vendredi 13 août 2021

Ariège: Pic de la Soucarrane 2902 m

 Appelé aussi Pic de la Rouge ou Pica Roja puisqu'il est frontalier avec l' Espagne. la couleur est annoncée...


Vue prise depuis le sommet

J'ai très envie en cet été 2021 de remettre mes pas dans ceux de mes tout débuts de randonneuse, en 2006, et revenir sur les lieux qui m'ont inspirée et surtout guérie de mes multiples douleurs. A ma toute première rando, j'étais montée au Port de Bouet et m'étais promis de revenir un jour, pour monter à ce pic. 15 ans après je réalise mon projet. 

L'Ariège offre des terrains de randonnée fabuleux, mais très souvent mouillés. Ainsi ce jour d'août 2006, je partis comme ce matin dans une brume épaisse. Je ne connaissais rien à la montagne mais j'osais. Et bien m'en prit. Une passion allait voir le jour.




Samedi soir sous la brume, 7 août 2021 : je retrouve Ludo aux "orris de Carla"; une soirée comme on les partage parfois en montagne. Demain son projet est énorme, le mien plus modeste mais on fait en commun un apéro dinatoire sous le minuscule auvent improvisé de mon kangoo, crachin oblige. Soirée conviviale, une amitié qui perdure malgré une génération d'écart, c'est géant !! ça vaut tous les sommets.


Donc, en ce 8 août, 7 h 46, 1655 m,  sous un horizon (très) rétréci, je pars pour la Soucarrane, si la brume se lève, sinon marcher dans la ouate n'offre pas grand intérêt. Je me souviens des paysages, je veux les revoir. Ludo a "décollé" nuit noire, à mon réveil il doit être déjà sur les crêtes, de son grand pas élastique. A côté, je trottine comme une souris....

Si l'horizon est rétréci, les jeux de brume sont fascinants car elle bouge, roule, s'envole, revient, mêlée à la lumière solaire, c'est déjà un paysage! C'est calme, personne sur les chemins, pas de bétail, la rivière emplit tout l'espace. Avec ses cascades. L'Ariège c'est de l'eau, des fleurs et des pics élégants, des pentes très inclinées, c'est sportif, c'est vivifiant. 

Roule et s'enroule, la brume


Jeux de brumes

Je quitte la morne piste qui remonte la vallée, franchis la première passerelle, rencontre les ruines d'un ancien pont au bas de la grande cascade et vais suivre un grand moment le fond de la vallée où serpente lascivement le Soulcem, né de quatre ruisseaux bondissants qui se rejoignent. 


Direction le Port de Roumazet, 2571 m, frontalier avec l'Espagne. Port = col.


Gardien du but : remonter la pente


Et la pente ...elle est très pentue !


Et très dentelée


Mais c'est un jardin


Dans lequel je marche

D'abord j'ai une grande montée, bien vive et agréable, sur 200 m de dénivelé. Les sentiers ne sont pas que de randonnée, ils ont une histoire écrite pierre à pierre depuis des siècles. Histoire pastorale, surtout, mais aussi de contrebande...une autre histoire, qui eut son heure de gloire et a de beaux restes avec la proche Andorre...au fur et à mesure de la raide ascension, le paysage se dévoile, je sens que je peux rêver au sommet. 

                                                                                                       

Ancien chemin supplanté
par la piste
Et sentier montant à l'assaut de la pente

   

2000 m, le sentier va serpenter de ressaut en ressaut, en suivant la rivière, j'en profite pour musarder un peu, profitant du paysage sous un ciel de plus en plus bleu qui repousse la brume obstinée en un ravissant ballet. Je me perds en réflexions : je n'aimais ni la brume ni les forêts, j'ai bien changé. Changer c'est évoluer. Même si je change "en mal" (je perds de mes capacités), j'évolue positivement, je m'adapte. cela me rassure et fait fondre comme brume au soleil mes "angoisses d'en bas"....de plus en plus persistantes, hélas...

2117 m, (4.73 km), je suis toujours dans la plus parfaite solitude, un sentier file vers la Gardelle.    

Un jeune couple arrive, les premiers marcheurs du jour. Le joli étang de Roumazet frissonne.  Nous prenons la même direction, mais leur jeunesse fait la différence, je me laisse distancer, ce qui ne me déplait pas. 

Drôle de mimétisme



Sur le secteur d'anciennes estives


La margue ou couloir de traite

Orri



Tout autour

Et plus déchiqueté encore...elle ne me tente pas



Etang de Roumazet vu d'en bas

et en prenant de la hauteur


Le paysage change, la roche avale le sentier et un grand éboulis, mon terrain favori m'accueille, à lui seul un paysage car la roche raconte la violence de la surrection des Pyrénées : c'est la jupe plissée de la montagne qui est en éclats sous mes pieds. le parcours en est aisé, ensuite ce cône va se redresser et devenir un couloir escarpé. Depuis un moment un compagnon de route est là, efficace dans la gêne , le vent ! Descendu du col, il essaie de me freiner et de malmener mes bronches. Arrivée sous le col, le Port de Roumazet, 2571 m, un vacarme de soufflerie m'annonce que la tenue d'été n'est pas de mise. J'ai peu de vêtements, ainsi ce sera dans une tenue un peu hétéroclite que je vais me déguiser. Je prends quelques forces, j'ai marché quasi à jeun, nourrie d'un peu plus de 700 m de dénivelé et de 6.76 km de chemin 

Mon terrain préféré









La jupe plissée de la montagne



Ce petit pic me fascine pendant toute la montée


J'amorce alors la montée vers le sommet: c'est une grosse "colline" au dos rond couvert de roche, le sentier bien équilibré et balisé loge son serpent de 1.1 km dans cette montagne de cailloux fauves, mais quand je me retourne, le dos rond est quand même bien arqué ! Plus difficile est parfois de rester en équilibre à cause de ce maudit vent.



Je monte



Le dos rond et arqué de la "colline"

Le col s'amenuise et le petit lac espagnol (Estany del Port Vell) aussi. 

Estany del Port Vell



Paysage fauve : on appelle le pic "La Rouge"

La déclivité est conséquente et richement pavée


Le vent est d'une rare violence, et mes mains ne sont plus que deux morceaux de bois insensibles qui vont peiner de longues minutes pour arrimer mon chapeau avec une cordelette. Essayez de faire un noeud avec deux morceaux de bois ! Je peste, le vent emporte en tourbillon mes jurons!



Ladera española, versant espagnol



Même chose
Côté France : étangs de Soucarrane et de Roumazet

2902 m, 7.8 km et 3 h27 de temps de marche, hors arrêts, me voilà au sommet. Pic de la Soucarrane.


Tenue grand vent


Deux couples y sont dont les jeunes. Deux randonneurs qui me suivaient arrivent et soudain c'est la stupéfaction à 2902 m quand j'entends " Vous n'êtes pas les Balades de Lison ?". Ma surprise est à la mesure de l'altitude ! Ce sont des compatriotes qui suivent mon blog et ont une fillette nommée Lison. Et bien cette fois ils seront sur mon blog...Euh...m'ont ils reconnue à l'accoutrement qui est bien peu la panoplie vestimentaire classique de la montagne ? C'est ainsi qu'on reconnaissait Camille... Je ris intérieurement, tout en savourant un paysage remarquable.



Tenues grand froid ou l'hiver estival

Ils m'ont reconnue !


Un peu tronqué au niveau sommets par les nuages, mais en ayant le regard acéré on peut voir des échancrures. Que c'est beau ! Des lacs, des ruisseaux, des pics, même l'Espagne a osé emprunter de sa magnificence à l'Ariège -))

Un morceau d'Espagne

Et de France

Sur un caillou, je découpe minutieusement mon jambon, cette fois, un petit verre de vin serait le bienvenu, avec ce froid. 

Restée seule un moment, je bois le paysage qui vaut tous les vins du monde et, dans ce monde minéral à souhait, je débusque les discrets jardins, comme apeurés. Quel courage pour pousser ici !


Espagne encore

et Espagne toujours


Jardin au sommet


J'ai décidé de redescendre en faisant la boucle par le Port de Bouet, même si Ludo me l'a déconseillé. cela me tente fort : la crête ronde a disparu, c'est escarpé, fragmenté, déchiqueté d'arêtes, avec de magnifiques à pics vertigineux mais cela me plait, c'est mon style de terrain. Et je vais m'y régaler, pendant 1.37 km  et près de  400 m de dénivelé négatif. 

C'est parti, droit devant toute !


Plongée sur Roumazet


Plongée sur la Soucarrane

Plongée sur la piste inachevée
(et c'est tant mieux !)



Je pratique un peu d'arête et de varappe pour le fun mais les rafales sont peu propices à  cette voltige. Je reste sagement sur le trajet très coloré en rouge. Roche, terre, tout est rouge. D'où le nom ...


En sentier

En varappe













Bleu est le petit lac espagnol (Estany del Port de Boet), sur lequel semblent flotter les anneaux olympiques faits de lianes, c'est clôture des jeux 2021 aujourd'hui, je comprends mieux. Quelques chevaux répondent à mon salut, au bord du lac où je ne me baignerai pas, toutefois! 


Remontée au col, toujours "attifée hiver", je vois surgir deux jeunes gens : la demoiselle est épuisée, ils ne savent ni où ils sont ni où ils vont, "on suit les balises pour faire une boucle" et paraissent affolés lorsque je leur dis qu'ils peuvent continuer ainsi longtemps, qu'un refuge espagnol tout en bas peut les accueillir...ou pas. Ou faire la boucle par les 2902 m de la Rouge! Finalement ils mettent leurs pas dans les miens et on va redescendre ensemble un grand morceau de chemin, ambiance chaleureuse et sympathique. J'allège ma tenue, le vent est resté en haut, tant mieux !

Port de Bouet


Et toujours la jupe plissée de la montagne

Chemin de pierre et d'eau



La cabane du berger vers l'étang

Etang de Soucarrane




Etang de Soucarrane
je viens d'en haut à gauche
 

A partir de l'étang, nous prenons le sentier qui descend droit dans la pente, une sévère descente de plus de 400 m, offrant des vues remarquables sur la vallée du Soulcem.

                                                                                          



Descente "casse pattes"


Je prends de l'avance non loin de la vallée qui s'étale sous mes pieds, majestueuse et ensoleillée, parcourue de files de touristes, gagner la civilisation ne me tente pas aussi je vais louvoyer au plus loin de la piste et je la rejoins presque au pas de course pour éviter une horde colorée et bruyante, ouf ! ça c'est fait... C'est presque en solo que je rejoins le parking surpeuplé. 2 h 27 de descente non stop pour 7.5 km depuis le col, Cette vallée qui est une des plus belles d' Ariège est aussi très fréquentée. La route est à présent goudronnée jusqu'au terminus, mais sans cela, elle attirait déjà beaucoup de monde. la présence de la piste permet aux non marcheurs d'aller loin vers la barrière andorrane et de profiter des méandres du ruisseau, et aux marcheurs même moyens d'accéder à de nombreux lacs.


Début de la cascade de Labinas et barrage de Soulcem en fond

Dimanche soir,  le Soulcem retrouve le calme, le silence, le chant de l'eau, même le bétail a gagné les hautes pâtures.

La brume se réinstalle, le soir tombe en jolie lumière, je reste là ! Quelle chance....



En chiffres :

Distance totale : 16.06 km

Dénivelé positif cumulé : 1301 m

Temps de marche: 6 h 20

La route ? 183 km de la maison tout en routes sinueuses...








6 commentaires:

  1. Je reste sans voix devant ta voie qui est ma foi, pour une fois de plus, un très bon choix. "Changer c'est évoluer" je valide cela. Amédine, tu m'as fait redécouvrir un sommet que je n'ai gravi qu'en neige par un couloir un jour de brouillard. Bravissimo pour cette belle Pica Roja.
    PS : le sommet sous les nuages est le pic du Port de Sotlló 3072m.

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    1. Quand on repose sa foi sur la ville de Foix où il était une fois...on connait la suite sauf que la suite s'est enjolivée du saucisson de Foix qui, ma foi, ne fait pas mal au foie...Bon ...eject...Le Soucarrane est à la portée des vieux j'en suis la preuve vivante et je ne l'ai trouvée que normale mais anormalement contrariée par le vent...bof, c'était une tramontane banale de chez moi sauf que ma tram' elle sévit à 158 m et ici elle a boosté son parcours ! Mais on s'est mesurées et elle m'a accordé la faveur céleste d'arriver plus près du ciel ! Tu voguais en plein ciel toi

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  2. Un circuit musclé ! Cette vallée est magnifique, nous étions allés il y a quelques années aux étangs de Soucarrane et Roumazet pour la découvrir en nous promettant d’y revenir, ce n’est pas chose faite mais après ton reportage nous allons la mettre au programme, c’est trop beau. Bravo, belle performance littéraire, photographique, et sportive bien sûr.

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    1. J'ai des projets dans le secteur et même pour 2022, mais pourquoi ne pas envisager un bivouac commun et rando commune ou séparée, mais il y a tant à faire. Bon c'est loin mais on sait conduire et là bas faut passer 2 nuits. Rando commune ? sympa et des lacs au programme. Quand vous lirez "la Gardelle" ou ça vous dit et on se le prend cool ou on fait autre chose. je suis partante. Jusqu'en novembre les portes sont ouvertes

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  3. Nous avions y avions fait un bivouac enchanteur, prêts à recommencer avec toi avec grand plaisir! Il y a plein de choses à faire dans le coin.

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    1. Oh oui c'est un champ d'action pour tous les goûts. Et ça nous fera du bien; pour moi le Soulcem; c'est mon hôpital, je m'y refais la santé. J'en aurais bien besoin !

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