Dans la vallée de Lavail, il y a quelques sentiers balisés qui mènent à des lieux connus ou font la jonction avec d'autres, venus d'ailleurs : Las Mèdes, La Pave et Ultrera, La tour de la Massane et les cimes et même un, plus sauvage mais bien "rose" sur certaines cartes, menant le randonneur plus aventureux vers les crêtes de 4 Termes. Ce sont des sentiers albériens plutôt escarpés.
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Et puis il y a les autres qui attisent ma curiosité, petits traits noirs discrets, passant presque inaperçus et peu intéressants puisqu'ils ne mènent nulle part. Ils ne sont pas très longs et stoppent sans apparente raison, dans les pentes. J'en ai choisi un car il a attiré mon attention sur site et mon imagination vagabonde m'a invitée à aller voir si par hasard il ne mènerait pas jusqu'aux crêtes. Je l'attends avec impatience depuis 14 jours. C'est proche mais il faut avoir le temps !
Ce 19 mars, me voici au bout de la piste devant l'enclos à bétail que je longe sous le regard curieux de tout petits veaux. Dans un parfum gras et lourd de bétail.
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Après la pluie |
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Vers l'élevage |
Au lieu de traverser la rivière pour prendre l'ancienne piste, je reste sur le sentier en rive droite (orographique), petite erreur car il faut marcher sur de la roche mouillée par l'abondante pluie de la nuit et ça glisse. Tant bien que mal j'avance en louvoyant et s'il y eut jadis un chemin bien construit et carrossable, il n'en reste que des bribes rescapées des crues. Me voici au niveau de la piste, j'ai "économisé" deux passages à gué mais la rivière n'a pas grossi malgré la pluie.
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Ancien chemin |
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Lit de la Massane |
La nature embaume : végétaux lavés par la pluie après des mois de poussière, fleurs nouvelles nées, c'est majestueux. Je longe la rivière bondissant de vasques en cascades, matin paradisiaque, malgré le ciel tourmenté. Je croise un promeneur. Sur l'autre rive se dessinent des reliques de chemin muletier...à suivre un jour...
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Printemps sur piste |
Me voici arrivée avec impatience au départ du chemin, au lieu de piquer dans la rivière pour un 3 eme gué, je prends une sorte de plan incliné rectiligne en pente drue, et encombré de rocs (320m, 1.89 km)
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Le chemin du jour |
Je suis partie pour plus de deux km aventureux.
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La flèche indique le sens de ma marche |
C'est un chemin (et non un sentier) qui monte fermement au départ puis s'assagit et sur 1 km me conduira à 370 m d'altitude, relativement rectiligne et peu tourmenté. Plus tard, je saurai son utilité: le transport du bois. Mais j'imagine d'abord un chemin de transhumance. J'avance dans des sous bois épais de chênes verts où se lisent des traces de grands incendies et d'anciens troncs énormes.
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Toujours le chemin |
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Le couvert végétal |
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Sous la couverture végétale |
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Son utilité ? Pas évidente |
Il va me mener à une sorte de terminus, dans une forêt de chênes très escarpée, avant que de plonger vers la rivière, et une série de cairns ne permet pas l'erreur. Je suis déçue, aucun sentier vers les cimes .
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Dans le lit de la rivière |
Un muret adossé à un rocher, une clairière en bord de Massane et un paysage fascinant de rochers immenses, empilés, comme lancés du ciel, sous lesquels des sortes de fausses grottes, antres noirs et glacés sont inquiétants : "surtout que personne ne bouge !" tandis que je m'y glisse. Ils encombrent jusqu'au lit de la rivière qui saute de cascades en vasques, de tobogans en ruisseaux, lieu paradisiaque malgré tout.
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De vasques en cascades |
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Sous les énormes rochers empilés |
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Dans le lit de la rivière |
Une étrange cabane, adossée à un immense rocher m'invite: sa porte ornée d'une clé de sol ouvre sur un couloir tordu comme un ver de terre, qui mène à une pièce de séjour angoissante malgré la jolie cheminée. Les murs comme l'âtre sont bâtis à la perfection. Quelques ustensiles de cuisine et ensuite le reste de la cabane est aventureux, cela se glisse sous les rochers en ramifications, brrr. Sur la façade un gros chêne est coincé dans une fissure mais ses racines sont sans doute bien étalées dans l'antre de la cabane.
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Une cabane |
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J'ai trouvé la clef |
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Intérieur en profondeur sous les amas de blocs immenses |
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Le manteau de la cheminée |
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Par la porte ouverte Voir l'arbre inclus dans le rocher |
Un peu en amont, la rivière se glisse sous les cavernes sombres et glacées que lui laissent les empilements de rochers.
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Dans le lit de la rivière l'eau court sous les rochers immenses |
A présent je vais remonter le cours de la rivière, un sentier est tracé il louvoie entre les énormes rocs, grimpe et descend de troncs en pierriers, de bord d'eau à forêt, c'est surprenant, envoûtant, angoissant jusqu'au moment où le paysage redevient ouvert et familier, bien sûr, j'ai retrouvé le sentier de "randonnée".
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Je continue le chemin en bord d'eau |
Et j'atteins ainsi le gué N°5, alt 400. Le site des murettes est juste en face. J'ai parcouru 3.33 km toujours en rive droite de la rivière que je n'ai pas encore traversée et, arrivée là, me vient une improvisation :
et si je tentais de remonter le cours d'eau ?
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En rouge la balade dans le lit de la rivière |
Je m'engage donc dans le lit du torrent qui commence par un peu de sport pour franchir la déclivité et c'est parti pour un voyage aquatique, toujours sur la rive droite.
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Je quitte le tronçon de sentier, à présent ce sera au "lit" |
Je me trouve à l'entrée de ce que j'ai nommé la dernière fois le site le plus beau du voyage :
C'est au pied de ces rocs, que contourne la rivière que je vais m'aventurer
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Le site vu d'en haut (rando du 5 mars) |
Vu d'en bas, le paysage est moins grandiose : une muraille rocheuse me surplombe, habillée de chevelures de chênes. Hormis l'eau qui bondit, nul bruit animal, nulle présence.
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Même site vu depuis la rivière |
Ce n'est pas l' Amazone, mais c'est captivant, un peu stressant, je l'avoue et je progresse lentement, surtout pour ne pas tomber. Qui irait me chercher ici ? Certes mon téléphone est sur géoloc mais....il me permet par contre de suivre mon avancée, de me situer par rapport aux affluents.
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Tapis de sol |
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Les sofas de la rivière |
Ce ne sera pas une très longue balade, juste 330 m mais une première approche, car je reviendrai la poursuivre dans de meilleures conditions, en arrivant par le sentier pour économiser les forces physiques que j'ai usées; la fatigue physique est l'ennemie de ce type de circuit.
[Je suis revenue trois jours après, j'ai remonté la rivière sur plus de 2 km, balade enchanteresse que je conterai].
330 m enchanteurs ; le paysage au dessus de moi est grandiose, la nature sauvage à souhait, impression angoissante d'être seule eu monde et loin de tout, rocs impressionnants, vestiges de crues effrayantes, et puis louvoyer d'une rive à l'autre, ne pas glisser (j'ai de vieilles jambes !), roches lissées par l'eau donc moins accrochantes. Mais aussi les débris enchevêtrés de crues mémorables qui donnent le frisson en montrant la violence du torrent.
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Témoins de crues |
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Même chose |
J'arrive à un terminus, je ne passe pas : goulet étroit, parois rocheuses, mur de rocs, avec un bain de pieds je pourrai peut être...je me résous au demi tour quand je découvre un sentier de pêcheurs, en dévers et en corniche, étroit, dangereux, certes, mais enfin, un sentier !
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mais ça passe au dessus |
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ça ne passe plus |
Qui me permet de continuer, en hauteur et ainsi, après la confluence du Rodet, j'arrive à la confluence du Saücar, celui qui était, là haut, longé par une belle chevelure de hêtres. Alors que le toponyme "Saücar" signifie sureau noir (Sambucus ). Je les visualise, à présent ces ruisseaux, que j'ai suivis au long cours depuis les crêtes.
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Confluence du Rodet |
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Confluence du Saücar |
Je vais encore continuer un peu puis, lorsque la rivière amorce une courbe préfigurant la gorge que j'imagine, je laisse à un jour prochain la suite et reviens sur mes pas. (424 m, 3.60 km)
Car un autre projet s'est dessiné...
Dans le lit de la rivière, semi abritée du vent aigre, je romps enfin le jeune, il serait temps, toute à la joie de la découverte j'ai oublié de manger.
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Aire de pique nique Pour le bain....grrrr |
Je redescends prestement au gué N°5 (400m) par le sentier, je traverse la rivière et en route pour un sentier en pointillés qui ne va nulle part. Mais alors pourquoi ?
Le sentier du Correc del Tronc
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En rouge le chemin En rose, le sentier normal de rando |
Au GPS, je prends un raccourci à travers les murettes qui m'intriguèrent l'autre jour, je suis la trace d'un sentier disparu, je retrouve sans peine son assiette même si les bruyères me fustigent quelque peu et j'arrive enfin, après avoir contourné une petite colline au chemin du Correc del Tronc.
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Murettes d'anciennes cultures, côte 400 |
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Ancien chemin trouvé au GPS |
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Mur de départ d'un ancien chemin (pris au GPS) |
C'est un chemin assez large, véritable plan incliné plutôt rectiligne, régulier, qui suit le ruisseau peu fourni en eau. J'imagine au terminus des cultures, un petit mas, une cabane, il servait bien à quelque chose ce chemin ! Soudain il grimpe allègrement, plus sauvage que tout, un peu abandonné (les chasseurs ont bifurqué) et je me retrouve face à une paire de cornes pâles émergeant des ronces, suivies de deux yeux malicieux: une chèvre. Puis des chèvres ! Toutes s'enfuient sur les berges de la rivière et je poursuis mon chemin, sécateurs en main à présent.
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En plan incliné |
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Correc del Tronc |
J'arrive au terminus, il n'y a rien qu'un ruisseau à sec, des pentes raides, des rochers qui couronnent l'ensemble et une vaste plate forme à laquelle j'accède au sécateur: point de murets, point de cabane, j'ai compris, ces chemins qui ne mènent nulle part servaient à l'exploitation du bois, au débardage, c'était des chemins bûcherons.
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Le chemin de débardage |
Une forêt assez clairsemée domine le site , témoignant d'une exploitation pas très ancienne. Ce que me confirmera Olivier qui y a travaillé avec son oncle. Les troncs descendaient à l'attelage cheval et mule.
Il y a quelques dizaines d'années, encore l'ONF donnait des coupes de bois.
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Anciennes coupes |
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Face à face : tour de pierre |
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et tour à signaux |
Je reprends donc le chemin à l'envers et ce parcours de débardage , 162 m de dénivelé pour 1 km (16% de pente moyenne) me conduit sans surprise animale ou humaine au bord de la Massane que je n'ai plus qu'à longer par les anciennes pistes; a présent je lis à livre ouvert ces pistes et chemins qui "ne vont nulle part" mais assurément allaient chercher le bois au coeur des forêts, vallées et pentes escarpées : magnifique travail que veut bien à présent me conter la montagne .
Oh il, a fallu lui tirer les vers du nez ! La preuve en est !
En chiffres
Distance : 9.4 km
Dénivelé positif cumulé : 430 m
Temps de marche : 3 h 33
La route : 45 km AR
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