Ce 27 décembre 2020 est particulier : pour la première fois j’invite quelqu’un à partager mon « arête privée ». Que les habitants des Fenouillèdes me pardonnent, elle est à eux mais je crois être la seule à m’y aventurer, je n’ai jamais trouvé trace d’aucun passage. Seule, je pense , la ruine de la tour à signaux reçoit une éventuelle visite.
L'arête au clair de lune |
Vue du ciel depuis la Serre de Maury |
Cette arête garde sa fierté, sa beauté, son élégance inviolée. J’ai une excellente mémoire visuelle qui me permet de me repérer, de me faufiler : ici, une brèche, là un arbre mort, ailleurs, un buisson un peu écrasé parce que je l’ai maltraité, ou bien celui-ci a laissé dans ma main la branche qui a cassé et m’ a déséquilibrée, je pourrais geste par geste décrire le moindre recoin de cette arête .
Le parcours y est assez horizontal, contrairement à nombre d’arêtes mais il est aérien, exposé, boisé en face sud, vertigineux en face nord, hautes parois de roche lisse, aucun buisson n’a osé s’accrocher à ces murs battus du vent .
Je suis à la découverte de la partie non horizontale |
Je n’y connais que de rares parfums d’hiver, la yeuse, le genévrier . Ceux d’été viendront plus tard, car j’espère m’y promener souvent, pour le plaisir, mais jamais avec du vent.
Dominique est un jeune homme que j’ai initié il y a quelques années à la randonnée. Il semble en avoir gardé un heureux souvenir. Puisqu’il en demande à chacun de ses retours. Le jeune adulte qui ne connaissait quasi que la marche sur les trottoirs des grandes villes se trouva fort dépaysé à la première randonnée devant le rocher qui encombrait le sentier. Je l’ai initié aux gestes élémentaires, on a partagé depuis de belles découvertes, et à présent, la carrière qu’il a embrassée a développé ses capacités sportives au-delà de ses espérances. C’est donc un sportif que j’emmène, ce sera cependant une balade d’initiation, ce type de relief ne lui est pas familier.
Premier contact, les deux ébauches de galeries de mine où les sentinelles nous accueillent, deux chauves souris élégamment suspendues par leurs pattes. J’en décroche une, je la repends, à la manière d’un aimant ; le petit animal n’a manifesté aucune inquiétude !
Les pipistrelles sentinelles |
L’accès rapide par le sentier nous amène au cairn de départ, on traverse le sous bois qui longe le ruisseau et immédiatement on est parachutés dans ce qui sera l’élément majeur, la roche. Le calcaire.
En images la montée jusqu'à la tour
Jardins miniature logés dans les creux de roches |
Sur une vire |
Non, je ne te ferai pas grimper là ! |
A droite le mur à monter mais par un chemin moins vertical Village de St Paul de Fenouillet |
Le Pech de Bugarach enneigé |
Non j’exagère, la montée dévoile aussi de beaux paysages ! Mais en douceur, au rythme de l’ascension.
Le Canigou émerge des bois et de la barre calcaire d'en face |
Hélas le temps est triste et la luminosité terne. Au dessus de nous se dresse le mur qui paraît invincible mais j’en connais le contournement et l’accès, c’est escarpé, nous voilà à la tour.
Soubassement et plate forme de la tour à signaux du 10 eme S |
Ensuite il n’y a plus qu’à suivre l’arête…Face à celle que nous parcourions entre amis voilà 5 jours, la longue Serre de Maury.
Je guide Dominique, ainsi on gagne du temps car le soir tombera vite, le jeune homme apprivoise bien la roche, le vide, l’escalade et la désescalade, même en face nord, où « il y a du gaz » !
Je pense qu’il n’aurait pas eu besoin de moi pour faire ce parcours mais quand on n’a pas l’habitude, quelques conseils, notamment pour la sécurité, ne sont pas superflus. Les passages les plus compliqués ne sont pas la roche, mais les arbres qui sont enchevêtrés, assez bas, contrariés depuis leur naissance par les vents violents et sous lesquels il faut se faufiler, les rares fois où l’on ne peut circuler en roche : et justement ce qui gêne sont les envahissants buissons qui ne laissent aucune place sur le fil de l’arête. La petite brèche a été franchie avec quelques pas de désescalade à la corde, ce sera le passage le plus difficile.
Quelques images du parcours et de la gestuelle:
La brèche : c'est pour arriver là en bas qu'on utilise la corde |
Le soleil se couche |
Aisance aérienne |
A pic sur le vide : un toboggan |
J'adore ce relief je m'y sens dans mon élément |
Au "salto del caballo" |
Les mains assurent la stabilité au cas où glisseraient les pieds |
Avant la désescalade |
Demi tour |
Dominique imagine descendre tout droit, je crois que revenir par l’arête ne lui plait guère, mais tout droit c’est impossible. Le jour où je l’ai osé j’ai dit « plus jamais » et je le redis, surtout de nuit, c’est infaisable. Et j’ai bien compris que la nuit va nous saisir.
Remontée d'un mur face nord en grimpe |
On revient le plus rapidement possible, baignés par un air froid et humide qui sent la neige proche, qu’on a vue luire par plaques, on voit se lever la lune et flamboyer les lointains, s'éclairer les lumières des villages, rougeoyer les éoliennes, balade au clair de lune, il faut descendre le plus vite possible, une frontale pour deux dans les falaises et éboulis ce n’est pas le plus aisé.
Les lointains s'estompent dans la nuit et les éoliennes nous fixent de leurs gros yeux rouges ; nous on file bon train |
Pourtant on parviendra, en accoutumant nos yeux à l’obscurité et à la lueur blafarde de la lune qui blanchit le calcaire à descendre au maximum . J’adore ce moment où, seule, j’aurais eu peur, et que je trouve magique. Une expérience nouvelle. Tout est sombre autour de nous, pas un bruit animal, pas un végétal ne bouge, pas un souffle d’air. On a l’air accrochés aux murs calcaires. Finira t’on comme les deux chauve souris ?
ça y est faut allumer la frontale ! |
Enfin je me résous à allumer la frontale, mes repères se sont un peu envolés , je rectifie la trajectoire en regardant vers le haut de la muraille, les arbres n’aident guère, l’horizon se rétrécit d’un coup, tout est noir, et finalement on entre dans le sous bois, où je retrouve le sentier et le cairn de départ sur lequel j’aboutis avec mon « flair de sanglier » ; il n’y a plus qu’à suivre le boulevard nommé sentier et vite, vite, reprendre la route car…il y a couvre feu et c’est avec 5 petites minutes d’avance seulement que nous parvenons à la maison, 55 km plus loin : l’épopée est parfois si près de chez soi!
Ainsi finit cette déplaisante et insolite2020 sur les plaisants sentiers de l'insolite.
En chiffres ? environ 5 km
Magnifiques ces deux tentacules calcaires et superbe balade entreprise par ces deux acrobates. Gazouillis pyrénéesques.
RépondreSupprimerAh oui, jolie image que ces tentacules , je suis folle de ce type de relief je crois que même à 600m je choppe l'ivresse des cimes...Je ne dessaoule pas à vrai dire...Quels gazouillis pour 2021, quelle ivresse nous attend ? Bises
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RépondreSupprimerÇa a l’air de fonctionner avec mon mot de passe. Magnifique crête ! J’adore.
RépondreSupprimerBon le commentaire a aussi bien marché que nous, plus difficile de gravir blogger que les arêtes
SupprimerÇa marche il me semble.
RépondreSupprimeroui parfait, merci
Supprimerje t'ai lue , comme d'habitude , avec un réel intérêt. Tu nous surprends toujours et j'aime ton écriture. Mais là, comme jamais il me semble, j'ai eu le vertige rien qu'en regardant les photos. C'est magnifique. En y réfléchissant, j'avais déjà éprouvé cela quand tu avais randonné avec un autre jeune plus haut dans la montagne, vers l'Andorre il me semble. Bravo Amédine. Pero apulit.
RépondreSupprimerGuy, je ne randonne qu'avec des "petits jeunes"...enfin presque mais les "trucs de fou" ils me le réservent, à moins que, parfois, ce soit moi qui lance une invitation...Bon tu as compris que c'est vraiment là mon élément et j'ai de la chance, juste à 50 km de chez moi y a ce qu'il faut. mais la montagne me manque. Bises
Supprimeren plus, les commentaires fonctionnent désormais.
RépondreSupprimeril semblerait que j'ai réparé la panne
Supprimersuperbe ! Mais pas pour moi il me semble c'est bien dommage ! bravo a tous les deux
RépondreSupprimerDétrompe toi, c'est tout à fait pour toi, tu as fait plus dur !!
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