mardi 19 février 2019

Le Pic du Géant ou des Bastiments: 2883 m


Amis lecteurs: malgré ces 2883 m qui peuvent impressionner, il n'y a aucun exploit ni performance
dans cette balade. Cela aurait pu le devenir par tempête de vent (fréquente) ou par risque d'avalanches (classique ici). Non il faisait un temps magnifique, peu de neige, conditions optimum.
Gravir le Canigou, 99 m de moins ou le Carlit, 39 m de plus eussent été un exploit sportif pour moi, car très longue approche. Donc c'est à une simple balade ludique que je vous convie.


Bastiments  ou Géant (Antécime)

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Frontalier entre France et Espagne ou entre les deux Catalognes, ce pic est aussi appelé du Gegant (Géant en Catalan). Trois noms pour un seul pic, c'est beaucoup mais avec ses 2883 m il le vaut bien. Les altitudes différent (2881 dit la France). Mon GPS a corroboré l'altitude espagnole, 2883.
Je l'ai abordé encore cette fois, la 5 eme,  par le versant sud, donc espagnol parce que l'approche est moins longue. Surtout en hiver.

De nuit

Je pars de Vallter 2000, la station de ski où j'ai dormi, à 2154 m d'altitude. Pas de tempête cette nuit, mais un vent respectable qui a secoué mon sommeil. J'ai fait en nocturne une petite balade sur les pistes (à 2330 m), mon rêve. La quasi pleine lune éclairait bien, le vent chantonnait et la nuit était belle mais à mon retour il y avait foule : nombre de skieurs montaient à pied "souper" au chalet d'altitude à plus de 2500 m. Quel régal !

Skieurs à la frontale..et une "gamelle"
Au matin c'est un temps calme et magnifique : la station se remplit, le parking était bien garni déjà cette nuit, il y a peu d'années j'y étais parfaitement seule.

J'emprunte un chemin inédit pour aller vers le sommet: le cirque de Morens que je ne connais pas. La piste de ski est très courte car vide de neige et donc vide d'humains. Je pose pour la photo et je sens un regard posé sur moi, je me retourne, un isard solitaire me regarde. Bref dialogue, il va rejoindre le groupe et c'est 14 isards qui me tiennent compagnie. La seule qui soit pressée c'est moi.

Cirque de Morens

Il m'écoute, on discute
La neige est peu présente, je l'évite car elle est gelée. Je fouille du regard pour choisir ma route: elle est facile, partout, une pente pas trop raide, un peu de neige que je peux même éviter et c'est gagné.
Pourtant...c'est comme pour un amoureux de la mer, l'appel du large... A gauche de cette voie facile il y a un groupe de rochers déchiquetés, torturés, les Ximeneies, (cheminées) entre lesquels s'immiscent de petits couloirs, des langues de neige.

Au fond du cirque ; à gauche les Ximeneies, au centre le chemin facile


Décor dans les Ximeneies

 Je tergiverse en marchant et ma courbe s'infléchit déjà vers les rochers. J'y vais ! Je suis obligée de mettre les crampons, la neige est gelée mais ça jardine, je marche aussi sur la terre. Et c'est pentu! Je ne suis pas équipée pour, j'ai juste un piolet droit, je n'ai pas pris les 2 tractions alors je coupe ma route vers les rochers, parce que la pente de neige me fait peur. Je m'engage et là, c'est l'herbe et un peu de glace vive qui sont en place.

Mon mini couloir
Une belle dent

Pas rassurée, je préfère grimper en varappe malgré les crampons. C'est une roche blanche où semble dominer le quartz, solide, aux prises agréables, un court passage vite franchi. Les crampons ne m'ont pas gênée même si sur la roche ils ne mordent rien et affaiblissent la stabilité.


Passage en roche à mi chemin


Une jolie arête et de chaque côté
une belle déclivité
Au dessus s'ouvre un champ de neige qui grimpe vers le sommet, quelques dizaines de mètres. Là, moment de solitude : c'est très raide, assez gelé et je n'ai qu'un piolet.

Un bon 35/40°
Quand je le lève pour le planter plus haut, je ne suis plus assurée. Bien sûr cela fera rire les pros, mais je suis novice ! Alors, plus sotte encore, je me déplace en dévers, ce qui me sécurise juste dans la tête, pas sur le sol. Parce que je vois quelques touffes d'herbe ! Puis la pente s'adoucit et j'arrive au sommet, une petite corniche qui ouvre sur une vue superbe ! Je suis ravie d'avoir grimpé ça, mon moment de folie douce.

Sortie de corniche

Et je vois ça, côté France


Et ça côté Espagne; je viens d'en bas là bas
Le reste du parcours sera d'une simplicité enfantine : longer la crête, pas du tout effilée, sans danger aucun. Je l'avais parcourue un jour de vent violent, c'était l'envol à chaque pas.

Coll del Gegant, vers l'ouest et le pic du Gégant
Un marcheur en crampons me rejoint alors que je viens de quitter les inutiles crampons, il n'y a plus que de l'herbe sèche. De cet homme je ne verrai rien, car il est tellement bardé que pas une once de peau ne se voit. Je vois bouger ses lèvres sous la cagoule quand il me parle, même ses yeux sont invisibles sous les double protections...je suis en tee shirt....il y a comme un hiatus!Coll del Gegant, nos routes se séparent, son trajet aussi est bizarre et tourmenté: en est-il revenu ?

Coll del Gegant : vue vers l'est
Mon chemin oscille autour des 2650 m depuis ma sortie en corniche. A ma gauche la station de ski catalane pollue l'air avec sa musique plein pot. A ma droite, la France est blanche, déserte, silencieuse, face nord.

La station de ski de Vallter 2000

La pente se redresse fort et grimpe vers le sommet tantôt en sentier, tantôt en neige bien damée.

Pente de l' Esquena d' Ase , montée au sommet
L'Esquena d' Ase








Je parviens à midi à la grande croix, toute neuve, un peu avant le vrai sommet. Là s'étend une longue proue de navire, 500 m de dallage blanc bien tassé, pas désert, non.

Je trouve le moyen de me casser la figure sur la glace, je reviendrai avec un peu de ciel bleu sur ma peau! Les crampons sont dans le sac.



Antécime

Le groupe est au sommet

Vue fantastique vers les Pyrénées




"ça c'est fait !" dirait Ludo




C'est la 5 eme fois que je viens ici et à chaque fois c'est le même émerveillement. En hiver. Ma venue un jour d'automne fut bien moins envoûtante.










 Petite séance photos réciproques avec des catalans, un repas en proue de navire, en contemplant le sublime décor; j'ai enfin mis ma veste .


Le panorama à 360 ° est magnifique, dans son ensemble comme dans les détails.






Le Carlit, 2921 m

Serra del Cadi

Plein ouest au zoom

Arête du Racó

Le Canigou, 2784 m à l'est

Pic de Freser, 2828 m, absent de mon palmarès

Puis c'est le départ : par où vais-je redescendre? Plusieurs voies s'ouvrent à moi, j'ai même envie de monter au Pic Freser (enfin descendre puis remonter), mais je prends le chemin du retour, bien classique: descente sur le col de la Marrana. La pente est raide, 220 m de dénivelé à 40° environ ; les crampons sont inutiles, bien que je les aie chaussés, les skieurs ont fait de ce mur de neige un mur de "bouillie".

La pente du Bastiments, face sud, 40° et plus

L'angle de la pente avec les personnages !
Je quitte les crampons alors que la pente s'adoucit et là paradoxalement c'est gelé, il faut éviter à tout prix la neige. J'ai toujours eu envie de monter ou de descendre ces murs de neige dans lesquels se jettent les skieurs, à ma gauche,  mais c'est impressionnant.

Il y a des traces de raquettes. Je n'ose descendre, les skieurs l'ont choisi 

Il se jette dans le vide, j'ai le coeur battant !
Je  descends sagement, en coupant un peu avant la pente (déjà fort soutenue) de la Marrana.
Beaucoup de gens ont toujours l'angoisse de cette pente; j'ai maintenant l'habitude. Un skieur vient de tomber, il descendra jusqu'en bas vertigineusement et quand enfin il stoppe, c'est un de ses skis qui semble ne jamais devoir s'arrêter !
Bien sûr j'ai remis les crampons, bien sûr je déchausse en bas, belle erreur: cette neige est infernale, faite d'alternance de "soupe" et de plaques gelées, c'est du sport !!


Retour classique par les pistes de ski: il faudra quand même qu'un jour je tente autre chose mais ...l'angoisse  de ce mur me prend à chaque fois, pourtant plus court et pas plus pentu que ce que j'ai fait. Tout est dans la tête !

Je viens d'en haut et par tous les chemins j'y reviens; j'aimerais bien qu'un prochain chemin
soit ce mur de neige (en montée ou en descente)

Les Gra de Fajol veillent ainsi que les ruines du Xalet Vell dont j'ai conté l'étonnante et triste histoire ici (clic)


Le Xalet Vell (ancien refuge d' Ull de Ter)

14 h 40 je rejoins le parking surpeuplé, on dirait une grande braderie !
Pour moi ce sera brasserie...au grand soleil, mais à mon camion avec point de vue incomparable. Et vacarme assuré. J'y reste pour le point de vue.





En chiffres :

Distance AR 8 km environ
Dénivelé positif cumulé: 900 m environ
Temps de marche :un peu plus de 5 h, j'ai pris le temps de contempler
La route : 200 km AR, 






4 commentaires:

  1. De belles montagnes et un panorama de cinéma ! Rando facile en été mais beaucoup plus difficile en hiver, tes photos me font rêver car je ne connais cet endroit qu’en été. Nous avons fait le pic de géant par le col de la marrana et nous avons enchaîné sur le Freser puis l’Enfer. Le retour a été difficile car Claude a perdu la semelle d’une chaussure.... Merci pour ce récit et ces photos qui vont en faire rêver plus d’un, on sent que tu te régales. Quel beau belvédère, il est encore plus majestueux en hiver. Bises Amédine et câlins à ta tribu.

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    1. Un beau commentaire; figure toi que j'ai trouvé une semelle, mais pas sur votre parcours et je me suis demandé comment avait fait la personne pour rentrer ? Moi, je peux, je marche pieds nus, mais c'est pas donné à tous. Alors comment a t'il fait ?? Bises

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  2. Claude a attaché la semelle avec une ficelle et nous avons fait le chemin de retour en la resserrant très souvent, en la remplaçant et presque en courant parce qu’il pleuvait... un très beau souvenir tout de même. Demain je vais photographier le Cambre d’Aze tu seras sur la photo bien qu’ invisible....
    Bone nit, un poc Fresca.

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    1. J'y suis ! sur le Cambre de ta photo! Souvent je me suis demandé comment on fait sans semelle! j'en ai trouvé une dans ce secteur des Bastiments, justement; et rencontré une dame , une fois, perchée sur un rocher, qui avait perdu sa semelle. J'ai la chance de pouvoir marcher nu pieds, sauf en hiver; et je n'ai pas toujours de la ficelle : un truc à ne pas oublier! J'y penserai...Bises

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