Ma vie est très modeste.
Elle est faite de rêves, modestes, que j'essaie de transformer en projets. Et de les réaliser.
Tant qu'il y a des projets, il y a de la vie, ainsi, petit à petit, à pas de fourmis, je les réalise.
La curiosité est mon moteur, la vitalité est mon carburant, l'âge, mon frein à main.C'est ce que je me raconte en grimpant dans la pente de neige qui me conduit vers ce projet vieux de 11 mois et demi.
...........................................................Tout a commencé le 28 mai 2017, perchée en haut de la Dent d'Orlu, ou Pic de Brasseill, Ariège, 2222 m.
Je découvrais un panorama sublime dont un détail devint coup de coeur: un cirque de montagnes suspendu, agrémenté de neige. "J'irai là bas sans neige" me dis je ce jour-là.
Quand je pris la route, vendredi, j'ignorais que j'irais là bas, 11 mois avaient passé...
Là bas ? c'est ce petit point rouge qui recouvre la cabane de Parau.
Depuis la Dent d'Orlu (mai 17), la cabane de Paru dans son cirque de montagnes) |
En juillet dernier, j'avais fait une rapide incursion à la recherche du sentier non balisé. Une bronchite mise à mal par le Pic de l'Homme Mort, la veille, m'interdit d'explorer le sentier très pentu en forêt : mais au moins je l'avais repéré.
Août fut le théâtre d'une invalidité , une cruralgie féroce, qui pendant 4 mois balaya rêves, projets et espérances.
Aujourd'hui, la cruralgie est devenue une compagne de vie, discrète mais présente.
Je l'emmènerai donc là haut, vers Parau, car ce projet refit soudain surface sur ma route en ce jour lumineux et estival, vendredi.
Mai 17, le décor ; aujourd'hui, mai 18, tout est enneigé (cabane en rouge) Tout autour, mes prochains projets d'été |
Au pied de la Dent d'Orlu 2222 m (Pk à 1122 m) |
Gypaète barbu |
Nuit bruyante, la rivière Oriège gonflée d'eau bouillonne et tonitrue à souhait.
Samedi matin, au réveil, le ciel s'habille de gris : je pars !
Cairn |
Ce qui ne m'empêche pas de savourer cette montée, jamais silencieuse: lorsque enfin la rivière se tait, c'est le torrent (ruisseau de Chourlot) qui prend le relais : lui, sur près de 500 m, saute de cascade en cascade dans la forêt. Je sais que si survient le brouillard, je n'aurai qu'à le suivre !
Montée en forêt et place charbonnière |
la Dent d' Orlu, derrière moi |
Le ruisseau de Chourlot il cascade sur 500 m |
Dans la hêtraie, je rencontre d'anciennes places charbonnières - nous sommes près des forges d' Orlu - plate formes au sol noirci qui parlent du passé. Le sentier se perd avant d'arriver en haut : une observation de la carte me permettra de le reconstituer et de le cairner. Toutefois ce ruisseau, que dis-je, ce torrent furieux m'inquiète : sera t'il mon terminus ? Faudra t'il le traverser? Ici au lieu dit "cascade"?
Effectivement j'arrive au plus près de son eau et je ne peux continuer dans ces éboulis remplis d'arbres et de neige. La carte me dit que de l'autre côté c'est carrossable et la configuration de terrain me dit "traverse!". C'est simple : se déchausser et marcher dans une eau surgie des neiges...facile mais douloureux !
Passage à gué ! |
Première jasse : le ruisseau sort directement du pont de neige |
Dent d'Orlu en fond : je suis parée pour la neige |
Je monte dans un silence remarquable, le torrent naît sur un autre chemin .
Le ciel est gris, la montagne silencieuse, dans mon dos, la Dent d'Orlu est LE paysage du jour. Je fais un cap à la boussole au cas où la brume m'envelopperait au retour.
Une observation du terrain me permet de choisir ma route et je tombe sur des empreintes humaines : bien joué ! je n'ai plus qu'à suivre. le sentier est visible et disparaît dans les névés que je traverse ou grimpe, piolet en main, le frein. Surtout je ne souffre plus de ces étouffements et du manque de souffle qui entravent depuis 2 ans toutes mes balades : par quel miracle ? je ne sais, mais ma vie en est changée ...quelle délivrance, il me semble avoir rajeuni de 10 ans !
Armée |
La Dent d'Orlu et son "nerf", couloir de 1000 m |
La montée à la cabane de Parau se fait en trois paliers successifs: d'abord je franchis une raide montée de 187 m et la pluie fait son apparition; fine mais légère et fugace, ce qui m'incite à poursuivre. Le 2nd palier de 246 m m'oblige, à 1856 m, à chausser les crampons : la neige s'est durcie et m'invite plutôt à la marche arrière. Je scrute le ciel de crainte de la brume mais elle ne semble pas vouloir s'inviter. Tout est sombre, les montagnes noires, le ciel, les coulées de neige, les forêts, qu'est ce que cela doit être beau par grand soleil ! Un vent assez fort souffle mais il ne fait pas froid; il est vrai que je ne suis pas frileuse.
Je vais là haut ou j'y vais pas ? la question se pose en cet endroit Il commence à pleuvoir |
Coulée d'avalanche |
Il pleut |
Et il pleut encore un peu |
Je remonte la coulée d'avalanche, 3 eme palier, en écoutant la montagne, prête à bondir sur les hauteurs : rien ne bouge et finalement j'atteins le but fixé, toujours sans voir la moindre cabane. Les premières marmottes de la saison font entendre leur sifflement de tortillard à vapeur, premier signe estival, je leur réponds de mon sifflement de fausset: figées , elles écoutent, boules de fourrure dans le blanc manteau.
Les premières marmottes |
Sud :Vers la Couillade de Pinet |
Ouest : Pics de Roque Rouge et de Parau |
Je me retourne et que vois je que j'ai failli manquer ? Au pied du cirque des pics de Roque Rouge (bien noirs et marqués de coulées) un toit d'ardoises grises posé sur le tapis neigeux, exempt de murs : la cabane pastorale de Parau ! Ma joie est grande: mon projet est réalisé.
Au pied de Roque rouge, le toit de la cabane est presque invisible J'ai eu la chance de l'apercevoir |
Au zoom |
Ce n'est pas une cabane ! C'est la dent d'Orlu |
La Dent avec son nerf ! |
La face la plus ventée |
La cabane est fermée, engloutie dans la neige, je n'en verrai pas grand chose. Un petit bâtiment couvert de tôle, tout proche, encore plus noyé est le petit refuge public, comptant 2 places, il serait vain de vouloir y entrer, un souterrain serait à creuser !!
La cabane et son cabanon à droite |
Dent d'Orlu et Pic du Tarbezou au loin |
Le ciel se déchire de quelques trouées bleutées mais je n'irai pas plus haut, je garde cela pour l'été, je n'aurai rien à cairner n'est ce pas ?
Quel décor, quel calme, quelle beauté noire et blanche dans cette neige teintée d'ocre: et ce silence, cette solitude où je me sens bien, sans crainte aucune. Encore un rêve de réalisé...mais un randonneur ne peut s'autoriser à la liesse qu'une fois regagné son véhicule.
Vue d'ensemble d'une partie des 300 m de pente enneigée |
Dans la pente |
Le frein à main |
La 1ere ligne verte des arbres marque la plongée dans la pente : 500 m d'à pic |
Le passage à gué bien glacé |
Descente en forêt |
La Dent d'Orlu qui était devant mon nez depuis là haut disparaît derrière les arbres, la chanson de l'eau emplit la montagne et, arrivée au terminus, je ne peux manquer de faire un crochet pour aller voir ses flots rejoindre ceux de l'Oriège en de glacées épousailles.
le Chourlot rejoint l'Oriège |
Sans quoi mon périple eut été incomplet.
Au final, Parau, tout en haut, est bien une histoire d'eaux.
L'Oriège |
Mon trajet :
dénivelé: 960 m cumulés positifs
Le trajet du jour, aller retour par le même chemin (il n'y en a pas d'autre) |
BRAVO pour tout et merci pour le partage
RépondreSupprimerDommage qu'un prénom ne se devine pas derrière cet anonyme...
SupprimerQuelle belle rando ! Les conditions difficiles ne t’ont pas découragée, bravo ! Je me suis régalée à la lecture de ton aventure, beaucoup de sommets me sont familiers, je randonnais avec toi ou presque... Cette cabane doit ressembler à un petit paradis en été, ça donne envie d’y aller.
RépondreSupprimerTu es en pleine forme c’est super ! Bises Amédine et merci pour ce récit qui m’a fait rêver.
Encore un magnifique périple !
RépondreSupprimerJe ne m'en lasse pas... je continue à tourner les pages ;)
Bisous