et colorés plus loin j'arrive à.......

La cascade de Baïral (50 m environ) saute aux yeux immédiatement, cette fois il y a de l'eau. Le 66 a été en alerte orange (et rouge) quelques jours et s'est débarrassé de ses pluies en les expédiant en 11 cela se nomme "relations de bon voisinage". La cascade a perdu ses eaux, ou les pluies sont allées voir ailleurs, elle est maigre. Elle réunit les eaux des ruisseaux des Escoumes et de Lacamp. Je prends mon repas de midi, en admirant la chute et je vais enfin réaliser mon projet de 2017. A l'époque j'avais grimpé mais n'avais pu arriver en haut faute de corde adéquate et surtout de confiance en moi. Aujourd'hui je vais réussir car j'ai pris de l'assurance et, surtout, mon bûcheronnage forcené d'automne m'a donné de la technique. Alors je grimpe: d'abord cela se fait en parallèle de la chute d'eau, montée en dalle rocheuse non lisse, aucune difficulté. Aux 2/3 supérieurs je bloque comme en 2017 mais cette fois je trouverai LE passage détourné aussi insolite qu'original, il emprunte d'anciennes marmites de géant du temps où la cascade avait un autre cours. Me voilà à l'endroit qui était resté masqué : une belle piscine, la partie supérieure de la cascade s'y jette et à mi paroi, une sorte d'antre sombre préfigure une résurgence. De là, objectif atteint, il ne me reste plus qu'à installer ma corde et descendre tranquillement puis faire quelques aller retours par jeu, je suis rassurée , j'ai fait des progrès et surtout j'ai atteint le but que je m'étais fixé. Exercice aussi gratifiant qu'inutile mais que je ne juge pas dangereux. Toutefois, un autre projet se dessine déjà....
Je tire sur ma corde que j'avais mise en double pour la récupérer aisément et je redescends après avoir amplement profité du décor. Une cascade c'est toujours fascinant...Et la roche qu'elle a travaillée aussi.
En images :

Presque en haut

Au loin, Dernacueillette

Partie supérieure inaccessible sauf en escalade (peut être)

La piscine du haut; à droite la grotte résurgence ?

Descente à la corde

En descente : piscine du milieu

La roche

Moment magique : au milieu

A partir de la piscine du bas, l'eau continue
 sa course

A présent direction le retour : la petite route va m'offrir un insolite. Dans le mur calcaire du bas côté, face à ces deux géants de roche que sont les châteaux cathares, un ravin se jette . En paysage calcaire les ravins ont une drôle d'allure. Nés dans les sous bois, ils dévalent la pente et dénudent puis creusent la roche de plus en plus profondément; comme l'eau a joué avec la structure calcaire cela donne des canyons miniatures de rare beauté, sur une brève longueur mais qui méritent leur découverte.

Deux "dents" Cathares : Quéribus (gauche) et Peyreperthuse (droite)

Chemin d'eau

Etonnant chemin d'eau du ravin

 Direction Tuchan, il y a des "Quartz gros comme ça!" m'a dit un jeune homme récemment, à Fitou (11). Je fais chou blanc mais une superbe coulée mauve me fait stopper net : et me voilà, vêtue de mauve, caressant des roches lisses et brillantes assorties à ma polaire!

Du plus beau mauve

Marnes schisteuses

Gisement de gypse et de quartz

Du mauve au rouge il n'y a que quelques nuances, je me souviens d'avoir croisé autrefois un bord de route très vermillon, le retrouverai-je ?
Le voilà, près de Durban et là...j'oublie l'heure, le lieu, le temps, les voitures qui passent et me voient haut perchée, j'oublie tout...Je cherche, je n'abîme rien, je ne détruis rien, je moissonne une jolie collection sans la moindre valeur.

Marnes gypsifères

Gypse hématoïde coloré en rouge orangé par le fer

L'Aude, alors que je reprends la route, phares allumés, m'a offert, dans cette journée grise qui se voulait terne, dans une journée sans âme qui vive, un peu de son âme, celle forgée par la nature voilà des millions d'années, celle dans laquelle je me sens le plus en harmonie.

Ce monde là, l'eau, la terre, la roche, c'est le mien... 

Chemin d'eau ? Résurgence ?
Grotte ? (à voir...)

Et il est pourtant si fragile.