vendredi 16 avril 2021

Le soufrage manuel de la vigne

 Cela commence la veille au soir...j'étends un linge fin sur un fil, il a tout loisir de se balancer au vent léger.

Petit matin, 5 h, je regarde le linge. Il oscille, je me recouche. Il ne bouge pas, je m'arrache du sommeil profond du petit matin après le mauvais sommeil de la nuit.

Il ne faut pas un souffle d'air pour soufrer.

Lever rapide, toilette rapide, café rapide, debout, repas des chats un peu désorientés et je retrouve mon coéquipier, c'est parti dans le vieux land rover vers les collines.





La nuit enveloppe le paysage, il n'est pas 6 h, l'orient rougeoie à peine, plus loin que lui, au delà de la mer, le soleil baigne déjà certains pays, la vie renaît. Pas encore ici. Silence parfait et immobile, froid de la nuit, étoiles qui s'éteignent, les montagnes sombres qui se découpent, la mer qu'on devine au loin, pas trop loin..

L'heure d'avant le jour


Les gestes ancestraux et mécaniques : le bac posé au sol, les sacs de 25 kilos, légers mais encore trop lourds pour mon dos endolori et paresseux, je laisse faire mon coéquipier, on vide un sac dans le bac, on l'époussette sur les ceps voisins avant d'y mettre le feu...ah l'odeur du soufre fraichement incendié...inimitable...puis on  emplit le seau à la lueur des frontales brutales, toujours enveloppés dans un nuage de poudre impalpable et enveloppante, telle la poudre de riz des belles du temps passé, mais bien plus corrosive.


On vide le sac dans le bac



Dans un halo de poudre

On secoue le sac vide sur les ceps

Ensuite on arpente les rangées, le pas est vif malgré le sol inégal, le geste de la main régulier et efficace et, à la manière des tricoteuses ou des tisseuses, on va, on vient, on retourne, on revient, puis on remplit à nouveau...


Le matériel: seau et souffrette


La soufrette, sorte de passoire qu'on agite



Le geste ancestral

Le résultat final, pour éviter une maladie nommée "oïdium"

Le ciel s'allume un peu plus à chaque passage, la nuit s'éteint dans le ciel, le jour se reflète sur la mer.



Les oiseaux du matin donnent un concert, les rossignols d'abord, qui éteignent les autres,  et puis les voitures sur la route, au loin, les premiers bruits dans les vignes environnantes, une voix claire, un tracteur...

On éteint la frontale devenue inutile, le froid s'accentue avant le lever du soleil. Appareil photo en poche je marche et je guette, je l'attends, il est là et je m'arrête, cela vaut bien une pause.





Instant magique









Ensuite la matinée peut continuer, le faisan nous accompagner, la journée s'entamer, la magie de l'aube s'est dissipée.








Un poudroiement de lumière et de soufre


Quand la vigne sera achevée, ou quand le vent léger se sera levé, on rentrera en nos maisons, couverts de poudre jaune, direct le lave linge et la douche, les yeux irrités, rouges et larmoyants, un froid intense insinué en nous, la rançon du soufre, et on aura vécu un moment rare, ancestral, gravé en nos souvenirs d'enfant que l'on retrouve intact et préservé au delà des années....



Une petite explication

Le soufrage a pour but d'éradiquer l'oïdium, un champignon parasite.

Le soufrage manuel est en voie de disparition, trop long, remplacé par le soufrage mécanique. Mais sur les cépages sensibles, rien ne vaut les deux premiers soufrages manuels. 




6 commentaires:

  1. Tout est beau le savoir faire, le récit, les photos et le cœur que vous y mettez. Respect. Je tembrasse

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    1. Et bien merci pour cette poudre dorée de compliments que je sais sincères. Bises

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  2. Une atmosphère feutrée et bien particulière au lever du jour, j’adore ces photos empreintes de mystère. Un reportage hors du commun, bravo !

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    1. merci Josy, mais c'est aussi une atmosphère hors du commun, c'est un travail très particulier, avec un beau regard sur les splendeurs de l'aube, regard souvent mouillé des larmes provoquées par la corrosion du soufre. J'aimais aussi soufrer çà la tombée de la nuit, on voit et entend s'éteindre la nature, c'est magique également. Bises

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  3. J'ai pu constater en passant que ces vignes sont magnifiques

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    1. Ah merci !! Si vous m'y voyez arrêtez vous, on bavardera 5 minutes !

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