Un couloir d'alpinisme c'est ça. Une saignée en roche, remplie de neige, frôlant la verticale au regard mais un peu moins inclinée que cela en a l'air, quoique...très inclinée quand même. Quand on y est dedans, le haut semble vertical..et le bas aussi. Bon ce Vermicelle là est classé PD + ce qui veut dire Petite difficulté et un peu plus si...enfin, les conditions météo...
J'ai gravi ce vermicelle-là il y a juste 4 ans, en 2015 et quand Ludo me propose de réitérer (et de réfléchir pour ma réponse), c'est oui sans réfléchir. C'est tout réfléchi ; malgré mes 4 ans de plus et mes 68 ans 1/2 !! Je compte sur cette pêche d'enfer que je n'avais pas en 2015.
Je pars la veille, soit vendredi, le coeur en fête. Je couche au parking de la station de ski d'Eyne, au départ de la piste, dans mon camion, ainsi je partirai en crampons directement.
Je dors porte ouverte sur la petite musique de nuit de la forêt attenante à ma chambre. Soit un grand silence et un ciel empli d'étoiles. Je dors mal, je ne suis pas anxieuse pour le couloir, mais juste pour l'approche..sotte pour ne pas changer.
Départ sous la lune 7 h 03 |
Matin : je démarre à 7 h 03, soit une heure prévue avant mes coéquipiers, bien plus jeunes, bien plus rapides. Puisque l'approche me stresse, j'ai trouvé cette solution judicieuse. La nuit s'éclaire, la frontale est inutile et dans l'aube je marche , écoutant juste le silence ponctué du crissement des crampons sur le gel...que c'est beau...Un écureuil noir croise ma route, un animal m'appelle dans la forêt, je le cherche en vain. Un chien plus tard me saluera , comme son maître: ils vont aussi au Vermicelle.
le Carlit s'éveille, 7 h 40 |
Et les Péric aussi |
J'ai choisi de ne pas prendre les raquettes, imaginant la neige damée et elle le sera sauf...mais je me fie à la couleur et aux traces et cela ira si bien qu'un espagnol m'emboîte le pas.
Dans mon dos |
Devant moi |
Je suis la seule "fille" et le resterai dans le couloir.
Yannick et Louis, 14 ans |
Les garçons s'équipent |
Pour moi c'est fait |
On aborde le cône de déjection du couloir |
Il est pentu ! |
Mes piolets traction |
La plupart rasent les murs, nous on restera au milieu |
Vers l'aval |
Vers l'amont, la pente est soutenue |
En haut les espagnols |
Yannick a encordé (assuré) son fils , Ludo ouvre la route et je ferme la marche car je suis le photographe attitré. Me faut les mains libres. Ah les mains ! J'ai ôté les gants et je grimpe à mains nues, sans veste, allégée, efficace. A l'aise. Faisant fi du vide. J'ai juste assuré mon appareil photo. La trace est faite le long de la paroi, nous on trace au milieu. Parfois le couloir est large de moins de 2 m.
Parfois, prise de zèle, je sors de la trace et file comme une flèche à la force des bras sur les piolets traction, ou alors je flâne loin du groupe, je m'amuse, je prends des photos. Avec 20 ans de moins je monterais comme un singe mais la fatigue inhérente à mon âge me calme. Aucun vertige, aucune crainte , comme un poisson dans l'eau.
Soudain dans le groupe de tête, les espagnols, peu prudents font partir une boule de neige qui grossit et fonce droit sur moi à toute vitesse - c'est le principal danger - alors au dernier moment, d'un jeté de buste j'esquive le boulet qui m'eut frappée ou déséquilibrée pouvant me jeter dans le vide. Le danger c'est cela ou alors, pire, quelqu'un qui dévisse et emporte tout le monde sur son passage.
J'ai froid aux mains et je pose (une folie) tout le matériel sur une terrasse que je creuse au piolet, pour récupérer mes gants. Délestée de sac, piolets, je ne suis plus assurée. Mais j'assure, avec précaution! On grimpe, vite, on ne mettra que 1 h 27 pour cette montée. J'admire les garçons. Ludo, attentif à tous, Yannick professionnel, Louis, du haut de ses 14 ans, confiant, heureux et maître de lui. Je ne m'admire pas, je m'éclate !
Nous voilà arrivés au croisement : deux branches pour la sortie je choisis la droite et je découvre...une arche. Petite fenêtre de roche.
La sortie : gardiens de pierre je vais passer à droite |
Fenêtre sur neige |
50° de pente |
La pente, ici, est de 50 °, la corniche est raide et Ludo est en haut. Je sors sans problème. Et le panorama devient sublime. Altitude 2692 m. J'admire Louis, 14 ans , un futur grand sportif.
Louis |
Je vous salue ! |
Quelques chiffres :
Le cône : 100 m de dénivelé à 40°
Le couloir: 252 m de dénivelé entre 40 ° et 50°
Brochette au sommet: 2700m |
Un couloir voisin : ça me tente déjà |
Sortie verticale de couloir |
Sortie acrobatique du Gigolo avec assurage, en mixte (roche et neige) : ça me glace ! |
La famille au complet |
Tour d' Eyne |
Vallée d'Eyne et Puigmal 2910 m |
Les sorties de couloirs et au loin, le massif du Carlit |
Le Massif du Canigou 2784 m |
Vallée de Planès et Malaza |
Le sommet est une formalité, on garde les crampons par flemme, et on a du mal à se frayer une place dans cette foule d'espagnols et catalans bruyants. Com' d'hab' les français sont absents.
Pic du Cambre d'Ase 2750 m où j'étais le 1er janvier |
Enfin on a un moment crucial pour nous !
Au point de croix: 2750 m |
La descente, du coup, on la choisit ailleurs que dans le grand couloir, ce sera un couloir inconnu. On y accède par un peu de désescalade d'arête en mixte (roche et neige, en crampons).
C'est beau, plaisant et pas difficile.
Puis on aborde la descente. Que j'ai proposée. Et choisie par Ludo. Mon point faible, la descente, qui sera encore plus faible.
D'abord un grand passage en dévers (j'ai peur) que j'absorbe avec aisance vers la fin seulement.
En dévers |
En plongée |
Style luge |
Je me rassure à la fin et je prends une décision : j'irai en montagne travailler cela !
Enfin, c'était pas la mer à boire !! |
Et il est beau !! |
Malgré la couleur, je suis.. verte de peur ! |
Le tout se mélangeant dans de belles bulles rosées.
Descente : 1 heure |
Finalement je repasserai une nuit à l'orée de la forêt, porte ouverte sur la petite musique de nuit de la forêt sous un ciel piqueté d'étoiles. Une bonne nuit de sommeil celle-ci..
(Ecrit en écoutant ceci, très inspirant : Silence de Beethoven)
En chiffres (empruntés à Ludo)
Temps de marche (pour moi) : 6 h 11
Distance : 10 .5 km
Dénivelé positif : 953 m
Ascension du couloir : 1 h 27
La même sortie sur le blog de Ludo en un clic
Le trajet
En jaune : la montée
En vert : la descente normale
En rouge,: notre descente
Que c’est beau ! De belles images de montagne au lever du jour, un couloir magnifique que je ne connais que de loin, il me terrorise lorsque je le regarde depuis la crête, il me semblait que je te suivais, j’étais à moitié rassurée... mais je me suis régalée. Je te lisais en regardant le Cambre d’Aze depuis Les Angles, je voyais le Vermicelle qui me paraissait inaccessible, bravo Amédine pour cette ascension hors du commun. Le champagne était bien mérité à l’arrivée, très beau reportage, je ne regarderai plus le Vermicelle de la même façon. Bises, câlins à tes félins. Quelle pêche, une forme olympique !
RépondreSupprimerMerci Josy pour ton enthousiasme qui vaut bien le mien. J'ai essayé de faire profiter mes lecteurs; c'est un vrai moment de bonheur de grimper ces trucs mais attention, celui ci reste un facile et j'ai bien envie de goûter à d'autres même si leurs noms sont moins appétissants ! Bises à vous deux
SupprimerQuel superbe reportage ! Je suis vraiment heureux d'en avoir fait parti.
RépondreSupprimerEn avoir fait partie ? Mais tu en es l'instigateur, c'est moi qui suis heureuse d'avoir fait partie du groupe, d'autant que tu prends de gros risques en amenant le 3 me âge sur ces pentes. A cet EHPAD là tu as bien assuré...hihi...en descente
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