Minervois Jour 2, lundi.
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Le Causse de Minerve |
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Hameaux : Le Bouys, Les lacs |
Hier, dimanche, la pluie m'a rattrapée à la fin de la randonnée et m'a accompagnée dans la traversée du Causse en fourgon. Pas question de descendre: une pluie fine, avec des rafales de vent, une pluie qui transperce, mouille jusqu'à la peau, et cingle, obstinée, discrète, efficace, une vraie pluie atlantique. Pourtant il est beau ce Causse, traversé par une route minuscule, émaillé de fermes et hameaux cachés ou non, de maquis griffant et inextricable, avec un ciel immense et des vents que rien n'arrête.
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Le Causse sans pluie |
Direction
Boisset, au flair, quelque chose me dit que je dois aller là bas. Un petit village au creux d'un vallon, discret, comme oublié. J'y passe la nuit, paisible, 11 h de sommeil rythmé par les gifles de la pluie et les sifflements du vent, là haut sur les sommets. Je dors porte ouverte sur la nuit...
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Boisset, son décor et son église St Michel loin du village |
Le lendemain, invitation à la mairie pour le café du matin: presque tous les habitants sont là ! Facile, ils sont 10, avec moi 11 cette nuit, et puis est avec eux un immense chat, mascotte du village. La commune compte 44 habitants sur 1800 hectares, autant dire un désert humain. Accueil chaleureux et moisson d'anecdotes et renseignements, merci à Guy en particulier.
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Je reprends la route, un peu de vagabondage sous la pluie et neige mêlées (encore !!) et je roule vers mon coup de coeur caussenard : j'ai vu hier un chemin qui filait à travers le maquis et qui m'a dit "Viens !".
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La piste |
C'est une piste blonde dans un maquis vert foncé, griffu et piquant, fait de chênes kermès ou verts, de genévriers, romarins et thym, filaires et cistes cotonneux, buplèvres etc...
Tous les habitants de ces sols pauvres sont là, solides, arrimés à cette terre ingrate, rocheuse à souhait.Mais inodores en cette saison. La piste est un long ruban carrossable qui fait quelques élégantes courbes on ne sait pourquoi, d'ailleurs, elle avait toute liberté de choix, elle semble en avoir joué.
Je suis chaudement vêtue, il ne pleut plus mais dans mon petit sac, le poncho est là; le pantalon de pluie me protège du vent, bonnet et gants sont bien vissés sur moi. Un bâton, un portable, un peu d'eau et de fruits secs et me voilà parée pour l'inconnu qui descend en pente douce vers...?Ahh !!
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En tenue hivernale |
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La vallée de la Cesse et les vignobles rive droite sur les hauteurs |
Je marche sur une mer chaude solidifiée, vieille de 50 Millions d' années, vagues de pierres grises et figées; sur le chemin, le bulldozzer a tranché dans le vif, le sol est blanc, c'est un socle de calcaire, de
marbre à alvéolines. Les alvéolines sont des minuscules fossiles enroulés en spirale, dont les plus grands atteignent la taille d'une lentille. Ils datent de l'Eocène inférieur (-56MA, -33,9MA). Cette mer chaude s'assécha et des cours d'eau creusèrent ce sol calcaire, telles la Cesse et ses affluents, qui se perdent parfois dans les entrailles de la terre pour rejaillir plus loin. Le propre des reliefs calcaires emplis de fissures, avens, grottes, gouffres etc...Il y a aussi des dolmens mais plus loin.
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On dirait un pavage fait par l'homme |
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Le calcaire à alvéolines (fossiles)
Photo avec grossissement macro |
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Gros plan |
Je marche seule dans un paysage vide de toute vie, comme aux premiers temps de l'Humanité. je me sens bien, loin du bruit, des routes. Il y a la vie que recrée mon imaginaire qui flotte entre tous les âges, entre toutes les civilisations qui se sont succédé sur cette immensité où pas un oiseau ne pépie. Juste le chant du vent dans les ramages et son mouvement qui ondule sous un ciel gris.
La Cesse profile son cours, ses falaises et ses corniches.
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Au bord du vide |
Je longe un affluent,
le ruisseau du Bouys, dont le cours finit suspendu dans le vide: il n'a jamais eu assez d'eau depuis des millions d'années pour rejoindre la rivière mère. Il a cessé de creuser.
Mon oeil de randonneuse a vite compris que ces cairns de ci de là, posés au bord du chemin mènent à des ébauches de sentier, autant de points de vue sur le vide.
Ici une ancienne marmite creusée par l'affluent (qui avait alors énormément d'eau) sert de domicile fixe à un arbuste, petit et vieux; là une bergerie en ruines dit qu'autrefois...
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Du temps où coulait beaucoup d'eau |
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Une bergerie ? En fait ce bâtiment est construit sur une grotte donc bénéficie d'une cave : y faisait-on des fromages ? |
Et puis
la Cesse se rapproche, ses falaises grandissent, le paysage sur l'autre rive est viticole, tourné vers l'avenir, moi je marche dans la nuit des âges... Un sentier me dévie de ma route et plonge dans l'affluent, je le suis, il est intelligemment cairné, traverse le ravin sec et remonte en un mur rocheux glissant au possible : ce sera pour plus tard, ne mélangeons pas tout, à présent je sais ...mais quoi ? Il va vers où celui là ? Je ne sais pas encore que les cartes et vues aériennes, compulsées à la maison voient mon avenir tracé sur ce sentier...au printemps n'est ce pas ? ...les grottes que je cherche !
La piste principale s'arrête et un sentier plongeant la relaie.
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Panorama de la Cesse |
Mais que vois-je ? Mon avenir immédiat et en double: un moulin tout en bas dans la Cesse et une arche, haut perchée, trouant la falaise d'un oeil vide .
Une arche ?? J'y cours, j'y vole...euh avec Prudence, ça glisse. Une arche comme celle de Maury, haute, de belle facture. A flanc de falaise, le sentier emprunte la corniche dans ce relief si typique du Causse.
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Une arche ! |
Quels esprits vivent donc ici ? Ils ont un sens de la décoration bien personnel. Voilà celui qui aime les piliers évasés, tel autre les préfère en noir, et puis celui-ci est plus virginal. Celui là aime le mouvement, inlassable, une goutte suit l'autre sur la fourrure verte, bientôt, dans mille ans ? elle unira le sol au plafond, plus élégamment que sa voisine j'espère... Accroupie, je regarde ce balcon aussi original que banal en ce type de terrain.Banal côté géologie, original côté déco.
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Chemin naturel en corniche |
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Du sol au plafond |
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Pourquoi noir ?(humidité) |
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Goutte à goutte rapide |
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Un jour cela deviendra pilier |
Mais l'arche me répète : tu viens ?
Elle est belle, aérienne, ouverte en goutte de pluie, et je passe la porte vers la suite, corniche, sentier, cela rejoint le Causse et la pluie arrive en brume grise. ça glisse au maximum, les roches sont comme vernies. Ce gros bloc est tombé et je le contourne, l'arrière train suspendu en vide alors que, sotte que je suis, il se contourne côté mur.
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Belle fenêtre |
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Clin d'oeil calcaire |
Et je repars (arche , corniche) vers
le moulin, 50 m en contrebas.
Non ce n'est pas très aérien, 60 m contre 300 dans la Vis et 700 au Verdon. Une chute ici m'expédierait dans les arbres, sans plus.
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Là bas il n'y a aucun chemin |
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Façon pigeonnier |
Le sentier du moulin est muletier, des murettes me le disent, cette fois je suis au siècle dernier, et aux deux précédents sans doute aussi. Ou au moyen âge ?
Ah...mais le moulin est sur l'autre rive?
La rivière est peu profonde et plutôt sage, je peux traverser en chemise et en pantalons. Je le visite nu pieds, l'eau m'a réchauffée . Il y a au rez de chaussée la chambre de la meule avec de belles meules ensablées, en dessous, sans doute arrivait le bief mais ma curiosité est tombée en panne sèche. Hélas..
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Le moulin d' Azam vu d'en haut |
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Et vu d'en bas |
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Le chemin du moulin |
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La chambre de la meule |
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L'étage |
A l'étage une grande pièce accueille qui veut bien s'y poser.
Dans le jardin une ancienne meule sert de table, c'est sympa, bien conservé, c'est
le Moulin d' Azam, (ex
de la Coquille).
L'été ici il n'y a pas d'eau, elle a disparu plus haut chez
Monsieur.
Je reviendrai, il y a beaucoup de choses à voir,
la balme des cats que j'ai manquée de peu, ne la connaissant pas,
la Balme rouge,
la Balme d' Aldène qui a une extraordinaire Histoire à travers les âges et puis les grottes, mon coup de coeur vu sur
ce blog.(clic ici)
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Une des balmes : la Balme rouge ? |
Une curiosité attise la suivante. A la maison je passerai des heures à scruter récits, blogs, cartes et vues aériennes, documents géographiques, géologiques et autres, curiosité qui ne m'appelle pas autant au retour de montagne: la montagne c'est du sport, rien que cela.
Cela s'appelle la vie variée qui me va.
Dans le lit de la rivière je sèche au soleil quand arrive l'averse drue, brève, chassée par le soleil et tout n'est qu'illuminations, scintillements, c'est superbe.
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Soleil et pluie, féerie de lumière |
A présent je remonte et je pars pour le chemin à l'envers, sur le plateau battu des vents, vieux de 50 MA. Une heure plus tard, le 21 eme siècle pointe son nez carrossé de blanc, je suis arrivée.
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Chemin à l'envers |
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Le 21 eme siècle au bout du chemin |
En chiffres
Distance: 6.5 km AR
Temps : 2 h 38
Ces Causses sauvages révèlent des merveilles, belle exploration Amédine. Un régal pour les yeux ces falaises où se cachent des moulins, des arches, des habitations troglodytes, des fossiles, des grottes...
RépondreSupprimerTu as bien fait d’affronter le mauvais temps pour nous faire découvrir toutes ces richesses du présent et du passé. Merci, bises, calinous à ta tribu.
Merci de m'avoir accompagnée en mots sur ces terres désolées, mais pour moi, ce sera essai transformé plus tard en saison, c'est trop sinistre en ce moment. "J'veux du soleil !!"Bises
Supprimerune belle exploration , du vide , des surprises arches fossiles et ce moulin merveilleux et accueillant pour un arrêt repas , et un passage glaçant du cours d'eau , tu me fais rêver . bon vent et à la prochaine . bises et mille caresses à ta tribu
RépondreSupprimerEt bien il y aura une suite...faut attendre, je repars en montagne. Bises
SupprimerA part le moulin , je vois que j'ai encore moi aussi plein de choses a découvrir encore dans ce secteur , merci !!!
RépondreSupprimerTu as été un grand inspirateur pour moi pourtant ! Affaire à suivre
SupprimerSuivons , suivons Lison !😉
Supprimerje t'appelle ce soir; le prochain article, tu suis Lison à 2883 m altitude
SupprimerOups j'ai raté ton appel portant j'étais disponible hier soir... Retentes quand tu veux !
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