Peut être que pour mieux visualiser cette rando modeste, il faut se replonger un instant dans cet éblouissant matin de mai 2019, juste en un clic. Il n'y a pas à dire, le printemps ça change tout.
Donc ce matin d'hiver 2021, au lendemain du sentier de Nyer, article précédent, je vais dérouiller mes jambes sur ce sentier que je cherchai tant en mai 2019. Mais cette fois, je sais ! Et ça change tout.
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Mantet et son décor |
D'abord il faut descendre : rallier le bas du village , 150 m de dénivelé à perdre, c'est le plus dur...pour la remontée. Mais là, ce sera dur à la descente : la longue ruelle est si verglacée qu'il serait suicidaire de la descendre sans crampons, pour le nombre respectable de décennies de mon corps. Donc, je cramponne! ça me rassure, un jeune homme sans crampons descend difficilement.
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Les armes du jour |
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GR 10 :ce n'est pas de la neige C'est de la glace |
Plus je descends et plus je marche sur du verre! Une traversée du Mantet, le GR10 bien glacé, je remonte, je traverse l'Alemany et je fausse compagnie à ce beau monde, je vais piquer pleine pente pour aller à la rencontre inévitable du sentier dont je n'ai pas envie d'aller chercher le départ caché sous la neige, il n'est pas balisé.
D'abord je traverse des champs de neige où la glace pure s'étale en grosses bulles bleu gris que mes crampons s'amusent à mordre, avant que je ne les enfourne dans le sac.
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Les gros yeux de la glace
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J'attaque plus de 100m de pente raide, étoilée de plaques de neige souple griffée d'empreintes. Soudain, alors que je n'en vois jamais le bout, je bute sur le sentier, rencontre inévitable. Je n'ai plus qu'à me laisser conduire au petit col, 1651 m, où le sentier fonce allègrement en forêt. mais il est temps de savourer le paysage qui va disparaître : Mantet sagement tourné vers le sud, les vallées de l'Alemany, du Ressec, des Clots, les lointains de l'altiplano, tous ces lieux où j'ai tant "erré" avec cette ivresse que la montagne sait offrir. C'est beau, tout simplement.
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Mantet |
A présent j'entre en forêt comme en une cathédrale : arbres immenses, futs rectilignes, une voûte d'aiguilles, des sous bois jonchés de débris qui sont ceux de la vie des grands arbres, et en filigrane, parfois, un coin de ciel, de montagne ou de rochers, juste en face.
En bas j'entends la rumeur sourde du Caret. Le sentier est large, confortable et glacé, je dois cramponner à nouveau. De petites empreintes sympathiques ont suivi le même chemin, ce serait une fouine. Mais d'animal, c'est tout ce que je verrai. Nulle présence, nul bruit, le vide.
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Petite patte |
Le silence est tellement dense que je pourrais le toucher et la forêt si épaisse qu'elle pourrait m'avaler.
Personne ne s'en apercevrait.
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A travers les arbres, un coin de Canigou |
J'ai perdu cette crainte des forêts, je les aime, j'ai appris cela cet été. C'est une balade sans prétention, presque en courbe de niveau, mais d'une absolue sérénité. Ce sentier que j'avais cherché, en ce joli mois de mai, ne révèle rien de différent du printemps. Hormis le tapis de glace qui couvre le sentier et le saupoudrage de neige, une forêt de conifères est un décor immuable. Soudain, après 1.6 km et 120 m de dénivelé, une ouverture de ciel bleu, de champ de neige et de soleil étincelant annonce la sortie de forêt. Une vaste prairie de neige grimpe vers le ciel, et le paysage s'ouvre devant mes yeux qui reconnaissent le sentier d'en face, en bas, le long du Caret, le Pic de l'Orri et ses 2040 m, le Planell de l'Orri, surligné de sapins, et le Canigou ! mais est ce possible que je sois déjà arrivée ? Où sont la Jassa et ses ruines?
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Le Madres au loin |
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Massif du Canigou |
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Pic de l'Orri et planell de l'Orri |
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Pic du Canigou |
Où suis-je donc ? Aucun repère; la carte y pourvoit, la rivière fait une boucle, oui je suis presque au terminus. C'est au flair, après avoir pris un en cas au soleil sur un rocher au préalable balayé par un rameau de genêt, que je retrouve le sentier. Ce paysage blanc, et vierge de traces, est muet.
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Une manière de voir |
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Et une autre |
(Et 10 jours plus tard, encore une autre, d'en face.... du Planell de l'Orry))
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Je me trouvais aux 2 sapins du 1er étage |
Je fonce en forêt, en descente et ce sont encore les vieilles coupes à la tronçonneuse qui me guident. Le bruit de la rivière enfle et gonfle, j'y suis! Ce serait un jeu d'enfant de rejoindre le sentier d'en bas, celui que je connais. Je m'aperçois avec stupéfaction que ce jour de mai j'étais à quelques mètres de ce sentier que je cherchais et d'où je proviens aujourd'hui. Je n'avais pas de carte.
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Une semaine plus tard, ce terminus vu d'en haut, du Planell de l'Orry |
Le défi serait de rejoindre mes anciennes traces. Pour ce faire, il faut traverser ce champ de neige épaisse où je m'enfonce jusqu'aux genoux, et franchir la rivière d'un bond. Un bond qui, au mieux peut me promettre un bain de pieds, au pire, un os en pièces détachées: que cachent ces boules blanches et lisses ? Je renonce, frustrée mais (très, trop) prudente. Qu'importe, c'est beau, paysage en noir et blanc, où coule un torrent frileux et non furieux. Un autre ruisseau serait à franchir, le Soula de la Serp, je sais le site accidenté mais l'autre rive est au soleil et vide de neige. Tant pis.
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Le Caret |
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Le Caret |
Je reviendrai par le même chemin, d'un bon pas cette fois. De tout petits oiseaux emplissent le silence de leurs chants printaniers et en un rien de temps je retrouve mon perchoir au delà de la forêt, dominant Mantet et son beau décor. Un petit repas, les crampons filent dans le sac mais je les rechausserai en bas, la glace m'attend.
Je regarde la route qui mène au village, celle faite en 1964, aucune n'avait pris le relais de celle engloutie dans les gorges de Nyer. Mantet, un singulier village longtemps enclavé et qui fut le dernier village de France à accueillir Dame Electricité , en 1983.
Mantet où j'arrive à 13 h 30, au terme de 8.67 km, les pieds bien cramponnés à la glace féroce de la ruelle. Mantet qui m'offre ce décor que j'aime par dessus tout, Mantet où l'on se sent si bien, comme protégé de la vie d'en bas, épargné de ses périls. Mantet où je reviens toujours...
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Vallée de l'Alemany |
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Une partie de mon trajet |
En chiffres:Distance: 8.7 km
Toujours aussi intrépide, soit prudente MERCI pour cette balade. B B
RépondreSupprimerMerci BB en plus tu connais les lieux, ça t'a rappelé ta jeunesse, bien qu'elle perdure, cette jeunesse. Bises
SupprimerDans la vallée du Caret, il y a un hameau abandonné, à toi de le découvrir! et des coins à morilles ;;;
RépondreSupprimerPlus facile pour le hameau que pour les morilles, je n'ai jamais eu l'occasion d'en voir nulle part hormis à l'étal du marché. Par contre pour le hameau, je l'ai visité, je pense, et d'en haut part le sentier que je voulais faire demain mais où je n'irai pas pour cause de météo, Pic de l'Orri. Il y a aussi cette jasse del Mitg avec ses belles ruines de cortals. Cette vallée m'avait séduite en mai , lumineuse et emplie des vestiges de la vie d'antan
SupprimerC'est magique en toutes saisons !
RépondreSupprimerJe trouve, oui. Dommage que je n'ai pu faire la boucle...
Supprimerun plaisir de te "suivre". Merci pour tes aventures, tes photos et tes écrits. Poutous
RépondreSupprimerMerci, Guy, et il y en aura d'autres...Bises
SupprimerMantet toujours aussi beau et Amédine toujours risque tout.
RépondreSupprimerJe ressens ta frustration, traverser le ruisseau ou pas. Alors je te donne un tuyau de vieux briscard de la randonnée...Toujours avoir dans sa besace 2 sacs poubelle de 50L à enfiler par dessus les chaussures pour traverser dans l'eau les pieds au sec ( et au cas ou, un peu de rechange...) pour être honnête, je précise que nous l'avons pratiqué en toute saison, mais jamais en hiver.
Une dernière précision, du Pic de l'Orry il y a une vague trace qui descend vers le point coté 1690 m et la Serra de Pocarobe pour faire une belle boucle.
Ben voilà....J'ai cru que tu allais me proposer le saut à la perche....Ok que oui que j'aurai 2 sacs, ça prend pas de place, j'aurais juste du décramponner. A le faire je suis cap' de traverser à pied....mouillé. Oh je retournerai à tout ça en mai si je suis encore en vie. Alors quand tu liras ces lignes, tu verras que la vague trace est devenue une belle avenue . Amitiés
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