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Lacet noir en coton blanc : le sentier |
L'Ariège est assez loin de chez moi, chaque sortie demande un trajet conséquent, plus en temps qu'en kilomètres...quoique ...300 km aller retour cette fois, mais ses montagnes sont attirantes : rocheuses, escarpées, ponctuées de lacs, torrents, belles forêts et fleurs à profusion. Le climat n'y est plus méditerranéen. Je prends donc la route, en jonglant en ce week end avec le Tour de France, à éviter. Lundi sera rando, le Tour en repos, et la météo annonce grand beau.
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Ariège radieuse sous le soleil estival, au col du Chioula |
Dimanche...je prends un bain de soleil à Orlu, en bord d' Oriège, 34°, soleil de feu, farniente, écriture sur mon bureau improvisé, la vie est belle. Détente au menu.
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A Orlu et l'Oriège |
Plus tard je rejoins mon parking de montagne au Pont de Bisp, au départ de la rando pour Parau, je serai parée au plus près. En guise de pré, je suis logée au milieu des fleurs, au dessous de la redoutable Dent d' Orlu, 2222 m, LE monument du coin (rando, escalade surtout). J'ai des voisins, la rivière donne de la voix, et dans le soir qui tombe, je pars en reconnaissance du départ du sentier, un sentier "oublié" que j'avais cairné à ma précédente venue. Mai 2018.
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Le pic de Brasseil ou Dent d' Orlu 2222 m |
J'ai un passé avec Parau. Vieux de 4 ans, initié en mai 2017. Je l'ai concrétisé un an après mais une météo exécrable et un enneigement trop important m'avaient laissée sur ma faim.
Nous voilà donc en été et cette fois, je veux aller plus loin : Pic de Parau (2327 m) et pourquoi pas les voisins nommés Roque Rouge (2183 m), séparés par un couloir que j'avais repéré. 1200 m de dénivelé minimum.
Je suis très impatiente de prendre le départ mais voilà qu'à la nuit tombée, un lointain et violent orage sort ses griffes et le vent secoue les arbres de manière inquiétante. Puis les étoiles brillent dans la nuit, demain sera un autre jour...
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Même lieu au petit matin, On a arraché la Dent !! |
Matin gris ou matin bleu ?Je ne distingue pas, mais, porte ouverte, c'est plus que gris, la Dent d'Orlu au dessus de mon lit est invisible, pourtant elle me domine de plus de 1111 m.
6 h 45, je pars, on verra bien. Le départ est surprenant: un pont de pierre, plutôt large, franchit l' Oriège et ouvre sur...rien. Peut être sur la piste forestière désaffectée que je dois emprunter sur 235 m avant de trouver le départ du sentier? A partir du cairn la piste est toute embroussaillée. Sur le cadastre de 1847, ce pont de Bisp est à un carrefour de 4 voies d'échanges commerciaux et estives dont la jasse de Parau (Parau, ou Parahou = parc à moutons entouré de pierres, en occitan).
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Sur l'Oriège |
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Le Pont de Bisp |
Donc à 1180 m, le cairn m'attend et m'invite à un tout droit en forêt, la couleur est annoncée, ce sera escarpé, vert, et ...gris. Pas une ouverture sur la Dent, elle a disparu, je ne vois que troncs, ramures et feuilles mortes, le sol est vierge de verdure sauf les nombreux rameaux cassés par la tempête du soir.
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C'est là haut que je vais grimper! Vue prise la veille |
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Et c'est par là que je vais y arriver |
Je vais monter ainsi sur plus de 400 m, le sentier porte des traces de fréquentation, mon cairnage est en place, mais inutile, le décor sera uniforme : rochers moussus, arbres et sol net. Et virages, virages, lacets. Je les compterai à la descente : 84. Je grimpe aisément, pas de fatigue, allure posée, effort régulier, pauses nombreuses et brèves, mes lunettes sont embuées de sueur.
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Mariage entre roche et bois |
Plus haut, ce ne sera plus de la buée mais de la brume, les essuyer est inutile. Plus je monte, dans un silence épais, plus la brume s'épaissit, déjà la cime des arbres est ouatée, rien n'annonce la moindre éclaircie. Les oiseaux sont muets, l'Oriège et le Chourlot mêlent leur chanson, ensuite le Chourlot continue solo. Ce nom bizarre vient de l'occitan "churlar" , boire à longs traits en aspirant !
Le Chourlot et l'Oriège à la confluence, la veille au soir
Le GPS égrène des chiffres, j'adore les chiffres, je note des repères. Je me souviens de tout le parcours pourtant fait une seule fois.
Ainsi à 1440 m je rencontre enfin une ligne droite en pente douce montante, égayée d'une vaste tache noire, une charbonnière. Je m'interroge : "continuer ou pas ?" .
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La charbonnière |
Je me sens bien, ma hantise de la brume est en voie de guérison, ici, de toute façon, un tout droit en pente au plus près du ruisseau est possible, mon GPS devenu ami marque la trace, j'ai une bonne thérapie.
Et puis je me suis prise à aimer la brume, cette ouate douce qui nous caresse la peau, ce silence de neige, cette blancheur ouatinée, cette impression plus que jamais d'être seule au monde, et ces sens aux aguets...voir, entendre, rencontrer un animal, peur et envie à la fois.
Peu après se dessine une barre rocheuse, je la reconnais, je sais que le terminus approche. La pente se redresse, les lacets deviennent reptiliens, à ma droite, une vieille coulée d'éboulis parle de violence, ou d'avalanche, j'entre dans un petit couloir à la sortie duquel un trou souffleur d'air glacé (à1526 m) m'accueille alors que la cascade du Chourlot gronde dans son goulet.
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Derrière la barre rocheuse cascade le Chourlot |
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Le trou souffleur, profondeur insondable |
Ce trou est sans doute en lien avec elle.
Je me souviens de ce jour de mai aux relents d'hiver...
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Au passage à gué, 1537 m mai 2018 |
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Mai 2018 |
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Aujourd'hui |
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Le gué, en mai glacé, 2018 |
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Aujourd'hui |
Aujourd'hui, je dois me pencher sur le vide, désescalader des rocs glissants pour l'entrevoir. Et je traverse à pied sec sur les rochers. 1537 m et 2.17 km parcourus pour 422 m de dénivelé. En 55 minutes de temps de marche. C'est l'Ariège, on ne marche pas, on grimpe
De l'autre côté commence l'inconnu, j'étais venue en neige et avais tracé ma propre route, le sentier est différent et je le suis, curieuse. Direction bien différente pour une même destination, la douceur du parcours en plus.
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Une fenêtre ouverte sur le monde |
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L'arbre et sa fenêtre |
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Fantôme dans la brume |
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Au sortir de la forêt ! |
Je quitte enfin la forêt aux longs fûts et je débouche sur une prairie où coulent de petits ruisseaux et s'épanouissent des buissons et arbres de faible hauteur et large envergure. Des fleurs partout, en fin de cycle; j'ai le loisir d'observer minutieusement puisque mon champ visuel se réduit à 15 m, au delà c'est du blanc coton.
Le sentier est bien tracé, je pourrais continuer, mais je n'ai aucune vue. Pas de rochers, pas de montagnes, pas de ciel, un blanc ouaté, alors à l'altitude symbolique 1600, 2.9 km, à regret je fais demi tour, frustrée pour l'instant. Plus tard, la pluie qui va s'ajouter fera taire mes regrets.
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Des perles de pluie |
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Deux arbres ont poussé ensemble et entrelacent leur ramage |
Et enfin, un peu de COULEUR !!
Etonnant, la symbolique altitude 1600 que j'ai choisie se trouve à ce tunnel de verdure qui ouvre vers la ouate.
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Promis, je reviendrai !! |
A regret, quand même, je reviens sur mes pas et plonge dans la forêt par un petit sentier poétique à souhait.
La brume me happe, différente dans la futaie comme si la chaleur des troncs l'empêchait de ramper.
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Bouquet d'arbres dans un vase |
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A l'approche du Chourlot, atmosphère, drôle d'atmosphère |
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Il marque le passage à gué |
Je musarde un peu à la rivière et je décide de descendre le plus vite possible, pour le fun, en comptant les lacets. Je n'ai rien bu, juste mangé une datte et deux abricots secs, j'ai le ventre creux, j'ai fourni un gros effort, et je vais m'offrir un bon repas, en bas, donc, vite ! J'y cours!
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Configuration du terrain, les arbres dansent la gigue en tous sens |
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Cairn de départ |
36 minutes de descente musclée, 84 lacets, j'arrive au petit pont.
Et c'est ainsi que pour me mettre à l'abri je logerai mon camion et son auvent "maison" sous un vaste hêtre, près d'une immense pyramide. Ironie du ciel ou du non ciel, la grosse lampe sera allumée en plein jour.
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La grande pyramide |
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Séance écriture sur le carnet de randos |
En chiffres
Distance : 5.14 km
Dénivelé positif: 501 m
Temps de marche: 1 h 57 mn
La route : 300 km AR
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En rouge le trajet aller retour, les lacets ne sont pas marqués En noir, le trajet effectué en plus en mai 2018 |
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Sur cette photo montrant mon trajet mai 2018, la croix jaune matérialise mon terminus du jour et le cercle bleu la destination prévue |
Je crois que je n'aurais même pas commencé la randonnée, bouhhh, mais tu as trouvé a faire jolies photos
RépondreSupprimerJe n'aimais pas randonner en forêt, j'ai appris à aimer, je n'aimais pas la brume, j'adore. Eh à présent que je sais faire ma trace !! Mais c'est peu lisible, c'est comme la corde ça rassure si on n'en a pas vraiment besoin dans un cas extrême !
SupprimerTu es "tous temps" c’est super pour faire des photos originales, la brume et les fleurs colorées se marient très bien. Que de virages, à l’arrivée ça doit être sublime, une belle rando bien contée.
RépondreSupprimerOui je suis VTT, soit vieux tout terrain. Franchement je me suis régalée, j'ai hâte de pouvoir refaire tout ça qui n'était que le hors d'oeuvre et le reste par grand beau. Bises
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