La dernière fois j'ai dit "j'irai" donc j'y suis en ce 1er août. Je suis partie, rejointe par la pluie, c'est égal. J'ai commencé par le hameau de Villeraze (66), au pied de la façade...qu'on ne voit même pas. La face nord n'est qu'une immense chevelure de forêts qui occultent tout. Ma petite balade sous la pluie consistera à humer la forêt et à mouiller mes pieds. Et aimer Villeraze et ses cottages encore catalans, c'est plutôt anglais ici. Même la pluie ...
Je change de face, comme sur un ancien disque microsillon, et vais voir la face sud, balayée d'averses et de brumes. Très tourmentée du côté de Puilaurens, elle s'adoucit à l'est pour former une colline grisâtre sans intérêt. C'est justement par là que j'ai prévu de monter. A partir d' Aigue Bonne, mais Aiguebonne n'est guère accueillant et...il y a des chiens de berger! Cette face sud est captivante : des arêtes, des dalles, des piliers, des aiguilles, des colonnes, des goulottes et des grottes, fascination garantie pour mon regard, même sous la pluie...La végétation est résolument méditerranéenne, ce ne sera pas facile même si c'est clairsemé.
Nuit de pluie au bord de la Boulzane, à Puilaurens-Lapradelle.
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Au matin, sous un ciel serein je remonte au col d'Aiguebonne, je renonce au hameau, à la piste, à la colline et aux chiens surtout, ce sera droit dans la pente et de là haut, on avisera. Le but est d'aller à l'aplomb de la muraille d' Alquières. Mais mon trajet file droit sur la Quière.
Dans la prairie du col (690m) , une laie et son marcassin batifolent, puis s'éloignent. La grande prairie en pente douce monte jusqu'à la forêt à traverser pour rejoindre une première falaise pas très haute. J'ai de la chance, la clôture sera mon fil d' Ariane et surtout c'est débroussaillé. L'autre chance, elle n'est pas électrifiée. Sitôt franchie, me voilà dans les sous bois puis les éboulis. Au pied du mur, que je monte sans mal, je prends un repère pour retrouver le passage au retour. Désormais je vais procéder ainsi, montée dans la pente escarpée, repères, et prise de hauteur; ce sera classique dans ce type de terrain, taillis, rochers et éboulis, finalement le vecteur c'est ...les crottes ! Oui celles des animaux qui descendent vers les près et l'eau. Il n'y a plus qu'à... Voici le long éboulis : soit on se hale aux cordes fixes que sont les buissons en rive, soit on remonte le courant à quatre pattes, en répartissant son poids afin que rocs et pierres ne descendent, entraînant avec eux le grimpeur dans un malin plaisir. Le petit plus, c'est qu'on a le temps d'admirer les fossiles car ces Serres sont fossilifères.
En images, ma balade musclée et brève:
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Une partie de mon trajet; départ du col (en 1er plan) |
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1er mur |
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Le relief et la végétation Je ferai usage du sécateur |
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Le grand éboulis et sa pente sévère |
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Progression en éboulis |
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Relief compliqué avec le maquis |
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Reptation dans le maquis |
La falaise est devant moi, toujours dans l'axe de ma voiture, les crottes aussi, ce chemin que j'ai repéré d' en bas est parfaitement cohérent et je m'enfouis, m'aplatis dans le couloir encombré d'arbres. Rien à faire, ça ne passe pas, les crottes ont disparu ! Par où sont passés les animaux ? Le chèvres se jouent des falaises. Je redescends et louvoie sur un petit couloir voisin vite supplanté par des falaises qui ne me mèneront à rien de cohérent.
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Les falaises à affronter |
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Rencontre |
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Fossiles |
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Dépouilles, dans les rochers |
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Dans mon dos (mon parking en bas) |
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Gardiens de pierre |
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Je me fraie un passage |
Je grimpe, en varappe, et à la côte 931 m, je choisis le demi tour, je prendrai d'autres repères en bas pour une prochaine fois. Un peu déçue car le terminus de cette voie directe était à quelques dizaines de mètres.
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Varappe |
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Voie sans issue |
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Demi tour, je n'irai pas là haut |
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Pour se sécuriser |
Je rentre par le même chemin, sans encombre. Laissant sur le site deux ficelles et 3 cairns...
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Quelques traces de mon passage |
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Je vais donc me rendre face nord : une piste forestière longe toute la Serre, à mi pente, de Lapradelle à Caudiès, altitude 650 m en moyenne. Selon l'état de la piste je ferai une reconnaissance en voiture ou à pied.
Autre face, autres facettes...Le versant nord est une longue et ruisselante chevelure de forêts desquelles émergent les murs de roche, les éboulis et les fascinantes murailles montant au ciel.
Je n'en verrai pas grand chose à vrai dire, mais cette balade en voiture sera enchanteresse. C'est une piste propre, très carrossable, bien entretenue, qui à partir de l'aplomb de Villeraze devient complètement couverte de pelouse, un vrai tapis. Influence anglaise d'en bas ? De grands arbres, des fleurs, des sous bois sombres, quelques ravins à sec, un calme et un bien être qui impactent même ma conduite. Pour quelqu'un qui s'étouffait dans les forêts autrefois, je me surprends à respirer, à me détendre, à avoir envie de m'y prélasser. Je n'irai pas à Caudiès, je fais demi tour, pour voir tout ce qui a pu m'échapper, et heureusement.
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Versant nord ruisselant de forêts |
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La piste |
De Villeraze je ne vois presque rien, à travers les forêts mais un jeune habitant anglais repose à perpétuité au bord de la piste.
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Villeraze |
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Vallée de la Boulzane et Caudiès de Fenouillèdes |
La muraille, grandiose et très proche impose sa forteresse, ses cannelures et ses goulottes à mon regard séduit. Mais un peu effrayé, toutefois. Le bord de la piste est jalonné de chiffres, comme toute piste de montagne. Des coupes d'arbres je suppose. Pourtant un point rose fluo attire mon attention, et là c'est chemin de chasseurs. La bonne aubaine ! Petit sac et bâton en main je me précipite, c'est juste un poste de chasse mais il ouvre sur un long éboulis absolument insupportable, je remonte 30 m et je rends les armes. Quelques vestiges humains pourtant sont bien ancrés: une cartouche, une conserve et des coupes à la tronçonneuse. Où mène cet éboulis ? Tout simplement au pied de la paroi, dans cette étroite et noire goulotte qui m'attire comme aimant et me repousse avec aversion. J'irai, un jour, le corps reposé. Là c'est trop ardu.
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Le long éboulis (la photo écrase la pente) qui conduit aux hautes falaises de Alquières |
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Détail avec sur la droite la "goulotte inquiétante" que j'aimerais voir de plus près! |
Mais on dirait que j'ai trouvé un trésor....Le reste sera dessert, une des autres facettes de la face.
Une piste de débardage, désaffectée, me tend son tapis encombré. Ainsi je vais la suivre, à pied, en une jolie randonnée bucolique. Avec pour accompagnement les vagues du vent dans les arbres et les parfums de sous bois. J'évite certains types de revêtement au cas où la délicate vipère ourdirait des plans carnassiers sur mes mollets, et chemin faisant, j'arrive à un éboulis conduisant (encore) à la proche falaise de La Quière, cette fois, (quelques 150 m bien ardus au-dessus) et flanqué d'un cairn me prouvant qu'au moins un farfelu est passé là avant moi. Ainsi se termine brutalement cette piste longue de 840 m, à 721 m d'altitude : c'est la frontière entre deux départements et deux communes qui en est la cause. C'est aussi une permanente frontière géologique entre schistes bruns et calcaires pâles, fossilifères de surcroît.
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Les falaises de la Quière face nord |
Quelques images de la piste de débardage désaffectée
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Je disparais dans le fouillis végétal |
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Falaises nord de La Quière |
Au retour, j'essaie une autre piste qui la suit en parallèle, plus courte, 550 m à peine, mais très dégradée, enchevêtrée de débris et cessant pareillement en limites de département. C'est sauvage, calme, reposant, un monde à part.
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Un tronc abandonné, énorme |
La seule question que je me pose est : qu'est ce qui me pousse ainsi à me perdre dans ces endroits inhospitaliers, éloignés, où la violence des éléments côtoie le charme indéniable qui l'accompagne et que j'affectionne par dessus tout? Sont ce des réminiscences d'enfance quand je rêvais et lisais explorations ? Est ce une fuite du monde extérieur, une confrontation avec les éléments ou avec moi même, une recherche d'absolu, ou d'absolument hostile, voire inutile ? Une fuite du monde vivant sans aucun doute mais je me penche sur un insecte, un papillon, une chenille, comme sur une rencontre magique. Je me penche sur une fleur, un parfum, un caillou, je lève les yeux sur l'inaccessible, le revêche, le rebelle, le mystérieux, du paysage vertical. Je leur prête une âme, je les rends vivants, je ne fuis pas la vie, je la recherche, autrement, différente, comme si je cherchais ce que l'oeil humain ne peut voir....mon monde est si différent de celui des humains...
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La vie !
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Je détestais les forêts parce qu'elles occultent le paysage, mais elles sont à elles seules un paysage et un faire valoir du paysage occulté.
Je m'arrache difficilement à cette piste qui n'est juste qu'un premier contact, je reviendrai par l'autre extrémité, par Caudiès, J'y ai simplement parcouru près de 15 km AR, étonnamment confortables, étonnamment vivants quoique déserts.
Je renoue avec la civilisation à Lapradelle, le viaduc du Petit Train Rouge, les motos sur la route et cet habitant qui me dit : "Ce n'est pas prudent de partir seule là haut", et auquel je réponds : " Qui voulez vous qui soit assez fêlé pour m'accompagner ?"...Tout est dit...
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Lapradelle Puilaurens |
Je reviendrai....
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Les falaises d' Alquières face NORD |
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Et la surprenante face SUD : là sera mon chemin |
Légende:
-en rouge, face SUD; la route, le col et ma balade en pointillés à travers éboulis et maquis
-en bleu, face NORD: la piste forestière, les deux pistes de débardage en pointillés et le tout droit en éboulis
Elle est pourtant attirante et mystérieuse cette roche. Je suis certaine que y arriveras.
RépondreSupprimerJe te monterai en MP où je veux aller, en dehors de la balade sur les cimes, le plus dur pour cette dernière sera la végétation. Je répondrai à tes autres com, bisous affectueux, bientôt on randonnera ensemble
SupprimerDe bien belles falaises je comprends qu’elles t’attirent. Ce calcaire blanc est magnifique et même si les vipères aiment s’y cacher l’exploration doit en être fort intéressante. La difficulté tu adores, tu ne vas pas tarder à vaincre ce massif récalcitrant. Un beau récit et de belles photos, tu mêles harmonieusement faune, flore et paysages. Un moment de lecture fort agréable. Bises.
RépondreSupprimerMerci Josy, les vipères...je t'inviterai à les affronter....non, peut être il n'y en a même pas En tout cas attirant, ce massif, oui. La piste est attirante aussi, beaux lieux pour passer la nuit. Bises
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