vendredi 9 juillet 2021

Ariège: les lacs cachés du cirque d' Escobes ou les sources du Siscar.

 La vallée du Siscar se termine à l'Hospitalet dans les toutes jeunes eaux de la rivière Ariège. Pour tout dire, elle se termine face à mon "hôtel sur roues", de l'autre côté de la route, de la voie ferrée et de l'usine électrique qui chante à mon sommeil.

C'est dire que ce jour je vais la remonter en son entier ce qui fait plus de 10 km. Ce ruisseau chantant est grossi de nombreux affluents, l' Ariège ne manque pas d'eau. Ce sera une balade au fil de l'eau sur 1000 m exactement de dénivelé.

Sans nom mais est ce nécessaire ?

Hormis sa partie inférieure je suivrai le ruisseau au plus près.

Départ au petit matin

J'ai fait ce trajet la semaine passée jusqu'à l'étang de Siscar et ce qui me pousse à y retourner n'est pas l'eau mais les fleurs. Une semaine après, la défloraison est très marquée mais cela reste resplendissant.

Cascades en série

Débauche de Lys des Pyrénées


Il n'y aura guère de surprises sur mon trajet et pourtant on découvre toujours une nouveauté ; ainsi ce cortal que j'ai longé sans le voir! J'ai démarré très vite ma rando à 6 h 23, je me morigénais à haute voix "Pas si vite, tu as le temps !!" et le temps je l'ai eu puisque d'un coup je me suis sentie "séchée sur pieds", alors au lieu de courir, j'ai ramé, normal j'allais pour voir des lacs.  Mais cela a handicapé ma journée...enfin...vu ce que j'ai fait, cela aurait pu être pire.



Revenons au sentier. Le soleil me rejoint à 1702 m (La terrasse), et ne me quittera plus sous un ciel résolument bleu. Pas un nuage. Il fera chaud. Pas un voile d'humidité, ce sera lumineux. 

Le cortal discret









Le chant de l'eau est la voix de la montagne, le souffle du vent, sa respiration, le reste n'est que regard, celui qu'elle porte sur moi, celui que je porte sur elle.

Les couleurs du jour



Je monte en cadence, je suis déjà au belvédère (1955 m, 3.9 km, 1h 30 de marche) qui domine le "Saut du taureau" cascades du Siscar qu'on ne voit que d'en bas et au zoom. 



Montée au Belvédère





         

Le saut du taureau








En haut, je m'approche du saut, hors sentier, c'est dangereux, l'herbe y est traitre. Je reviens sur mes pas et j'aborde la petite gorge sombre où veille la sorcière face à un joli coeur aux aguets, je suis là au bon moment. 

La sorcière et le joli coeur à l'oeil vif

Tout en haut, le barrage de Sisca (2025 m) est presque vide. Après le barrage, la montée s'adoucit et commence une longue et large vallée sur près de 2 km,  jusqu'à la cabane (2108 m), vallée dans laquelle coule en méandres le Siscar.


La vallée du Siscar



Cirque d' Escobes et méandres du Siscar



Autrement : Pic d' Escobes au centre


 Sur ma gauche s'aligne la crête qui va du Col dels Clots (2160 m) jusqu'au pic de la Cabaneta (2847 m) : son versant est strié de coulées vertes, impeccables, qui me donnent envie de grimper, mes jambes disent non, je les écoute, d'ailleurs elles semblent absentes de moi, comme plombées. 

Les lacs m'appellent. Soudain, avant la cabane, un immense troupeau de vaches barre mon chemin et je ne suis pas rassurée : je vais quitter le sentier, traverser le Siscar et remonter en rive opposée . J'y rencontre une sente esquissée et cairnée, un chemin parallèle qui donne de belles vues au milieu des rhododendrons en fleurs mais une vache curieuse m'a emboité le pas, je la surveille, elle n'est pas seule, je force l'allure et m'en débarrasse au lac. 

Mouhh, arrête
de me suivre


La cabane et les vaches











Cette déviation me vaudra de voir des vestiges d'une estive avec un étroit couloir de pierres pour conduire le bétail. Belle rencontre.


Vestiges 

Couloir à bétail

Parc à bétail ?  



Premier regard sur le Regalecio


Petite descente sur le Siscar, 3 h de temps effectif de marche pour arriver là, 7.5 km, je re traverse car la berge est peuplée elle aussi et dès lors je quitte tout sentier hormis quelques traces le long de l'étang. A présent l'inconnu commence. 

Je laisse à ma droite le pic de Regalecio qui me suivra des yeux tout le temps, je vais à l'étang de Regalecio, 2304 m, invisible de tout sentier. Et dépourvu de sentier, j'ai choisi le tout droit dans la pente et c'est "chaud" ! Un hélico tourne il me dérange. Je monte avec détermination, je suis le ruisseau de Siscar qui fait un virage, perso je coupe le virage et enfin je vois miroiter la surface de l'étang. Le Pic dont toute la partie austère et rocheuse est dans l'ombre a, vu d'ici, un aspect féroce qui me plait.


  

Montée hors sentier à l'étang de Regalecio
 (la photo écrase la pente)










Le lac est petit, profond de quelques dizaines de cm et habillé de pierres blondes couvertes de mousses vertes, avec le vent, le décor devient artiste, le pinceau du vent crée des tableaux abstraits de toute beauté que je ne tarde pas à déranger, je prends mon premier bain, il y a trop peu d'eau pour nager.






 Comme la chaleur est intense c'est Régal au Regalecio. Personne, cernée par des roches austères et abruptes, cachée de toute vue, c'est envoûtant. 
Une sorte de "seule au monde" que le soleil lancinant rend idyllique. 


Les murailles du Regalecio, enfin une arête qui ne me tente pas !!


Une façade lisse

et de drôles d'escaliers


Passons au second étang, tout proche, au pied d'une muraille, je ne dérange pas le coeur de ces montagnes en le malmenant et en y brassant, adieu le joli coeur, je prends de l'altitude et bien sûr je choisis le couloir le plus raide, c'est celui qu'emprunte le tributaire du lac au-dessus. Ces trois lacs reliés par un tributaire (ruisseau qui va de l'un à l'autre) ne sont autres que les géniteurs du Siscar.  Ce couloir est particulièrement raide, les éboulis en sont le meilleur chemin ensuite je patauge entre eau et herbes, espérant que la vipère n'aura pas eu la même idée. La vipère sera l'obsession du jour.


Montée de l'austère couloir : eau, roches et fleurs

Montée dans le couloir

L'étang lac du Joli Coeur

Et, d'un coup, à l'étage supérieur, au pied de murailles impressionnantes se love, tout rond, l'étang d' Escobes, 2410 m. La façade nord ouest du pic s'élève dans son aspect le plus secret, sauvage et boudé du public, c'est là que j'aimerais monter, j'ai déjà tracé ma route, mais les forces sont restées au km 1.5. Et pourtant je suis au km 10.16 ! Je nage dans l'étang peuplé de tritons palmés dont je découvrirai l'identité à la maison. Pas craintifs devant ce monstre aquatique d'un instant! On cohabite dans une eau pas froide. Le bain est vivifiant dans cette journée de feu. Au milieu de ces cuvettes rocheuses le vent n'arrive pas, la montagne ne respire pas. Il y a des rochers au dos rond, des rhododendrons et le silence, le bleu et le feu du ciel. Il y a moi, petit point perdu qui nage dans les eaux vertes et le bonheur doré.

Le Pic d' Escobes surplombant le lac








Partenaire de baignade, le triton palmé


Alors je décide d'essayer de grimper. 360 m de dénivelé me séparent du sommet et des montagnes de fatigue barrent mon chemin, mais je grimpe, c'est même captivant, quand soudain, je réalise que Nina et Mathurin, mes chats, sont en plein soleil dans le camion. Alors là, c'est demi tour sans réfléchir ! 2477 m d'altitude, 11 km, je fais demi tour et choisis une autre voie, pas la plus simple mais je me joue des herbes, des éboulis, des barres rocheuses et même d'une cheminée, je trace ma route en faisant quand même la halte au dernier lac, au nom étrange de Moulsude, 2338 m. 

Petit essai non transformé : je reviendrai


Vus de mon perchoir à 2477 m :

Des flancs du Pic, vue sur le lac d' Escobes et le pic de Regalecio


Vu d'en haut il n'a rien d'engageant, un laquet sans personnalité et pourtant c'est celui dans lequel je prendrai le meilleur bain, séance de natation, délice.

Etang de Moulsude




Etang de Siscar, 300 m en dessous




Une étonnante fenêtre : écaille de roche
décollée par le gel
Descente escarpée

Le Pic de Regalecio vu depuis l'étang Moulsude



Sa façade enfin éclairée : il y a peut être
une voie à tenter !

A présent, cap à l'est toute, je suis inquiète pour mes chats! la descente sur l'étang de Siscar sera compliquée et belle à travers un relief éprouvant, il est encore plus  difficile de descendre que de monter. De l'eau, des rocs, de l'herbe épaisse et traitresse, des barres rocheuses, j'avale sans rechigner le menu des 140 m de dénivelé escarpé parce que la vue est belle, que je suis boostée, et que je cultive mon idée fixe : rentrer au plus vite. Difficile alors que 9 km m'attendent !! Et que je suis à pied. 

j'ai la surprise de rencontrer un grand nombre de lys, ainsi ces belles fleurs peuvent atteindre l'altitude de 2400 m. Mais pour plus beaux soient-ils, leur parfum est nauséabond !

Descente sur le Siscar

Jardins d'eau et de pierres en alternance


Le même ruisseau : rencontre avec l'étang
Chemin d'eau 
                                                                                                






Mes copines...mouh...fuyons !



Panoramique: entre sommets et Siscar se logent les 4 petits étangs


Dès mon arrivée à l'étang de Siscar peuplé de ruminants alanguis, je passe à la vitesse supérieure et d'une seule traite, je vais dévaler les 8 km, en 2 h 10, doublant des randonneurs usés, côtoyant les vaches amollies, essayant de me rassurer, essayant surtout d'assurer mes pas, avalant avec délice la moindre ombre sous le ciel brutal, ignorant le soleil de feu, buvant l'eau du ruisseau, comme dans un état second au comble de la fatigue mais attentive au décor aussi enchanteur sous un ciel rare, flairant au passage des belles fleurs au parfum affreux ou absent et, enfin, retrouvant deux chats sereins et frais, comme étonnés de ma précipitation à fourrer le camion à l'ombre près de la fontaine où viennent s'avachir des randonneurs usés. 

D'où je viens...

Chemin d'eau et jardin de pierre, barrage de Sisca



Où je vais...tout au fond de la vallée

Heureusement qu'au km 1.5 mes forces m'ont quittée sinon je crois que j'aurais survolé comme un drone le Pic d' Escobes et ses voisins...Cela m'a refroidie dans cette journée de feu mais je me suis gavée de paysages superbes et je garde au fond des yeux de l'eau, des fleurs, des roches, du ciel, du vert à profusion, et même des tritons...palmés s'il vous plait ! ...cela se nomme un cocktail bonheur.

Linaigrettes et Lys

Quelques Trésors du jour


En chiffres

Dénivelé positif cumulé : 1110 m

Distance : 20,07 km dont 5 km hors sentier

Temps de marche : 7 h 15

Temps de pauses: 2 h 50


Le trajet dans son ensemble





Gros plan sur le tour des lacs en hors sentier












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