mercredi 9 décembre 2015

Premières foulées hivernales.

Quand on parle d'hiver, ici, on ne sait pas toujours de quoi on parle : du calendrier ? C'est presque notre seule référence...car on peut rôder en tee shirt au plein coeur de janvier et être engoncé dans une doudoune en avril, courbé en deux par une tramontane glacée venue du "nord"...enfin notre nord à nous, le psychologique et non le géographique. Vous vous y perdez ? Il y a de quoi! La neige d'hiver en plaine, on va finir par en oublier la couleur.
Heureusement nos montagnes sont là pour nous offrir du blanc.
C'est ce que mon partenaire de rando et moi n'allions pas chercher vraiment car on ne s'attendait pas à en trouver autant.


Alors que notre Canigou perd sa parure, malgré ses 2784m, les étangs de Nohèdes et leurs environs , entre 2000m et 2300m avaient un épais manteau d'hermine. A nous faire perdre notre latin.
Bon le latin nous l'avions laissé en bas mais les crampons aussi et j'avoue que je les ai bien regrettés.
Je vais vous conter cela, en images comme il se doit.

Une heure et demie de route, 66 km, on n'a pas traîné mais la route n'est pas facile et se termine en piste de terre. Nous sommes à 1240 m d'altitude. Le sentier dans la hêtraie est silencieux, désert, pas très froid mais j'ai l'onglée et un doigt qui vire au bleu malgré le gant : parmi les dix c'est le seul qui n'aime pas la montagne. Les flaques éparses de neige nous surprennent on ne la croyait pas si bas.

Le sentier 
















Un peu plus haut, à 1590 m, il y a déjà un moment que nous pataugeons sur la piste enneigée : nous en aurons pour un bon moment. Pas besoin de raquettes car la neige est assez dure sans être gelée. Cependant nous mettons les guêtres, seul objet d'hiver qui a pris place dans les sacs.

Quelques sapins gisent sur la piste, abattus par le poids de la neige : vu ce qui reste au sol, la couche a du être importante car nous avons encore des journées estivales.
Je trouve la piste longue, interminable: 3.1 km.
La marche n' y est pas très aisée, un 4x4 a laissé de profondes ornières mais les sapins l'ont contraint au demi tour. Et nous au contournement malaisé.

Au bout de la piste nous faisons étape "petit en cas" à la cabane pastorale : altitude 1900.
C'est le blanc désert absolu...magnifique. Sous un ciel très bleu.

Les choses sérieuses vont commencer , nous sommes partis pour la boucle des 4 lacs donc j'ai raconté la légende dans un autre blog (vous pourrez la relire en fin de billet).

Accéder au Gorg Nègre se fera dans une neige lisse, vierge de toute trace, étincelante de tous ses cristaux. Avec mon compagnon de rando c'est à qui surenchérira de "meringues" et autres "crème chantilly": la gourmande que je suis est bien frustrée ce matin.

Nous grimpons tantôt à découvert, tantôt dans les sapins, mais on grimpe assez fort. Petit coup de barre auquel les sucreries énoncées ne sont d'aucun secours.
Les paris vont bon train : gelé ? pas gelé ? qui ? Mais l'étang bien sûr.
C'est gagné il est gelé. Et si la glace est bien épaisse, nous ne tenterons pas le Diable. Car cet étang, selon la légende est diabolique...


Notre but est de prendre de l'altitude pour gagner le refuge de la Perdrix : 2312 m.

Notre trajet sera très direct : longer le lac et monter tout droit sur la crête ( le trajet en pointillés rouges ci dessous)



Je suis très enthousiaste à l'idée de cet itinéraire : j'aime grimper, j'aime les belles pentes qui donnent vite du dénivelé et si j'aime les cailloux, ce n'est pas en version hiver que je peux m'y régaler. Par contre on peut très bien s'y éclater au sens propre si on glisse.
 Mais ça je n'y pense pas encore....

Alors on grimpe : le décor est magnifique , derrière soi . Surtout ne pas s'en priver..
L'étang, le Mont Coronat et le lointain Canigou, tout ça vers l'est.




Le lac dévoile quelques aspects de son intimité: un espace peu gelé au milieu, un cordon de roches qui émergent, des graphismes de glace., en voici la version été:

Juin 2015






Sur les côtés quelques beaux vieillards contemplent notre avancée où je me régale.












Et puis, d'un coup, l'angoisse me prend : voilà un moment qu'on grimpe, la pente est très raide et les crampons me font cruellement défaut...psychologiquement. Le piolet aussi.J'en prends subitement conscience.  Mon compagnon rit de mes craintes et me traite presque de trouillarde. Mais quand même ! Je n'ai aucune prise, aucun frein et si je glisse je vais m'éclater sur les rochers tout en bas, tout au fond. Lui aussi d'ailleurs. Mais il n'a pas peur. Avec la pointe des chaussures, il faut tailler des encoches où loger...la pointe des pieds c'est dire que  pas même le pied entier adhère au sol. Je suis terrifiée, je loge mes pointes de pied dans ses traces que j'agrandis par précaution,  je m'agrippe à mes bâtons raccourcis qui ne me serviront à rien si je glisse et j'avance puisque je n'ai pas d'autre choix ! Et surtout je me tais et me concentre un maximum, m'efforçant d'oublier la pente, le risque, la peur. Je fais comme si de rien n'était. Ne regardant que mes pieds!

Je suis bien soulagée quand à quelques mètres du haut je foule l'herbe et la roche; tellement que je m'attarde , plus du tout pressée. Juste ravie d'en avoir fini.


D'en haut le paysage est superbe.

Vers le Sud

Vers l'est : Gorg Nègre, Mont Coronat, Le Canigou
Devant le refuge, en plein soleil, nous prenons le repas de midi; un beau panorama depuis le restaurant du jour. Tout cela valait bien un peu de frayeur...Le temps est estival...
Puis nous entamons le retour qui est prévu sur l'autre vallée dans une pente identique sinon plus ardue. Nous partons en reconnaissance, je me sens rassurée mais nous ne trouverons pas un passage sûr : trop risqué et l'étang Bleu devenu d'un blanc de neige et invisible sera abandonné sans regret.

Etang Bleu et Gorg Estelat gelés

La pente où l'on ne se risquera pas
 Sur la crête, la neige est tout à fait différente : très poudreuse, ramassée en congères.

Empreintes d'un lièvre
 des neiges
Empreintes humaines
Je ne connaissais pas ces empreintes; il y en a partout comme si de nombreux lièvres s'étaient adonnés à un étrange ballet. Peut être oui, sous la lune ?

Tenue d'été pour le haut
Nous allons donc longer classiquement la crête dans la forêt ....








.....avant de plonger dans la pente poudreuse sous laquelle dort le sentier d'été.

Je m'amuse follement, la peur est un lointain souvenir.

Plongée en poudreuse

Plongée
























Tout en bas la montagne nous gratifie d'un clin d'oeil malicieux: elle n' a guère vu de bipèdes ce jour.


L'oeil et le sourire de la montagne
Nous continuons notre descente de murs en terrasses
créant de jolis graphismes que nous ajoutons aux "raquettistes".




Quant à la vilaine trace sans grâce, c'est mon essai de descente sur le train arrière, juste pour prendre de la vitesse. Bon, essai non transformé. Je me gèle mais à croire que je suis assise sur un frein moteur !








Plus gracieuse est la rivière qui se dissimule sous ces rondeurs nacrées , nous faisant quelques clins d'oeil au passage à moins qu'elle ne reprenne souffle comme les cétacés ?



Au dessous coule une rivière





L'oeil de l'eau




















Le dernier des étangs a aussi eu droit à nos paris : pari à demi perdu...il est gelé malgré son altitude de 1700m.
Le Clot ou la "bassette"


Il garde une petite fenêtre liquide. Pour le bain de soleil, pardon, du soleil.




Et pourtant...dans ce désert gelé je fais une bien curieuse trouvaille dans un massif herbeux : deux cèpes énormes et fermes, dont la fermeté est peut être due à l'effet congélation !
Je les plante dans la neige, je les trouve plus marrants : deux petits randonneurs, 
style nains de jardin! 
Sympas non ?


En chiffres 
Dénivelé : 1100 m
Distance : environ 17 km
Temps de marche : 6 h 15

Bilan une fort belle randonnée mais assez fatigante : marcher dans la neige n'est pas chose aisée...

Pour se souvenir des légendes et revoir la balade en version été (clic)


14 commentaires:

  1. A bela paisagem compensa a subida, todas aquelas montanhas e o azul do céu, obrigada por compartilhar. Beijos

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    1. E a paisagem belo no verao como no inverno. eu gosto tanto d' ambos. Beijos

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  2. Superbe toute cette neige. Moi j'espère bien en voir cette année. Je le pense mais ne le dis à personne car je risquerais de me faire lyncher par le voisinage qui n'y voit que des inconvénients.
    Tu arrives quand même à me flanquer la frousse avec tes aventures !

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    1. je te souhaite d'avoir ce cadeau-là. Moi aussi j'aimerais bien en voir dans ma rue; la dernière date de 2010. La frousse, cette fois je l'ai eue. Et j'aime pas ça ; mais bon ça rend prudente.

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  3. Bonsoir ... que d'émotions ;) mais elles en valaient la peine ... la vue est époustouflante, à couper le souffle !!!
    Bisous, douce soirée

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    1. Oui et s'il n'y avait pas eu un fond de brume vers l'est on aurait bien pu voir la mer.

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  4. Un récit passionnant et des photos à couper le souffle. Merci. J'aime la neige malgré les inconvénients qu'elle présente en ville. Tout prend une autre dimension. Enfant l'hiver seule la neige me donnait envie de sortir de mon lit. Bisous

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    1. Ah bon ? Tu n'avais pas envie de sortir de ton lit ? heureusement tu n'étais pas dans le sud alors...ici rarement de la neige... Bisous

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  5. C'est beau toute cette neige vierge. Ca donne envie d'être là haut, de s'asseoir et de contempler. Spectacle apaisant.
    Je ne connais pas la montagne en hiver... pourtant habitant Grasse, elle n'est pas loin !
    J'aime beaucoup les "deux nains de jardin" dans la neige .... !
    Douce soirée
    Nat à Chat

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    1. merci pour ce joli commentaire. Oui s'asseoir et contempler et pourtant on n'a guère le temps car le chemin est long et lent en montagne . Et la nuit tombe vite.

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  6. Salut la belle aventurière ! Tout cela est saisissant de beauté.
    Bisous
    Chantaloup

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    1. Merci belle écrivaine pleine de talents et de plumes...hihi

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  7. Encore une très belle randonnée, Lison. Merci pour ce récit. Je t'ai suivie (juste de derrière mon écran, hein ! ;-)) avec plaisir, et quelques frayeurs aussi, mais je sais que tu aimes la difficulté, et aussi que tu la surmontes toujours parfaitement bien. :-)
    Bonne soirée à toi, et de gros bisous.

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    1. Oui tu m'as bien définie et si par le biais de l'écran je peux t'amener vers les cimes et bien c'est pas si mal non ? Bisous. Moi je te suis en mots

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