Ce dimanche d'après attentats, je n'ai vraiment pas le moral. Comme nombre de mes concitoyens.
Alors d'un seul coup je me décide : j'ai envie de respirer la paix.
Paix intérieure car dans ma contrée d'extrême sud, la paix extérieure, l'on peut encore y croire.
En cinq minutes je suis prête et je file. Où ? Vers la montagne bien sûr.
Là où en plus je suis sûre de ne rencontrer la moindre âme qui vive...
Ce fut le cas.
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Lundi matin, il fait nuit encore lorsque je quitte Formiguères endormie pour la route de la station de ski et enfin les pistes que pas même un chevreuil ne fréquente.A la lueur des phares je traverse la forêt endormie et j'arrive au terminus , là haut à 2000m. L'aurore colore l'est , il ne fait pas froid malgré un peu de gelée blanche et je reprends le même trajet que quelques jours auparavant.
J'ai un but imprécis : la destination.
J'ai un but précis : respirer la paix.
Le second est assuré; quant au premier il se dessinera à l'envi.
Les Péric au premier rayon de soleil |
Le Canigou |
Les Péric et un des étangs |
La balade est facile et la route longue vers le Pic de Mortiers que j'ai fini par élire. 2605 m, tout en rondeurs et mollesse, tout de jaune vêtu. Dans un silence sans égal, une météo heureuse, une douceur hors saison. Un vol lourd de 5 perdrix des neiges troue le silence intégral.
Paysage roussi et bruyères brûlées de gel |
Le paysage est désert, dénudé, roussi, étoilé de rares plaques de neige , coiffé de ciel azur, muet de vent, oiseaux et humains. la Paix dans son immensité.
Les grands yeux du gel |
Le Pic de Mortiers 2605 m, tout en rondeurs |
Après 2 h 1/2 de marche effective et plus de 7 km, j'arrive au sommet.
Les Camporeils |
Etang du Diable |
En vert, le Diable |
Depuis le sommet, vers l'est |
Vers le sud |
Et aussi...Mais bien sûr ! Le voilà ! Tout proche , presque homonyme et si différent, ce Morters ou Homme Mort qui me tentait tant !
"Pas très facile" m'avait dit Ludo...Alors j'avais renoncé après l'avoir "épluché " sur les vues aériennes. Je le reconnais donc sans peine. Avec sa face de larges dalles schisteuses et lisses.
Une dent crochue sur un abîme de 700m de haut côté Ariège et juste 60 m côté Pyrénées Orientales mais directement dans un joli étang. A tout prendre mieux vaut le "plouf !"
Alors c'est décidé, je vais le voir, cet étonnant voisin et puis ...qui sait ? Si je le sens....pourquoi pas ,...? Qui ne tente rien n'a rien.
Vu d'en bas, le pIc de Morters ou Homme Mort : 2668 m |
Me voici en ligne de crête douce et molletonnée, je m'approche de l' Homme Mort, la roche est déjà sous mes pieds et je monte, en crête de schistes, dalles compressées, escaliers inégaux; cela me paraît plus évident. Une montée aisée, sans vertige et avec fascination car c'est grandiose. Quelques pas plus aléatoires parce que je n'ai pas les jambes longues et me voilà au sommet où je laisse éclater ma joie.
C'est un univers très minéral, au sommet, aux alentours, minéral, déchiqueté, sombre et captivant. Pourvu qu'il y ait de la roche...Le Pic des Camporeils semble une boite de sucre noir renversée, les Péric dressent leur cou pour superviser et côté Ariège, ils sont en tir groupé anonyme .Tout au fond la longue vallée d' En Beys que je ne reconnais pas mais qui me parlera plus tard puisque je l'ai parcourue, avec Lison puis sans elle,
Au sommet, je me repais de ce panorama et de ma joie d'avoir atteint cet Homme fut il Mort .
Côté Ariège un profond abîme noyé d'ombre, 700m de vide |
Où luit une tache de soleil |
L'escalade du Pic de l' Homme Mort |
De grandes enjambées pour ce mur |
Ma joie au sommet |
Côté Pyrénées Orientales, 60 m plus bas, un petit lac |
Le tout est d'en redescendre, en Femme Vivante autant que possible.
Alors je regarde d'en haut le meilleur chemin et c'est parti pour une sorte de "mixte": les pieds, puis les fesses (c'est pratique sur les dalles) mais je remets les pieds sur terre sans piquer pour autant une tête dans le lac dont la surface est une croûte de glace qui dessine sur les cailloux de drôles d'arêtes de poisson.
Le charme de la montagne c'est aussi l'imaginaire.
Les cailloux du lac sous la glace |
Drôles d'arêtes |
Le Pic de Camporeils et ses éboulis en forme de morceaux de sucre noir |
Allez j'ai bien mérité mon restau face aux Camporeils .
Au restaurant |
C'est l'heure de la minute de silence : je ne fais que ça depuis mon réveil à 4 h1/2 du mat. Et c'est reparti pour 2 heures de descente silencieuse.
Ceux qui me savent bavarde seraient bien surpris de ma capacité au silence ! J'en profite pour aligner des mots sur les pages imaginaires de mon cahier de montagne, celui qui n'existe qu'en ma tête et sur lequel j'écris au long du chemin. Mots à l'encre sympathique dont il ne reste que quelques traces au retour. Coiffés par l'ineffable plaisir que procurent l'effort, la marche, les couleurs, les paysages et même les derniers parfums de la forêt surchauffée. Un éphémère sursis que je respire à pleins poumons.
Les Péric et leurs miroirs ont changé d'aspect depuis ce matin; ils ont revêtu une autre tenue pour filer vers la nuit.
La Serra de Mauri, dernière ligne droite avant la forêt se peuple des premiers humains de la journée : ils montent ou descendent. Il est encore très tôt, il est vrai.
Là haut cela file bon train sur les routes du ciel...Comme moi un peu plus tard sur la route déserte .
En chiffres :
Dénivelé : un peu plus de 900 m
Distance : environ 16 km
Post Scriptum : Si vous avez envie après cela d'aller faire un petit tour en bord de mer, tout en bas là bas, dans mon département à Collioure, allez donc sur ce blog ami de Erato: en un clic
Vous ferez un beau voyage qui vous changera de mes sempiternelles montagnes !
tous ces paysages sont extraordinaires
RépondreSupprimerbisous
Oui, chère Laurence, j'en profite encore avant l'hiver, ce sera trop loin pour y aller. Bisous
SupprimerChère Lison, tu as raison d’avoir effectué ta « minute de silence » dans ce monde du silence ; le poète a dit « Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse » (Alfred de Vigny). Restent ces images superbes, j’ai encore fait un voyage dans la galaxie…
RépondreSupprimerJ'ai autant plaisir à lire tes commentaires qu'à écrire mes textes. Merci de tout coeur Pierre.
SupprimerSuper balade encore. Mais le chemin pour accéder au pic de l'homme mort ne semble vraiment pas évident. Moi je crois que j'aurais tout fait sur les fesses. :)
RépondreSupprimerNon déjà tu serais montée avec les pieds et les mains; ensuite après le passage en fesses, il y a une pente d'éboulis à ne faire sur les fesses que si on se casse la figure ! Cela se descend très bien c'est le plus facile, les cailloux servent de frein moteur; c'est très rigolo...quand on aime... Bisous
SupprimerDes photos extraordinaires , un enthousiasme que tu transmets , une sérénité que l'on a quand on a fini de lire ton billet , c'est merveilleux !
RépondreSupprimerJe pense qu'à la descente tu devais être " toute neuve " et débarrassée des impuretés du monde d'aujourd'hui.
Merci pour le lien.
Doux dimanche , bises Lison
Toujours un beau voyage avec toi j'ai eu aussi cette impression de paix et de silence ...une grande sérénité. ..des photos splendides qui font rêver. ..quel plaisir...merci beaucoup ..bises .
RépondreSupprimerIl n'y a que la beauté de la nature pour faire oublier la laideur des hommes, parfois, et je comprends que cette randonnée t'ait fait du bien, Amédine. Merci pour ce joli récit et ces belles photos d'un paysage magnifique. Je t'embrasse. Bonne soirée à toi.
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