Voies d'eau dans l' Aude

Me voilà en ce dimanche des Rameaux, ce qui n'a rien à voir, dans le département voisin de l' Aude. Par le plus pur des hasards puisque j'avais pris la route pour le Tarn mais la fatigue m'a faite bifurquer bien avant. J'irai au gré du vent me suis je dit. Et c'est l'eau qui m'a cueillie sur ma route.

Gorges du Tremenet, Termes, Aude

L'Aude est département voisin du mien; une grande richesse de visites et de curiosités qui m'enchante toujours et me dépayse autant. L'Aude souffre de façon récurrente d'inondations meurtrières mais ce n'est pas sur leurs vestiges que je me penche, pas de voyeurisme c'est trop triste ces stigmates...Mais l'eau (que j'aime), elle est partout, sous-jacente. Et pleine de surprises. Sur ma route : Sigean, Portel, Fontjoncouse...

Pont sur le Cassié, Fontjoncouse, Aude

Un peu avant Fontjoncouse, dans un défilé calcaire où un pan de falaise a chuté dans la rivière, je m'arrête pour une première incursion aquatique : voilà un pont et, par chance, un accès est possible pour la jolie rivière qui se dessine dans un paysage rocheux d'exception. Les lieux sont calcaires donc promettent de beaux reliefs. Je suis étonnée par la hauteur de ce pont daté de 1878. Très haut, surplombant une cascade, entravé par un énorme rocher, il offre vers l'amont un relief très particulier fait de dalles lisses percées de nombreux "chaudrons" en formation et surtout cette rivière génère du tuf en formation lui aussi. Comme dans les gorges de la Vis (34).

Effondrement récent

Rives calcaires du Cassié

Qu'est ce que le tuf ?

 "Le tuf est une concrétion calcaire, une roche d'origine sédimentaire. Elle provient de la dissolution des ions de carbone qui précipitent en s'associant avec les débris végétaux, microalgues, coquilles etc. 

Le tuf est aussi appelé "travertin". Pour des cascades comme celles du Jura, on parle parfois de source pétrifiante. "(Source Internet).

Tuf en formation

La texture du tuf

Cascade pétrifiante

Quand on touche ce tuf on a la sensation de micrograins de sable, un peu comme si on écrasait une pierre ponce, légèrement abrasifs; cela s'accroche aux végétaux, les englobe au fil de l'eau et des ans et cela donne un aspect grenu, ajouré, pétrifié, du plus étonnant effet. Mon voyage, je ne le sais pas à ce moment là sera sous le signe du tuf !

Un végétal qui sera pétrifié

Cette rivière je vais y passer des heures, y faire balader Mathurin mon chat, et même me baigner plus au soleil que dans l'eau .
Le pont , très haut, franchit un saut de la rivière; les bâtisseurs se sont adaptés à la configuration des lieux, mais je vois un ancien mur, de facture très ancienne, en pierres bien ordonnées.

Curieux pont adossé à un rocher

De face

 Le passage est plus ou moins interdit mais j'emprunte ce chemin , joliment pavé, qui se perd dans les taillis jusqu'à n'être qu'un sentier animal

Chemin muletier et sentier (ph droite)

. Soudain ce sentier animal devient un béal et je comprends que j'arrive à un ancien moulin, aux murs ruinés perdus dans les broussailles.

le béal ou canal

Le béal plonge dans le vide dans une sorte de puits et j'entreprends de visiter les ruines, où la meule dormante gît encore.

Le béal plonge dans le moulin (vue du dessus et du dessous)

Ruine du moulin du Laurier

Le chemin d'eau qui actionnait la meule

La meule

La prise d'eau du canal creusée dans la roche

Au pied du moulin la rivière fait une belle vasque, barrée par le pan de falaise effondré; le sentier l'est aussi, je n'irai pas plus loin; il me reste à découvrir la prise d'eau ce qui sera très facile à présent, juste au pied de la cascade, sous le pont.  Ce moulin dit du "Laurier" est le mieux conservé des 6 moulins de la commune. A noter au passage que la commune est davantage connue par son restaurant 3 étoiles du chef Gilles Goujon!
Mes 3 étoiles à moi et plus encore, elles sont au fil de l'eau de ce ruisseau nommé Cassié dont les eaux rejoignant la Berre, finiront noyées dans l'étang de Bages, à Peyriac de Mer.

3 étoiles : mon Camion, la Nature et mon Chat

La cascade sous le pont

Gravure en creux sur un énorme rocher dans le lit
de la rivière; pourrait avoir un lien avec une grotte proche et cachée

Par voie de terre je continue ma route jusqu'au moment où je fais une singulière rencontre : ce n'est pas un illustre inconnu puisque en 2010 j'avais fait sa connaissance : le pont dit romain (mais daté du XII eme siècle) de Rieux en Val. On ne trouve pas grand chose concernant ce pont de 47 m de long; il enjambe de très haut un ridicule cours d'eau, l'Alsou , il semble piétonnier mais...faut se méfier des ponts et des eaux qui dorment. On devrait toujours étudier l'héritage des anciens; si un pont si haut et de surcroît à 3 arches, fut ici édifié ce n'était pas pour passer le temps, mais pour des crues phénoménales comme l' Aude sait en connaître. Un tel pont , ça parle, et les bâtisseurs de maisons pourraient s'en inspirer et prendre la fuite avant que de construire! Un médaillon fixé sur le pont indique l'impressionnante hauteur de la crue d'octobre 1940 !  2018 ne fut pas en reste...Mais le pont perdure : avec ses 3 arches permettant une bonne répartition de la crue, il perdurera encore longtemps je pense, bien après moi!

Rieux en Val pont 12 eme Siècle

De face sur un ruisseau ridicule

En petite crue, ph internet

Elégance et étroitesse

Un autre pont sur ma route, la route d'une crue phénoménale de l'Orbieu, vers St Martin des Puits, a résisté lui aussi par sa hauteur et son ampleur ; 3 arches pour un ruisseau tranquille aux belles eaux dormantes...dans un cadre idyllique...oui mais 3 arches qui permettent le gros débit. Les berges portent les stigmates de cette violence récente. Et ne peuvent qu'impressionner.

Près de St Martin des Champs

Sur l'Orbieu, il est assez imposant et subit les crues sans dommage

Les rivières qui peuvent devenir des fleuves énormes sont servies, en ces reliefs calcaires et très abrupts par d'étranges affluents; en voici un qui croisa mon regard alors que je suivais paisiblement un Orbieu tout aussi paisible. Une coulée blanche dans le vert foncé des rives attira mon regard, attisa ma curiosité et je partis en mode animal sauvage sur cet étrange lit de pierre, comme cimenté; et cimentée la roche l'est c'est un poudingue calcaire, entre deux berges calcaires. Si les eaux coulaient tout le temps, dans des millions d'années on trouverait ceci ! En modèle réduit évidemment

Voie d'eau dans le calcaire du Causse (Hérault)

Je remonte cet étrange cours sur une centaine de mètres et si, à l'aval, au passage de la route, il s'élargit autant avant de se jeter dans l'Orbieu (en temps de crue) et bien c'est parce que les bâtisseurs ne lui ont offert qu'un tout petit passage jamais nettoyé. Un jour la route partira avec...

Etonnant lit de ravin : ce n'est pas du ciment mais de la roch

 A gauche, le lit vers l'amont, raviné. A droite, la texture de la roche : calcaire et poudingue (conglomérat)

A la sortie, cela se rétrécit dur !

Le pont est trop petit et jamais nettoyé

Ci-dessous, ce semblable ravin qui se jette dans le Sou près de Termes est resté inaccessible malgré ma bonne volonté. Un anonyme, de plus, mais bien agressif. Aucun chemin n'y mène; il faudrait pour ce faire accéder au Sou, ce qui est impossible ici et le remonter à pied. Ce qui ne me sera pas toujours impossible, les beaux jours venus. Pour l'heure je saisis ses gradins entre les arbres. Un ravin en gradins; cependant sur les hauteurs passe un chemin de randonnée..ah...intéressant !

Plus vertical dans la réalité
cet affluent du Sou

Parlons de Termes et de son joli ruisseau (Le Sou) qui agrémente le village avec son cours bien ombragé et ses solides demeures le long de "La Promenada", laquelle porte bien gravée dans la pierre ,comme la croissance d'un enfant sur un mur, la liste des crues passées. Prudents, les anciens avaient construit un pont à la mesure non pas du Sou mais de ses colères. Large, haut, imposant, solide.

Termes et le ruisseau nommé Sou

Capable de se fâcher  très haut et fort

A la sortie du village grand pont pour petit Sou

Une autre petite rivière, la Mardouneille, affluent de l'Orbieu, qu'il faut aller chercher par une route en cul de sac, (merci la précision de la carte), entre Caunettes en Val et Mayronnes, jette dans le vide , de belle hauteur, sa haute cascade, mince et élégante en ce moment.  Nommée le Saut. Habillée d'algues, de verdure et donc de tuf, elle a un charme aussi fou que discret. Impossible de l'escalader mais je rejoindrai le haut autrement : il y a toujours une solution pour les intrépides. Evidemment ce genre de "monument aquatique" est toujours plus saisissant vu d'en bas ! Et en bas, qu'est ce que je trouve ? Un moulin, (le Moulin du Saut) comme jamais je n'en ai vu! Enorme, avec des murs impressionnants de hauteur, son couloir d'eau qui ressort...mais où se cache l'entrée, je ne saurai la trouver, à moins que la cascade elle même fournisse eau et puissance nécessaires. Sans doute...il pleuvait tellement plus autrefois. Une belle rencontre.

Cascade du Saut, la Mardouneille

Vue prise depuis le haut
Il y a une grotte vers l'aval

Immense moulin !

Chemin d'eau sous le moulin

Je terminerai mes voies d'eau en évoquant les Gorges du Tremenet, sujet à traiter avec le respect qui s'impose! Au pied du château de Termes, ce défilé du Trémenet, qui héberge la rivière Sou dans un somptueux et bref canyon vaut à lui seul un billet. Images magnifiques garanties. L'auteur en est la Nature. Le narrateur sera moi, modestement.                                                            A suivre...donc...

Le dernier pont sur ma route : Portel (Corbières) pont sur la Berre