Aujourd'hui j'ai un partenaire de rando; on ne se connaît pas, il eut été des façons plus soft pour faire connaissance, on a choisi la méthode dure, tout droit dans la pente, aucun sentier, direction des squelettes de vignes haut perchées entre ciel et rocs. On a rendez vous au cimetière au bas de la pente, en cas de chute, on aura un bon point de chute garanti, c'est déjà ça .
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Anciennes vignes haut perchées |
Aucun sentier ne pointant son nez (comme c'est bizarre !), on prend le parcours des animaux revenant de s'abreuver au Cadi. On croise un drôle de chemin creux, vestige d'un canal ? ou d'un chemin ? Sur le cadastre il rejoint le Canal de Bohère. Il me fera chercher longtemps, finalement c'est un canal qui débutait à Corneilla au Rec de Fillols et rejoignait le Canal de Bohère; fut il mis en eau ? La question reste en suspens...
Additif (voir commentaire d'un lecteur ) : il s'agit de la branche ancienne du Canal de Bohère (1864 /1881) qui fut désaffectée en 1933 au profit du pont siphon de Villefranche de Conflent.
L'entrée en matière est un raide talus, que nous avalons sans effort, et tout de suite des terrasses nous accueillent, noyées dans les chênes verts; je ne m'y attendais pas. Bordées par des falaises, sont elles des pare éboulis ? Un ancien sentier puisque les murs sont flanqués d'escaliers ? Certainement pas des terrasses cultivées.
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Murettes en sous bois, près des falaises |
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Le chemin vers le ciel |
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Escalier |
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Au plus près des falaises |
Nous allons grimper gaillardement entre terrasses, falaises, éboulis, chênes verts, notre seul repère est au ciel : les fils électriques de la Haute Tension.
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Le décor |
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Le décor vu d'en bas |
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Encore un escalier |
Ce sont eux qui seront nos aiguilleurs du ciel, on ira de droite à gauche et vice versa, pour trouver nos vignes.
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Nos aiguilleurs du ciel |
Car de vignes il ne reste rien. Un ravin sec court au fond, des falaises abruptes et écorchées grimpent au ciel et on oscille de l'un à l'autre plutôt côté falaises relativement "propres" car la végétation de buplèvres ligneux, plus qu'ailleurs, a tout envahi, formant un lacis inextricable de couverture végétale, un "bartas" indescriptible d'où émergent péniblement de hauts murs. Je crois qu'ici plus qu'en tout autre lieu, on peut admirer le travail des bâtisseurs : épierrer, édifier des hauts murs, niveler le sol, construire des abris, créneler les rochers et les falaises, construire sentiers et escaliers, barrer le ravin pour réguler ses rares eaux d'orages et peut être ainsi amasser de la terre. Chaque grosse intempérie mettait à mal murs, terre et cultures, en un éternel recommencement de labeur.
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On appelle ça le "bartas" en occitan, la "bardissa" en catalan |
Je crois que pas un instant cette somme gigantesque de labeur pour un misérable résultat ne quittera nos pensées: cela émerge de nos conversations.
En surimpression, il faut tenter d'imaginer le décor tel qu'il fut en cette fin du 19 eme siècle, les travaux, les vendanges, le transport des raisins, la naissance du printemps, les ceps ébouriffés, et aussi les orages, les éboulements, les travaux de consolidation, cette besogne toujours recommencée qui est celle du paysan. Oui imaginer et on change de monde. C'est cela aussi, randonner dans de tels sites.
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Travail impeccable |
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Je crois qu'ils sont plus beaux qu'ailleurs |
Je n'aurais jamais imaginé qu'un personnage aussi intrépide et farfelu put exister car aller en visite là bas relève d'un brin de folie. On grimpe de même manière, rapide, aisée et élastique. On se faufile sous les chênes, on rame dans les buplèvres, on pédale dans la "bardissa"ou "bartas", on a l'embarras des noms mais pas celui du choix, on s'accroche aux murs, le tout dans le parfum entêtant et peu agréable des ajoncs épineux qui pourtant ensoleillent le décor.
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On s'agrippe |
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On surplombe |
ça pique, ça griffe, il fait chaud et soif, et on se déplace là dedans comme en un jardin bien policé ...ou presque !
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C'est grandiose |
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Cachée au pied du mur... |
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....une discrète cabane |
Je cherche l'orri cylindrique et soudain je le vois. Impossible d'avoir assez de recul pour la photo idéale: un grand mur avec une ronde protubérance, l'orri, vaste et magnifique. Le devant de la porte a été nettoyé, un autre farfelu est passé par là. Orri n'est pas le mot approprié, ce sont des cabanes vigneronnes.
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Un grand mur ventru c'est une cabane |
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Intérieur |
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Extérieur |
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L'envers du décor : qui a élagué l'arbre ? |
Ainsi nous arrivons en haut, enfin en haut de notre appétit, traversons le ravin et rejoignons le sentier des chasseurs, étroit et escarpé, une vraie autoroute en comparaison.
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La traversée du ravin est coupée de murettes |
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Un des 6 cabanons que nous avons repérés alignes les uns aux autres |
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Le cabanon cylindrique |
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On n'a pas tout visité |
Car il reste encore un vaste cirque de terrasses où nous n'irons pas, j'avais essayé et n'avais pas réussi dans ce fatras on ne fera pas mieux aujourd'hui et puis...il faut descendre.
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Le cirque où nous n'irons pas |
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Sentier de chasseurs |
Le cadastre napoléonien indique un sentier qui pourrait être celui remis au goût du jour par les chasseurs. Un jour j'irai voir...
Comme le brin de folie est exponentiel avec l'altitude, autant le cultiver dans une descente aussi osée. Il s'agit cette fois d'un ancien sentier tracé en pointillés qui file droit dans un couloir végétal frôlant le vertical.
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Voilà la descente: tout droit, sans hésiter ! |
Quelques petits paliers adoucissent l'approche et soudain c'est le vide. Ici le sol est propre, bien recouvert de terre, un couloir raide, assez rectiligne, en creux entre deux murs de falaises qui nous laisse l'embarras du choix : soit dévaler pleine pente au risque de se rompre les os, soit s'accrocher aux arbres plus solides que notre bâton et assurer notre bon état. C'est le chemin des animaux descendant boire. Le couvert végétal est fait de chênes verts de toutes tailles, hauts sur pattes pour chercher la lumière; point d'enchevêtrement de végétaux, sol propre et visibilité parfaite. Il y avait une mine de manganèse autrefois, mais on ne verra rien.
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C'est propre, croulant et très pentu (la photo écrase la pente) |
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Que fais tu là toute seule ? |
De temps en temps, un écart vers les falaises nous permet un peu de point de vue, il n'est pas vraiment à l'ordre du jour. On s'accorde à reconnaître qu'on n'emmènerait personne dans un coin pareil ! Un bon pierrier nous attend vers le bas, je pose mon pied sur un roc qui file à toute vitesse et s'arrête enfin dans un "plouf" magistral; il est presque incongru de retrouver les eaux vives et blondes du Canal de Bohère, comme une oasis en plein désert.
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Vertigineux aussi ici |
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Depuis mon perchoir, les voisins d'en face |
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Vers l'aval |
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Vers l'aval |
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Comme une oasis |
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Au débouché du siphon |
On va le suivre un moment, pas de sortie vers l'amont, au niveau du siphon, demi tour vers l'aval et l'arrivée au cimetière, en pleine santé, signe la fin d'une belle et puissante rando, la fin d'un agréable moment de partage.
En chiffres
Distance : 5 km
Dénivelé : 250 m
Temps de "marche" : 1 h 58.
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En blanc tracé approximatif |
Vous avez sans doute traversé l'ancien tracé du canal de Bohère. Le pont-siphon (1931) a permis d'économiser un long méandre en amont dans la vallée du Cadí, très perméable, car dans le karst (trop de déperditions). On voit bien cet ancien tracé sur des palns du canal antérieurs à 1931.
RépondreSupprimerAh, cela est très intéressant; je n'avais pas pensé à un ancien tracé, et oui, le siphon...comme au Canal del Solà à Serdinya, qui a supprimé l'ancien tracé. Merci pour cette bonne info. C'est ainsi qu'il me semble avoir vu de l'autre côté du Cadi un canal. Les plans cadastraux viennent confirmer tout cela. cela faisait une immense boucle qui traversait, semble t'il, Cadi et Rec de Fillols. J'irai un jour y faire un tour. Décidément ce Conflent, je ne m'en lasse pas. Surtout avec les renseignements que je reçois
SupprimerPour info c'est moi qui ai élagué l'arbre pour prendre la photo de l'entrée de la cabane car je collabore à Wikipedra, je vais aller faire un tour vers ce ancien canal
RépondreSupprimermerci pour vos commentaires instructifs
Je m'en doutais un peu, pardon pour le qualificatif mais je maintiens que pour se rendre là bas faut être un peu fêlé par rapport au commun des mortels! J'aimerais bien vous rencontrer. amedine.mas@orange.fr. Pouvez vous me dire où se trouve la mine de manganèse ? Je ne parviens pas à avoir de renseignements. Merci pour votre passage sur mon blog
SupprimerTu nous fais découvrir un Conflent que je n’aurais pas imaginé, le dur labeur des habitants de l’époque pour planter des vignes dans un endroit aussi escarpé et les vestige de cabanes pleines de charme. La fraîcheur du canal vient un peu atténuer la rigueur du lieu. Merci pour ce recit, bises.
RépondreSupprimerce Conflent est vraiment surprenant, je le découvre, émerveillée. Bises
SupprimerBonjour Lison ,sur l ancien cadastre ,en partie toujours visible sur IPHIGENIE ,on trouve le tracé du canal de Bohère avant la construction du siphon, il fait une boucle au dessus de la grotte les grandes Canaletes ,il longe la station d épuration de Corneilla puis il traverse la route et il reviens vers le siphon
RépondreSupprimerJ'ai vu cette trace de Canal et ai compris hier que c'était Bohère. merci. le siphon date de 1933
SupprimerPour la mine de manganese à partir de Sirach ,suivre le canal de Bohere, le pont canal puis vers Molleres ,un peu plus loin un petit canal et par là à droite il y avait un panneau qui indiquait la mine ,ce sentier rejoint le plateau sous un pylone Petit plus en partant du canal au dessus du camping de Sirach ,au moment ou le canal tourne à
RépondreSupprimerdroite au dessus d une piste ,une grotte entre le canal et la piste du dessous ,ensuite Molleres est une grande batisse abandonnée avec l intérieur complet mais très abimé. Le petit canal qui prolonge le sentier (à droite vers la mine sentier)part à gauche au dessus du riu Merder ,à la prise d eau il est possible de rejoindre du coté de la Font Berjoana.
RépondreSupprimerJ'ai vu tous ces sites sur la carte il y a quelques temps, ce fameux canal et ce correc Merder au nom amusant. J'essaierai de la trouver cette mine. merci Alonso
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