vendredi 18 novembre 2016

Le nez au mur

C'est juste parti d'une boutade, une sorte de pied de nez. Comme la vie sait en faire.
Nicolas, de 31 ans mon cadet, sur sa page Facebook cherche un partenaire pour aller grimper.
En guise de boutade je réponds, moqueuse : "Môa".
Et voilà qu'il me prend au mot et me dit "Je passe te chercher demain...etc..."
J'aurais pu aussi imaginer qu'il se moquait de moi mais pas du tout, il savait que l'escalade faisait partie de mes rêves. Ou de mes regrets. Selon comment on regarde la question.
Aussitôt dit, aussitôt fait et c'est sans la moindre appréhension que j'embarque à bord de sa voiture le lendemain matin.
Direction un point précis des Albères, cette chaîne terminale des Pyrénées Orientales, juste avant ses longues épousailles avec la Mediterranée.

Les albères vues du Pla del Rey, Tresserre, mon village en Pays Catalan Français

Tout juste à quelques kilomètres de chez moi.
Je connaissais vaguement le secteur qui dévoile un point de vue magnifique sur la plaine et la mer comme seules les Albères savent l'offrir, avec ce Canigou qui se penche pour mieux nous sourire et qui écarte un peu ses doigts pour qu'on devine, à 82 km de là, les Pérics et la Portella Gran, lieux de mes délices recouverts d'une couche de meringue glacée. Cela met en appétit.

Le Canigou et à sa droite, les sommets du Capcir (photo ci dessous)



Pérics et Portella gran à 82 km de là


Paysage d' Albères

Je découvre surtout ces falaises d'escalade que je ne soupçonnais pas, coiffées des ruines du château d'Ultréra à la surprenante histoire : il serait primitivement d'époque Romaine mais sa construction date surtout des 6 eme et 7 eme Siècles. Un rôle défensif lui était dévolu pour surveiller la vallée et la montagne lors des conflits entre France et Espagne. Je ne raconterai pas l'histoire mais sa chute est peu ordinaire: il fut victime d'une femme! La "Seigneuresse" du village de Sorède le fit détruire en 1675 ainsi que la chapelle . Quel funeste Destin! Né de la main d'une femme.


Le mur sud (petit mur sud) et les ruines d' Ultrera


Mur en "opus spicatum"









Les falaises sur lesquelles fut édifiée la forteresse servent à présent de voies d'escalade: c'est là que je me trouve au pied du mur, sur lequel je vais bientôt aller frotter mes baskets.

Tout est nouveau pour moi, pas le harnachement puisque avec mon guide de montagne, Guillaume, je m'étais frottées aux parois, cordes, casque, baudrier et autres mousquetons.
La seule chose qui va manquer à mon harnachement sera ce dont je souffrirai le plus : l'absence de chaussons d'escalade, chaussures adéquates qui évitent que la roche devienne aussi glissante que du verre et qui permettent de se poser sur la moindre prise. Ce sera un sérieux handicap mais je n'ai pas le choix.
Les chaussons

Les murs d'escalade
petit mur sud






















Nico donne le top départ et va équiper une première voie. Après m'avoir aidée à m'équiper. Je le regarde  escalader la falaise de migmatite (roche résultant du gneiss) avec la souplesse, l'élégance et la facilité d'un chat. Moi, pleine d'assurance, je me dis que je dois pouvoir y arriver. Je ne doute guère de moi, prétentieuse pour une fois. Et puis j'aime tant la roche, ce sera enfin un contact très poussé ! Je vais "faire le mur", comme un lycéen pensionnaire !


Aisance de Nico


Nico m'a d'abord appris à gérer la corde et à l'assurer; toute la journée ce sera ma seule angoisse : l'assurer correctement. Plus tard, un exercice de simulation de chute me montrera ce à quoi on s'expose si on assure mal : alors je me dois d'assurer !

Revenons à mes premiers pas le nez au mur !
Le mur n'est pas très haut moins de quinze mètres et je me sens immédiatement bien : et en plus je monte !


Arrivée en haut 








 Mes chaussures tennis montrent immédiatement les limites de pareil équipement ! Je ne me retourne pas, je ne regarde pas le vide, je suis concentrée à chercher mes prises puis, un passage plus ardu où mes pieds ne trouvent rien m'oblige à la descente . Ah ça s'append une descente ! On a plutôt envie de rester collée au mur, les mains et les pieds en prise et même le nez ! Lâche tout me répète Nico, écarte toi du mur et pose simplement les pieds; loin de la paroi le corps ! Là c'est un moment de solitude, le lâcher des mains : on est comme l'enfant dont les parents n'assurent plus les premiers pas ou le cycliste en herbe qui part seul sur deux roues.
Et puis c'est si simple, finalement !
Mais en ce qui me concerne avec la grâce du crapaud....

Me voici au pied du mur, mécontente et vexée : je n'ai pas réussi...et cela semblait si simple.
Mon prof me rebooste, rééquipe une voie et c'est reparti !






Quel bonheur cette fois, l'appréhension s'estompe, je grimpe avec assez d'aisance pour en profiter, j'ose me retourner et affronter le vide vertical , c'est le bonheur à l'état pur .
Je n'ai pas le vertige mais une petite pointe au plexus : il n'y a pas plus vertical !



Arriver en haut me semble une des plus belles victoires de ma vie: je suis redevenue une enfant qui s'émerveille...Euh cela m'arrive bien souvent je trouve...



Que je sois heureuse, aucun doute non ?











Je n'ai même pas envie de redescendre tant le paysage est beau;  l'appareil photo est accroché au baudrier et j'arrive même à me contorsionner et regarder sans appréhension accrochée à la paroi.
Tour de la Massane

Le paysage vu d'en haut : la vallée de la Massane
que surveillait le château 
Je ne vois pas passer le temps : le soleil d'automne, à l'abri est cuisant. Les chasseurs, dans les taillis poursuivent leur besogne et les chiens courent en tous sens dans un tintement de grelots désordonnés et joyeux.
Un petit casse croûte arrosé de vin muscat au grand soleil inviterait presque à la sieste mais c'est sur les parois qu'on va peaufiner la séance de bronzage. Sur des voies 4 dont certains passages me dit Nico sont en 5. Je suis assez fière de moi et ces promenades d'araignée me confortent dans mon envie de continuer. Les chaussons en seront le premier pas: c'est décidé j'ai envie de poursuivre cette discipline.
                                                                                                     
Nicolas dans ses oeuvres




 Un jour, peut être j'atteindrai un peu de cette élégance, de cette aisance . Pour cette dernière je n'ai guère de doutes, pour l'élégance...hum....


 Certes je n'irai pas tutoyer les grandes parois ni les gorges du Verdon -)))
Mais juste , le nez au mur et la tête dans les étoiles invisibles qui accompagnent la course lente du soleil...me faire plaisir tant qu'il est encore temps.

Sans doute n'irai-je pas me frotter aux voies côtées 6 comme Nico qui s'essaie à celle ci , difficile, avant de partir.



Cependant....
Je n'ai ni peur ni vertige ni fatigue ni douleurs qui puissent m'invalider : alors, fonçons !
Tant qu'il est encore temps.

Argelès et la Grande Bleue




Roche et vieux genévrier

Le soleil dore encore la mer, la plaine, le Canigou, les châtaigniers et merisiers tandis que dans le cliquetis de mon baudrier nous filons grand train dans le sentier parfumé de cette humidité des sous bois de nos Albères.

Je me sens des ailes, encore un rêve au bout duquel je suis allée. Premier pas peut être , en chaussons, vers "un peu plus que mes rêves"....toutefois adaptés à mon âge, soyons fous mais réalistes à la fois!


La grande falaise nord, toujours froide


20 commentaires:

  1. Très beau comme d habitude si tu n a pas le vertige fonce c est une autre sensation et puis ça maintien la forme

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    1. Exactement ça Barthélémy, mon rêve de pierre se réalise après une vie entière passée auprès d'un Pierre...tout un symbole non ??

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  2. je connais cet endroit et j'y ai vu des grimpeurs à l'oeuvre. Impressionnant. Je ne pourrais pas faire ça.
    Rien que de regarder le ravin du haut du château.... Encore Félicitations !

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    1. Par contre faut que j'aille faire un tour au château. Il y a côté sud un ravin profond d'où l'on peut grimper de très bas; ce n'est pas ce chemin que nous avons emprunté. je n'y serais jamais arrivée en débutant.

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  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  4. Bonsoir ... BRAVO ... c'est magnifique ... alors continue ;) :)
    Douce soirée, Bisous et Câlins à tes Félins

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    1. Je vais essayer..amis qui voudra emmener une senior dans les airs? là est la question...Bisous

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  5. Comme quoi facebook ça sert !!!!
    Je suis heureuse que tu aies été hyper heureuse dans ton élément. Quelle belle journée !
    Gros bisous
    Chantaloup

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    1. Et oui FB mène à tout...j'ai fait de belles rencontres amicales et pourtant j'ai un cercle restreint. Nico je le connaissais autrement je l'ai rencontré en Andorre (10km) alors qu'il vit à 3 km d chez moi. Bisous ma belle

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  6. T'es géniale ! Et oui, tu as l'air heureuse... :)

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    1. Merci, la vie me fait des cadeaux géniaux. je t'embrasse

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  7. Encore et toujours de superbes photos ! Encore et toujours de sublimes textes ! Je sais que tu te fais plaisir et pas en égoïste... mais ne donne l'occasion à aucun (e) pierre de te faire dévaler ! Sois prudente ! Hug

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    1. Ma chère Hug, tu as de bons conseils et je les suis à la lettre ! je les grave dans la pierre...je t'embrasse très fort

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  8. Coucou ma chère Lison!
    Je vois que tu es si heureuse dans la montagne ...ton endroit et paradis.
    Et tu as trouvé un homme sportif pour tes balades!!!!
    Ton billet est comme toujours un régal de lire et voir ...quel paysage!
    Tu es si belle Lison!!!
    Comme Hugo a dit! Sois prudente!!!!
    Passe une douce soirée!
    Je t' embrasse fort!

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    1. Tu vois Géli, je me sens bien partout sauf en ville. Je suis fille de la terre et de la nature. je suis prudente mais la montagne est la souveraine. Je t'embrasse, à bientôt

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  9. Bravo pour la grimpe et le récit.

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    1. merci Ludo cela reste en toute simplicité malgré un enthousiasme latent

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  10. MERCI POUR LA BALADE et les commentaires ; quel plaisir de voir "mon pays" et la grande bleue depuis le gers. Passez me chercher la prochaine fois !!!!

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    1. Avec plaisir d'autant que le Gers fait partie de mes terrains de prédilection : et oui je connais un peu !

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  11. Encore une belle expérience à ton palmarès, et je comprends ta joie, Amédine ! Bravo, je t'admire encore une fois ! :-)
    Gros bisous.

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