samedi 2 février 2019

Le marbre rouge de Caunes (Aude)

Adossée aux premiers contreforts de la Montagne Noire, la petite cité de Caunes Minervois s'offre aux rayons du soleil du midi, face au vignoble, et si son abbaye du 8 eme siècle est réputée, c'est à autre chose qu'elle doit sa renommée mondiale (Japon, USA, Pays Arabes et Italie): le marbre incarnat issu du flanc de ses collines.
Un marbre allant du rose à l'incarnat veiné de blanc, de gris, en belles volutes. Louis XIV l'aima beaucoup, et l'utilisa pour Versailles (Petit Trianon), ainsi une carrière, la Carrière du Roy, devint son exclusivité.
C'est à elle que je vous conduis sous la pluie, ce qui va expliquer mon accoutrement ! Assorti au marbre, noblesse oblige !

Ce marbre devrait équiper la tour la plus haute du monde, la Jeddah Tower, 1000 m de haut, en Arabie Saoudite.

Caunes est un charmant village de 1600 habitants, aux belles façades pastel, que les ombres décorent tout autant que le marbre orne la cité, en monuments, fontaines, bordures de trottoirs etc..
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Après une nuit passée dans la tempête de pluie et vent face à ce paysage fort plaisant, je prends au matin sous un ciel mitigé la petite route cabossée qui conduit aux marbrières. Une carrière moderne, qui serait exploitée par des Italiens, fonctionne par intermittences. A ses côtés la petite carrière du Roy sommeille sous la pluie. Un sentier y conduit, qui va s'élargissant pour laisser la place à l'ancien chemin de convoyage des blocs.

Accoutrement de pluie !



Convoyer les blocs ici ne posait guère de problèmes : traction humaine ou animale, les moyens étaient rodés.
Chemins
Mais sortis du secteur, ces marbres avaient un très long chemin à parcourir pour Versailles , et comme l'entrepreneur était responsable de l'acheminement, tout marbre cassé ou abîmé était refusé et non payé. Les colonnades pour le Petit Trianon étaient très fragiles. Il y avait les routes, chaotiques et peu sûres, le voyage durait plusieurs mois. Par mer ? On embarquait les blocs à Sète ou à Narbonne, comme au temps où le marbre de Caunes était exploité par les romains et pour aller à Paris, il fallait contourner l' Espagne par Gibraltar...voyage infiniment long et cher. La solution vint du canal du Midi, achevé en 1681. Puichéric (11), Toulouse, Bordeaux et enfin le Havre puis Paris. Toutefois le Canal s'arrêtait à Toulouse, le reste jusqu'à Bordeaux se faisant par navigation fluviale, fort compliquée.  Et pas toujours sérieuse ! Combien de colonnes et de blocs gisent par les fonds....car les bateliers débitaient parfois leur barque pour faire commerce du bois, u détriment de la marchandise!

J'arrive donc à la carrière qui est toute petite et toute noire, luisante et glissante sous la pluie battante: j'abandonne mes idées de varappe! 
Des falaises noires qui deviennent rouge à coeur !

Une partie du site



En coupe
Brut, sur site
Poli, en sculpture




















Mais pourquoi aussi rouge ? 
Oh la légende serait si belle si elle n'était point légende....


 Il paraît que la réalité est différente mais il faut aller la chercher loin des Romains. Il y a 380 Millions d' années, il y  avait la mer, partout. dans cette mer, bien avant l'avènement de l'humain et des Dinosaures, vivaient des crustacés, des mollusques, des coraux et des végétaux. Qui mouraient et laissaient des sédiments. Lesquels donnèrent calcaires et fossiles. Il y eut les fleuves qui amenèrent des terres et des métaux, et, par ici, du fer. Lorsque se formèrent les Pyrénées, alors que la mer n'existait plus, les calcaires mêlées de fossiles s'érigèrent en reliefs, teintés par endroits, selon les oxydes et les minéraux amenés. Voilà comment des oxydes de fer donnèrent en certains points ces couleurs de sang. Mais enfin, sous la peau de ces roches noires, il fallait deviner que battait un coeur gorgé de sang...

Je pourrais vous raconter beaucoup de choses mais mon article serait trop long : la visite est libre, allez y. Des panneaux bien documentés expliquent tout, des vieux outils sont en place. Ce qui parle, c'est la roche, avec ses stries, ses découpes, ses blocs, ses falaises, et surtout, une colonne ébauchée, restée sur place: tailler une colonne était oeuvre plus que délicate et colossale !


Pluie battante : cela se voit, l' APN se noie !



Lorsque la technologie évolua, la découpe se fit au moyen d'outils: ce fut la découpe au fil, qui nécessitait de l'eau (un bassin existe que je n'ai pas vu). Les blocs, découpés, étaient descendus à l'atelier de taille, encore bien visible, avec sa plateforme et son majestueux plan incliné permettant de remonter les "objets" pour les acheminer.

 
Découpe au fil 

Fils de fer, câbles



Un beau bloc abandonné dans le site depuis...?


Depuis la carrière, vue sur l'atelier de taille et le plan incliné


Autre point de vue
Finalement, je m'octroie une petite séance de glisse montante et descendante pour aller "jeter un coup d'oeil " dans la partie interdite au public : un champ de blocs d'origine assez récente, prêts pour une exportation qui n'eut pas lieu ; de magnifiques blocs découpés voici des années, stockés, mi bruts mi  polis, luisants de pluie, numérotés, dans un silence sépulcral.





Un peu plus loin, la carrière moderne est exploitée par des italiens; le marbre brut est acheminé en Italie et revient en France une fois travaillé. Quel paradoxe !

La carrière est silencieuse, elle ne fonctionne que par intermittences . Les visites y sont possibles, par groupes.


Mon chemin du retour verra une marcheuse trempée, crottée de glaise (je n'avais pas mes pantalons de pluie) qui a tellement aimé le site qu'elle n'en veut plus partir.
Mais la visite n'est pas achevée : une petite carrière de marbre gris est à proximité, classée Monument Historique, celle ci.  Que je conterai en mon 2nd blog. Car elle le mérite bien, toute grise fut-elle !


Additif : du bloc à la sculpture, il y a le long et patient travail de l'artiste et son imaginaire surtout. La route cabossée est bordée de 7 ou 8 oeuvres monumentales, qui regardent la plaine, sont caressées par le vent, la pluie ou le soleil et où promener ses doigts est d'une douceur.....

Imaginez.....










Clin d'oeil pour l'envol
sous les rafales de vent et pluie




                                                                                    A bientôt......

4 commentaires:

  1. Très joli reportage et surtout très instructif car j'ignorais qu'il y avait du marbre rouge à Caunes. Sans doute, ne sais-tu pas que j'ai écrit une nouvelle que j'ai intitulée "MARBRE ROUGE" ? Tiens, je te donne le lien où tu pourras la lire le cas échéant ! C'est un thriller. Amicalement Gilbert http://craquades.kazeo.com/6-nouvelles-c27343730

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    1. Gilbert je te réponds un peu tardivement mais je te remercie pour avoir visité en ma virtuelle compagnie ces beaux marbres et crois que j'irai avec plaisir lire ta nouvelle.

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  2. je ne connais pas non plus ce site , splendide et très intéressant , un reportage haut en couleurs ce rouge magnifique. w ouah! que c'est beau ! une curiosité à découvrir sous un beau soleil ; merci pour cette découverte incroyable , comme la France est riche de mille et une facette cachée . Bises à bientôt

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    1. Je pense qu'en mai on pourrait faire les 2 sorties dans la même journée : les meulières et le marbre: c'est proche

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