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A sec, style voie romaine |
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Etang des Dougnes Reflets d'un pic sans nom que j'ai déjà gravi |
Le Carlit dévoile sa massive silhouette sombre, peu engageante.
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Il est imposant malgré tout |
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Canigó |
Un vent frais se lève et le coupe vent rhabille le tee shirt. J'ai pris le chemin à l'envers, cette fois, montant par Vivès, Dougnes, et Trebens, choisis en général à la descente. Francis, un ami pêcheur me l'a suggéré, je trouve plus joli l'autre trajet. La distance et le dénivelé sont identiques, la répartition du dénivelé ? Je ne saurais dire...Mais j'ai vu la lumière réchauffer les pentes, avec ces couleurs propres aux ciels couverts, les derniers rhododendrons oser encore fleurir à 2300 m, et enfin, les deux sentiers se rejoignant, c'est ici que commence le sérieux de l'ascension.
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Je n'imaginais pas en trouver en fleurs encore |
Le Carlit a une très longue approche de près de 6 km, sur laquelle on ne gagne que 360 m de dénivelé. Le déficit en eau est criant au niveau des ruisseaux, la terre très sèche, l'automne aride. La neige serait attendue la semaine prochaine, c'est élémentaire, pour la saison, à cette altitude.
Le sentier qui monte à présent me fait toujours un peu peur, pourtant ce n'est pas la partie la plus raide du trajet, mais la roche me motive bien plus. Le fort vent de face freine la marche. Il n'est pas le seul à m'inquiéter, ce bout de sentier. La pandémie a fait son oeuvre, me tenant éloignée de la montagne, deux covids intenses et destructeurs, une déprime liée à ma mère grabataire, ma vie n'est plus "celle d'avant " même si j'essaie de recoller les morceaux. Ma tête s'interdit tant de choses que mon corps ne sait plus ce dont il est capable. Ce Carlit en fait partie ! En même temps il sera un test. De loin le plus important...
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Le sentier bien plus escarpé en vrai |
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Le paysage lacustre tandis que grimpe le sentier |
Je vais me traîner, jusqu'au dernier lac, sans nom, petit lac glaciaire au fond de sa cuvette. Mais je n'abandonnerai pas !
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Le dernier lac glaciaire, 2600 m |
Une arête le surplombe, je la regarde depuis un moment, attrayante et accidentée. Mais je doute trop de moi pour l'oser.
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Finalement elle ne doit pas être très difficile Surtout vue depuis le lac |
J'ai en projet l' arête est du Carlit, au dessus des marcheurs malhabiles dans le long passage en roches. Pourtant je les suis. Je me lasse vite du groupe obsédé par le balisage et je file tout droit vers l'arête, je retrouve mon aisance, mon bonheur simple de tâter des prises et me hisser, je ne suis pas sur fil de l'arête mais je passe de barre rocheuse en barre rocheuse, me jouant du vide, contemplant le monde de plus haut et j'atteins le sommet, en voie directe.
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La dorsale du Tossal Colomer, 2673 m |
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La vallée de la coma dels Forats |
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La voie classique à présent balisée en jaune |
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Chapelet humain dans la voie classique qui peut devenir vrai embouteillage |
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A l'écart |
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A l'abri |
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Presque arrivée |
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Dans mon dos |
Le sommet : par ce chemin on y parvient juste en plein; la foule va en prendre possession au fil du jour, il est tôt encore, heureusement.
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Le ridicule ne tue pas ! Par contre un pas en arrière et je suis morte! |
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Le sommet : 2921 m Le point le plus haut du 66 |
Parlons en du vide ! Près de 500 m en contrebas, "Versant Lanoux", soit ouest, c'est aussi un cirque glaciaire avec sa panoplie de lacs et moraines d'où émerge la surprenante molaire de Castell Isard, comme une verrue (fort agréable à grimper, par ailleurs ).
Et bien voilà ! 7 ans après, mon temps de marche est le même et mon souffle pas plus ébréché. J'ai refoulé en bas pandémie, mère et covid's, j'étale ma joie silencieuse aux quatre points cardinaux, je ne retrouverai pas le petit tertre à Camille (récit en fin d'article) mais je tombe sur un paquet de cendres, celles d'un humain parisien. C'est une sensation bizarre, ce premier contact avec des cendres humaines !
Le Carlit fait le plein de vivants et de chiens ! Je pense à ma venue avec Lison, elle n'eut pas aimé cette mutation et cette promiscuité ! C'est un souvenir merveilleux, cette Lison montée au Carlit à pattes...
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12 septembre 2010 . N'est ce pas Barthélémy ? |
Vite un petit en cas et je vais faire le tour d'horizon: bien que je le connaisse par coeur, je ne m'en lasse jamais. La vue porte jusque vers la Maladeta, Pique d'Estas, Montcalm et autres prestigieux sommets, mais l'absence de neiges dites éternelles est criante. expression en voie d'extinction, comme les derniers glaciers des Pyrénées.
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Coma dels Forats 2467 m, versant ouest |
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Castell Isard, 2633 m, en fond le Lanoux (étang de barrage, 2200 m) |
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Sud : le col des Andorrans 2749 m donnant accès à l'arête |
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L'arête des Xemeneies si agréable et sportive. 2755 m |
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Jardin d'altitude |
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En fond Soularac ariégeois, et Pic de la Grave, 2671 m (entre autres) |
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Les Lacs, cirque est, d'où je viens et l'arête de Sobirans, qui peut constituer un sentier de descente. Le sentier existe et conduit à la Stèle d'Olivier Fornès disparu en 1983 |
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Cirque glaciaire Nord Est |
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Dent d' Orlu au centre 2222 m |
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Roc Blanc ? |
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Le dernier névé du secteur |
Je vais répandre ma joie sur le sommet en dessous, comme un tas de cendres aussi, autre belvédère à mon avis plus riche en paysage.
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Le sommet 2910 m , Carlit de Baix, et le Carlit 2921 m |
Il est inimaginable de monter sur un haut sommet sans avoir choisi par où descendre ! C'est pourtant le cas; le Pic de Sobirans et la stèle furent ma première idée, j'écarte. L'arête sud, que je connais ? J'écarte aussi. La voie normale ? Exclue, c'est un boulevard de contorsionnistes. Alors ce sera droit dans la pente vers la Coma dels Forats. Un couloir y est attrayant et je file, disparaissant à la foule. Mais finalement...et cette arête est ? et bien je vais m'offrir ce cadeau en descente. Une arête est toujours plus facile en montée, mais je passe outre devant la beauté ciselée de celle ci, très brève, 300 m à peine et 135 m de D-, jusqu'à la civilisation, des vues superbes, la foule quelques étages au dessous que j'oublie hormis ses cris, faudrait vraiment une surdité avérée pour cela, un chien qui, lancinant, renvoie leur écho . Je maintiens le fil autant que possible, malgré ces dentelles de roche et lorsque j'atterris dans un groupe de jeunes, je leur donne envie de monter par ce chemin, eux aussi pour éviter la foule. Ce qu'ils feront avec aisance ils ont au moins 40 ans de moins que moi !
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Ce couloir devait être mon chemin |
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J'ai choisi le chemin aérien |
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De fil en aiguilles : l'arête |
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En sens inverse, vers le haut, c'est massif |
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Echancrure sur les lacs |
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Fleurs de roches |
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Blanc, la montée Rouge la descente |
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L'espace est exigu |
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Le final se précise |
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Dégradés de roches, des tableaux ! |
Je continue ce qui reste d'arête, une quarantaine de mètres descendante, et enfin je trouve le monde coloré, hétéroclite, peinant pour certains, et une toute petite fille de 5 ans et demi encouragée par ses parents qui attaque la roche !
Du monde, quand on va au Carlit, on sait qu'il y en aura, surtout si le temps est clément. Si on veut l'éviter ce monde, en descente, il faut alors aller chercher un chemin aride, hors sentier, hors lacs, la solitude minérale jalonnée de quelques points d'eau, il faut basculer dans la Coma dels Forats, à droite de la dorsale du Tossal Colomer.
Ce que je fais sans hésitation.
Alors apparaît dans tout son austère ensemble le cirque : au fond reposent les débris d'un hélicoptère italien, ce fut sinistre de les voir, le jour où je montai au col par le sinistre couloir !(récit en fin d'article)
La dorsale du Tossal Colomer sépare les deux petits cirques glaciaires; c'est une belle et haute moraine granitique couverte de pelouse : géologiquement et géographiquement c'est une vraie leçon d'observation que je vais dérouler sur 4 km de longueur et 543 m de dénivellation. Avec des éboulis énormes dévastés par les gels, des petits lacs glaciaires, des moraines frontales successives, un paysage pâle de blanc granit. Sauvage, superbe, austère, face à la ligne bleue des montagnes frontière et, en se rapprochant, par les gouttes bleues des lacs su Désert du Carlit. Une petite halte baignade dans le tout petit lac du haut, une goutte parfaite, si glacée que je ne tremperai que la moitié de mon corps, à 2510 m d'altitude. Suivie d'une collation. Plus tard je vais trouver un sentier que j'avais emprunté en montant faire l'arête sud; légèrement cairné, relativement tracé, il va bifurquer en trois branches, je choisis celle du milieu qui reste dans l'axe de l'Etang Llat et évidemment je le perds dans un embouteillage monstre d'éboulis. Peu m'importe, je trace mon chemin!
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Reflets du Carlit |
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Et c'est parti pour la descente ...déserte !! et silencieuse... |
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Flanc sud du Tossal en désagrégation |
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Eboulis morainiques du Tossal |
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Se frayer un chemin ? Il est encore cairné |
Arrivée à la forêt c'est une autre chanson et pas celle du vent ! Me voilà dans un sol rocheux, encombré de gros rocs entre lesquels des massifs de rhododendrons font un joli tapis intraversable. Des sapins en désordre et le tableau est dressé : où passer ? Je louvoie entre les obstacles lorsque la solution est évidente ; les sentes animales de tous ceux qui vont boire au lac et ce sera le sentier des crottes bien plus facile que celui des rochers blancs jetés par le Grand Poucet. Ah ce sera sportif, c'est sûr ! J'ai 12 km dans les pattes et pas tous faciles, mais j'ai mes souvenirs, ceux d'un matin de brume où en sens inverse je perdis mon chemin et m'épuisai dans ce même relief avant que de retrouver le sentier et monter vers la Coma dels Forats. Sensiblement au même endroit. J'ai le souvenir de la descente du Tossal Colomer avec Ludo et Quentin dans ce que je nommai "le mur"! Les souvenirs ça aide, ça distrait. Je suis étonnée de l'aisance avec laquelle j'évolue dans ce décor, mais les broussailles finalement cela devient mon univers. Seule leur morphologie change.
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Peu carrossable |
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Je vais tout en bas |
J'aperçois le lac, j'aperçois la prairie marécage où un glissement de terrain a balancé et déchiqueté des arbres vénérables. Je traverse ce plat pays, vraie tourbière, en posant mes pieds au sec selon la couleur de l'herbe. Encore une forêt ? Et miracle, je tombe juste sur le cairn du sentier qui me conduit au plus près de l'étang Llat.
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Le choc des Titans |
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Le grand marécage : en avant toute ! 2222 m Altitude de la pointue Dent d' Orlu |
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Et la délivrance Etang Llat |
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Les cartes sont abattues |
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L'historique cabane des frères Aymar : 1833 Servait de point de départ aux excursionnistes allant au Carlit sous la conduite des frères Aymar |
A présent, après une petite traversée au jugé d'un plateau désert, je rejoins le train, le convoi, le défilé bilingue ou trilingue qui va m'amener, au gré des étangs et des conversations saisies au vol, au terminus où une Nina sereine m'attend. Le parking se vide, on m'a dit que ce matin il était difficile de trouver où se garer...les Bouillouses c'est cela...Le Carlit attire, mais plus encore le chapelet de lacs, 12 en comptant les Bouillouses. Un des plus sites les plus prisés du département.
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Barrage des Bouillouses |
En chiffres
Dénivelé positif cumulé : plus de 900 m
Distance totale : 16.58 km
Temps de montée : 3 h 59 dont 2 h 57 de temps de marche
En te lisant, on en apprend toujours ; je ne connaissais pas l'histoire des frères Aymar.
RépondreSupprimerLa voici telle que je l'ai publiée dans un autre article : en 1883 les frères Aymar, cerdans, bâtirent une cabane composée de 2 pièces de 3 m x 4 m, un vrai luxe. Faut dire qu'ils avaient un droit de pêche à la truite sur tous les étangs et que cette pêche se pratiquait au filet et en barque (un radeau). Ensuite ils amenaient leur pêche dans les villages, à travers la montagne, dans des corbeilles en osier, à pied, il n'y avait pas de route. Ils avaient loué leur concession aux Coll, c'est pourquoi figure sur la cabane "Frères Aymar- Coll". Le tourisme commençant à se développer ils s'instaurèrent guides et hébergèrent des randonneurs dans leur cabane. Tout n'était pas rose cependant : une sombre histoire de meurtre entacha leur famille et conduisit leur père au bagne de Cayenne pendant 30 ans.
SupprimerLa cabane sert de refuge aux randonneurs à moins qu'elle ne soit redevenue ruine. Il paraît que son toit est renforcé avec des rails du petit train jaune ! A moins que ces rails aient eu un autre usage, peut être faire glisser le radeau ! Ce serait plus vraisemblable....
je suis allé jusqu'au dernier lac, un peu plus haut même là où rochers commencent à rimer avec vertige. J'ai envoyé mon fils en éclaireur. J'ai vu que l'on t'avais comparée à Frison-Roche. il y a longtemps que j'ai fait le rapprochement tant pour les exploits que pour le texte. Bravo Amedine.
RépondreSupprimerje me souviens que tu m'avais comparée à Frison Roche; c'est très flatteur, j'admire cet auteur pour son écriture ,je viens de relire un livre sur le Sahara du temps pratiquement de son exploration militaire et scientifique, on le suis pas à pas, c'est somptueux. mais je suis loin d'avoir sa belle écriture et son expression. Vous me flattez. Bises GV
Supprimerguy V.
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