Pour changer un peu je décide d'aller me reposer au bord d'une rivière fraîche : ce sera l'Aude et ses eaux bouillonnantes à cette saison, à l'entrée du défilé de Pierrelys. A Saint Martin Lys. 24 habitants hors saison. Un lieu que je connais bien.
Saint Martin Lys |
et son décor |
Même distance que pour ma montagne mais ça roule mieux. Je pars après l'ardeur de la canicule, il est 20 h 45 à mon arrivée en bord de rivière, après l'accès par une ruelle de 2.10 m de large, mon fourgon a encore une "petite" marge. Pour la photo impossible d'ouvrir la portière; quant aux rétroviseurs on a le choix de celui qu'on préfère, l'autre se replie sans discuter.
A St Martin Lys |
St Martin Lys |
Mais au moins le petit parking est tranquille! L'eau est loin de son débit normal, je serai bien, c'est frais, ombragé. Juste ce qu'il me fallait, je ne me sentais pas capable d'aller en montagne. Comme c'est étrange !
Repas en bord de rivière, le soir qui tombe plus vite dans le relief encaissé des gorges, le petit village silencieux, la nuit promet d'être douce. Je n'ai pas emmené Nina pour la préserver de la chaleur et pour dormir portes grandes ouvertes sur le fleuve. Bougie, lecture, repos, quel programme heureux!
C'est très agréable |
1 h du matin un groupe de jeunes arrive à pied et fera du tapage pendant une heure. Ils ne vérifieront pas pourquoi ce fourgon a les portes ouvertes, ils ont bien compris et se fichent pas mal de mon sommeil, une heure après ils décampent comme ils sont arrivés. Quant à moi je ne veux pas me faire remarquer. Et partir dans la nuit par cette rampe si étroite...
Un matin radieux me cueille bien reposée et prête mais oui ! A randonner.
Je connais ici la rive gauche et sa croix haut perchée (rando que je n'ai pas contée), ce sera rive droite cette fois.
15 mai 2021: Pierrelys vu de la croix En prolongement la rando prévue ce jour |
Pas de carte, mais le smartphone pourvoira à cette absence. Et ainsi je parcourrai 12 km bien intéressants, en forêt uniquement, avec de rares ouvertures sur l'impressionnant défilé qui se profile. Tous ses mystères resteront entiers alors que j'ai depuis longtemps un grand projet "déshabiller" ce défilé et le faire parler. Car il a une somptueuse histoire. Patience, longueur de temps, comme il en a fallu pour le dompter dans les siècles passés et surtout attendre d'écarter les risques d'incendie
Donc cette rando sera un prologue...le début d'une histoire. Un peu comme pour mes recherches en Conflent. Départ 360 m d'altitude.
Je me rends vite compte que le chemin que je suis n'est pas celui que je voulais faire, une passante m'a induite en erreur et je conçois que c'est peut être une chance. Ce le sera.
Sur une image de 2021 En blanc la rando prévue En jaune le secteur visité |
Le sentier longe l' Aude, il est visible que c'est une ancienne route d'exploitation, peut être de communication. Elle conduit à Planéses, 645 m, un dôme sur la carte. Le chemin suit l' Aude et est déjà bordé de falaises, dont l'une, nommée Cap de Fer abrite une via ferrata bien cachée. Je compte la faire avec guide, cet été même.
Le chemin longeant l' Aude |
Pont de l' Ane |
Ruisseau de la Borde(vers l'amont) |
Et vers l'aval. Pont tout au bout |
Tout à côté se trouve le pont de l' Ane qui franchit le ruisseau de la Borde, sorte de canyon qui fait appel d'air paraît il et expédia un jour un âne dans le ravin de 15 m de haut, le tuant net. Les dames qui l'accompagnaient eurent la vie sauve grâce à leurs jupons faisant parachute. A prouver ! Et pour prouver faut essayer. Serai-je volontaire pour être l'âne ou les jupons ?
Pont de l'Ane |
Au pied de ce ravin qui se jette dans l' Aude existe une résurgence. Le pays est résolument calcaire.
Après le pont, le chemin, qui daterait de 1901continue sa course en sous bois, passe par dessus la voie ferrée, quitte la rive de l'Aude et s'enfonce dans les montagnes en déclivité mesurée, raisonnable, comme l'étaient les chemins de travail. Je vais rencontrer des sous bois touffus, des pans de roches, une assise du chemin encombrée de débris rocheux alors qu'il y a un siècle elle devait être bien lisse. Il fait chaud, je transpire à grosses gouttes et vais me trouver forcée de bricoler avec les moyens du bord un pare sueur. Là c'est mieux ! Personne ne me verra de toute façon...
La rumeur de la route monte à moi, cette fameuse route qui remplaça en 1821 l'axe Perpignan Bayonne dont j'ai parlé ici (clic) par le Col de St Louis. Qui ne se trouve qu'à 7.5 km à vol d'oiseau
Je garde une cohérence dans mes balades, l'une étant toujours en préambule ou en postface d'une autre. Ce n'est pas toujours fortuit et anodin, mes parcours.
Je franchis quelques ébauches de ravins secs qui doivent bien savoir se fâcher, le fait de marcher en sous bois exerce le regard à s'accrocher aux moindres détails faute de vue d'ensemble. Ainsi les murs de soutien du chemin sont mon livre de lecture favori. Les sous bois sont vierges d'anciennes cultures, sol trop ingrat. Je ne me suis pas attardée à chercher des fossiles, dommage.
Murs de soutien au passage de ravins |
Pour couper les ravinements |
Le grand virage |
Assiette du chemin |
St Martin et l'entrée du Défilé de Pierrelys |
Paysage odorant : buis, chênes verts, pins |
Chemin tunnel |
J'arrive enfin au site de Planèses, 680 m, un sentier plonge dans le site et conduit 500 m plus loin au point de vue remarquable du secteur.
Planèses fut un secteur cultivé, où ne se trouvait guère d'eau sinon quelques résurgences et une citerne qui fut enfouie dans le sol, captant l'eau d'une petite veine d'eau. Cette citerne fut décidée en 1897. Je n'ai pas su la voir car j'ignorais alors son existence. Une pompe permettait de soutirer l'eau. Planèses était cultivé, aujourd'hui la forêt a repris ses droits, sols pauvres, beaucoup de pins. Quelques plaques herbeuses me laissèrent à penser à une source mais il s'agit en fait de petites résurgences plus humides que mouillées. Une bergerie, à la confluence des sentiers, cache ses ruines: un muret de pierres encore intact et un tas de tuiles pâles bien empilées.
Le site de Planèses années 60
Parcelles cadastrales dans le secteur |
Planèses : on voit sur le terrain les bandes de terre en terrasses, comme sur le cadastre ci dessus |
Le spectacle est au bout du sentier, un à pic sur le Pont d' Aliès (ou rond point de l'ours), un fragment d' Axat, la vallée de l'Aude et son grand virage, 250 m en contrebas. Des rocs calcaires où se devinent des sédiments et des fossiles égratignent le sol et griffent les à pics. C'est grandiose.
L'envers du décor : mon perchoir quelque part en haut |
Juste à l'entrée des gorges St Georges |
En 1940 doc Eric Teulière |
Je reviens sur mes pas et je décide de continuer jusqu'à la Forêt des Fanges. Le chemin semble n'être plus celui d'autrefois mais remodelé en fonction du lacis de pistes forestières qui sillonnent la forêt. Il a une forte pente, 20% sur 500 m et je peine comme un des anciens boeufs de la forêt!
Image Ministère de la Culture |
Pistes utilisées et pistes désaffectées s'entrelacent. La forêt est superbe, grands sapins, hêtraie, 1400 hectares, elle mérite à elle seule un voyage, un reportage. Ancienne Forêt Royale, elle fut cernée d'un mur de clôture et bornée de fleurs de lys gravées dans la pierre. Murs et bornes qu'on peut encore retrouver.
La forêt au 18 eme siècle |
En aout 1800 un incendie éclata et le garde fit prévenir l' Abbé Félix Armand, de St Martin Lys, ce même abbé qui fut à l'origine du percement de la route, et ce dernier organisa très vite un service de bûcherons pour stopper l'incendie qui ne ravagea que 35 hectares ou 155 hectares (selon les récits).
J'ignorais cela en marchant dans ces magnifiques forêts, mais la crainte de l'incendie ne me lâcha pas au cours de mes 12 km de randonnée : nulle part je n'eusse trouvé un échappatoire ou un abri. Le risque n'est pas toujours de grimper des murs de roche ou des éboulis ! Ni de dévaler des couloirs d'herbe ....
L'unique point de vue |
Ce qui justifie mon demi tour est la distance que je me suis imposée. La boucle par le premier chemin prévu me tente, elle ne sera pas plus longue, mais une lassitude devant la moindre côte me coupe les jambes, je ne le sais pas encore mais j'ai un partenaire de rando invisible et bien logé en moi, le virus du Covid.
Je reviens sur mes pas, j'aime autant savourer ce prélude à ces recherches qui m'inviteront souvent par ici. Ce sont quelques pièces de ce puzzle encore épars, les unes illustrées par des chemins, d'autres par une forêt, quelques éléments ont pour noms avens et grottes, et puis, les pièces majeures se nomment "la route" et "le rail".
Justement le silence commence à se rompre avec les bruits de la route très fréquentée de nuit comme de jour, cette D 117 qui fut le combat et la victoire du curé Félix Armand, et le bruit de l' Aude qui ne roule pas furieusement ses galets arrachés aux gorges St Georges un peu en amont avant que de se précipiter dans le Défilé de Pierrelys un peu en aval.
Je vais aller visiter une pièce de ce puzzle coloré, elle a pour nom "rail" ou plutôt absence de rails, un tronçon de la voie désaffectée de Quillan que croise mon vieux chemin.
Viaduc de Rebuzo ou de St Martin Lys |
Aui dessus du viaduc, le paysage où j'ai marché aujourd'hui, très dénudé autrefois On devine bien le tracé du chemin |
Traçage au cordeau |
Dans le tunnel vers la gare de St Martin |
Au retour en direction du viaduc et du grand tunnel |
Le grand tunnel de 600 m Stalactites au plafond |
Sur le viaduc |
L'ancien temps |
Au dessus de l' Aude |
A gauche, l'ancien chemin Au centre, le Pont de l'Ane A droite, passage de la route 117 Au dessus les collines dénudées alors (et mon chemin de rando visible en zigzags) |
En attendant, je reviens à mon fourgon écrasé de soleil que je vais glisser sous un arbre, m'offrir boissons et repas frais, balade aquatique, avant que de reprendre, un peu à contrecoeur le chemin du retour. Et comprendre enfin qu'un voyageur sournois n'est pas près de me lâcher : le Sieur Covid, 7 eme vague, s'il vous plait !
St Martin d' Hier |
Et d'aujourd'hui |
Pensez à vous reposer le temps de laisser filer ce méchant virus. Bon courage, et merci encore pour cette nouvelle balade, bien documentée, beaucoup plus accessible pour moi si ce n'est sa longueur non négligeable.
RépondreSupprimerLongueur de route ou longueur de balade ? Oui je me repose, par force, et déjà je récupère bien, je pense qu'il sera moins mauvais que celui de l'été 21 qui m'a terrassée 5 mois en dents de scie.
SupprimerToujours de bons textes qui incitent à la lecture, reposes toi pour mieux repartir plus tard
RépondreSupprimerje compte les marches des escaliers pour le moment, donc une voie ferrée m'ira bien pour visiter. Désaffectée, évidemment
SupprimerMerci pour cette balade dans un cite que je connais bien, vallée de l Aude, pour sa fraîcheur et plus Merci BBencore pour ce que tu m'as fait découvrir,
RépondreSupprimeret attends, c'est que le début !
SupprimerENCORE UN ANONYME BB
RépondreSupprimerBonsoir,
RépondreSupprimerJ'ai remonté les 26 derniers articles où j'ai eu grand plaisir à te retrouver !
Pourquoi suis-je restée ces dernières années sans te rendre visite... sincèrement, je ne sais pas...
Je te souhaite de te rétablir au plus vite pour retrouver rapidement tes chères montagnes !
À très vite, bisous
Merci de ta visite, ça me fait plaisir de te relire, mais tu sais la vie nous prend et les choses nous échappent; je t'embrasse de tout coeur
SupprimerOn apprend toujours en te lisant, c’est super intéressant. Merci pour ce reportage qui apporte un peu de fraîcheur, je sens que ça va être ton nouveau secteur d’exploration. Bises, Josy.
RépondreSupprimerce sera mon secteur hors chaleur, parce que dans ces calcaires c'est étouffant, mais j'aurai vite fait le tour tant c'est escarpé il n'y a pas grand chose à trouver. Bises
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