lundi 23 décembre 2019

Je n'aimais pas le Vallespir...et me voilà à St Guillem !

Non ce 'est pas un  miracle si je me suis prise d'affection pour ce Haut Vallespir, cela ne doit rien à Saint Guillem ni à Sainte Marie Madeleine à qui la chapelle primitive était dédiée. Tout simplement un homme a balayé les à priori sur lesquels j'étais assise et m'a fait découvrir son Vallespir. J'ai vu que ce n'était pas seulement des forêts touffues et des points de vue intermittents derrière des murs végétaux, mais qu'en prenant de la hauteur modestement on pouvait découvrir un lacis de vallées, de beaux reliefs et un paysage étoilé de mas et de chemins qui parlaient à la vagabonde que je suis. Bien sûr j'avais arpenté le Vallespir, un peu, là où les arbres sont épars et les points de vue ouverts. Mais je partais de haut. De bien plus haut que les 987 m du jour.
A près la pluie, sous un soleil sépia, je prends le sentier pour St Guillem; ne soyons pas gourmande, le temps est trop instable et mon équipement sommaire. Mais après une nuit sous la pluie, (clic pour mon 2nd blog) pourquoi pas la balade ?
St Guillem dans son décor
Le sol est glissant et me rappelle à l'ordre : une belle gamelle, heureusement la bouse s'est éclipsée !
Le sentier n'est pas très long ni très pentu, 2.7 km, pavé par places, étayé de murettes car le versant est fort escarpé et suit, en hauteur , la Coumelade, un torrent né à 2586 m d'altitude et se jetant dans le Tech après 15 km d'un cours impétueux, à 14 % de pente en moyenne; il a bercé ma nuit et sera la musique de fond de toute ma rando.


Tronçons pavés



Vers le sud est, averses et tourmente



Tout au bout de ma rando, il y a St Guillem, haut perché. Vu d'en bas il a une position spectaculaire.




St Guillem haut perché dans son décor
En 1 er plan le verrou rocheux de Roca Roja









Je marche, curieuse de tout et vigilante à ne pas chuter : le sentier semble avoir été ciré pendant la nuit; des épaisseurs de feuilles, jusqu'à mi mollet, cachent le sol et, à nu,  la roche est très glissante.





Je suis sous le charme : les arbres nus sont magnifiques; chênes et surtout hêtres dont certains sont énormes. Les tout petits, "à l'ombre de leurs parents" ont gardé leur feuillage mort et roux. Des trouées dans cette dentelle de troncs nus m'envoient un paysage superbe.



Mariage du vieux chêne et du jeune hêtre
A moins que l'un soutienne l'autre ?
 La vallée qui gronde, Des murs de roches impressionnants et le ciel, là haut qui joue avec pluie, neige, vent. Le soleil ne s'est pas invité. Mais l'averse fugace crépite sur mon KWay.



La haute muraille de Roca Roja, qui oblige le torrent à contourner ce verrou naturel

Je rencontre des ruisseaux bondissants enfouis sous les feuilles et une cascade échevelée qui pourrait inviter à la baignade en d'autres temps.
Un des 3 ruisseaux 

Le sol est constellé d'éclats de quartz, peut être témoins du travail des bâtisseurs qui ont érigé ce chemin, ses murs et son dallage par places.



Des conifères cachent le paysage, forêts brèves et drues, St Guillem trouvera quand même une place pour me dire "Je t'attends".

Au zoom, entre les arbres

 M'y voici presque mais d'abord j'entre dans un monde enchanté, celui d'une forêt d'exception.
Voilà une forêt fabriquée par l'homme dans les années 50. Une forêt, un musée. Des espèces venues du monde entier ont été plantées, un essai, certaines ne se sont pas acclimatées. Dans ces quelques hectares, des troncs majestueux vieux de plus de 60 ans grimpent au ciel, imposants, magnifiques. Leur histoire est contée sur de petits panneaux. Deux grandes saignées hérissées de moignons disent que voici exactement 10 ans, la tempête Klaus passa par là...quel ravage....quelle désolation...la nature n'a pas repris ses droits.




Séquoias, 1956


L'âge de mon "petit frère"


La tempête Klaus, 2009




Soudain, un bâtiment surgit de la forêt, c'est le refuge de St Guillem. Un fourgon 4x4 me surprend en ce lieu mais c'est vrai qu'une piste mène ici. Je ne parlerai pas du refuge, il est exceptionnellement fermé et je n'ai pas un euro en poche, mais une partie libre permet au voyageur une halte nocturne. Je dépasse le refuge, sa fumée odorante et monte jusqu'à la chapelle haut perchée, 1320 m, adossée à la colline qui l'abrite des vents glacés venus des montagnes enneigées.
En images :

Vue de face




Et de dos, bien protégée des vents glacés


Photo environs 1905
Même lieu mais bien reboisé
Aujourd'hui rénovée et classée Monument Historique, son histoire remonterait au 10 ème siècle puis au 12 ème où elle fut remaniée. Je n'ai pas vu l'intérieur mais je sais que les murs sont épais de 1.40 m, énorme ! Je m'installe dans l'embrasure de la porte, partie la plus abritée ce matin.



Je prends le temps de savourer le point de vue environnant, alors que la neige tourbillonne en écharpes légères. La Comelade est enneigée et les sommets tout là haut aussi; le Gallinas avec ses 2029 m est saupoudré.

La Comelada

Le Gallinas 2029 m

 Aller plus haut ? Cela ne m'avancera à rien, il fait froid, et je n'en ai pas envie.
Je préfère examiner les bâtiments présents, cette vieille ferme (dépendance de l'ancien monastère ?) au charme fou et à l'architecture typiquement catalane et la chapelle fermée, dont la terrasse offre un imprenable point de vue jusqu'à la Méditerranée. L'envers du décor qui me fit aimer le Vallespir.


Vers l'est et la Mediterranée




La vieille ferme

Vers le sud : Serralongue 

L'église n'abrite plus d'ermite depuis 1840. Elle est dédiée à St Guillem, un ermite de légende (ou non...) et servit, pendant plus de 1000 ans à l'accueil et au repos des pèlerins qui venaient de la vallée de la Têt, franchissaient le Pla Guillem proche avant que de poursuivre leur périple vers le sud. Trajet ardu et tourmenté.

Je reprends le chemin à l'envers, il fait trop froid pour se poser et vais saluer la Comelade puisqu'un sentier y mène. Le torrent bondissant me suggère que même l'eau a froid et j'assure bien mes quelques pas d'escalade avant que de devenir une gelée de plus. Coumelade ou Comelade..je croyais que c'était Coume gelade et non, ce serait "large combe".



Le soleil s'est invité, la neige a quitté la scène mais ce qui se déroule sur les crêtes à plus de 2200 m est impressionnant : des volutes, tourbillons et autres colonnes endiablées montrent que là haut, ça souffle fort, ça décoiffe les arêtes.




C'est bien plus suave "chez moi", le soleil doré s'est largement imposé et je suis en tee shirt, tenue peu protocolaire, la température ne le mérite pas : mais j'ai chaud. Le chemin à l'envers m'ouvre deux nouveautés; un sentier qui descend vers la rivière mais un no mans land le termine, c'est la prise d'eau de l'usine électrique. Et cet immense rocher tranché au vif qui fait une grotte étroite, haute de plafond, abri précaire plus amusant qu'utile.

Images : endroit et envers du décor Le grand rocher fendu et, depuis l'intérieur de la faille, le sentier


































Un vent fou battant la démesure est descendu à grand fracas des cimes et a disparu tout aussi vite, je ne sais où. Pendant que je réfléchis à cette balade : je m'autorise enfin des balades à taille humaine me dis-je, j'ai laissé derrière moi les défis que je m'imposais, toujours plus haut, toujours plus loin et plus fort, exigeant de mon corps ce qu'il ne pouvait pas, quelquefois...mais n'est ce pas le chemin de l'ennui, de la monotonie, qui me guette?..Douloureux chemin de pensée...Ces escapades modestes sont un soupir, un temps suspendu, un temps accordé, pas un temps perdu. Comme une pause en musique, un temps de respiration. Ou de contemplation...Sans doute en ai-je besoin....







Ici je respire l'odeur de l'humus et des feuilles mortes, l'odeur de l'air qui sent la neige, la pluie et le vent, l'odeur de la rivière. Tandis que le soleil m'enveloppe par intervalles d'un lainage soyeux et doré.
Là haut, la pluie, le soleil, le vent et la neige se disputent gentiment des parts de territoire, leur donnant d'invraisemblables couleurs .



Je marche seule, bien sûr, personne sur mon chemin; j'ai croisé deux randonneurs emmitouflés là haut, j'en rencontre deux autres au départ, tout en bas, dans la glaise et la bouse, de loin la partie la plus "emm..." du trajet !



En chiffres
Dénivelé positif cumulé :333 m
Distance AR : 6 km




4 commentaires:

  1. Tu étais sur le domaine des chasseurs. Pas grand monde dans cette vallée. Et ce refuge tout neuf qui ne sert à aucun randonneur !!! Ici, il faut être vaillant, car depuis St Guillem, c'est 1400m de dénivelé pour gagner le Tres Vents. Tu imagines à présent, quand en juin je suis (nous sommes) parti(s) d'ici pour aller au sommet du Canigou et revenir sur le temps d'une course du soleil, il faut avoir un grain !! hihihi

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    1. Mais oui, j'y ai pensé et je me suis promis de regarder ton article de blog, parce que je n'étais pas sûre et que je me suis dit "s'ils ont fait ça, ils sont fous !! " Et bien ils l'ont fait...ah faut de belles pattes et beaucoup de passion

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  2. Grâce à toi Amédine, moi qui adorais me balader en petites montagnes, celles proches du littoral ..que dis-je "montagnes" plutôt hautes collines je découvre ce dur mais merveilleux décor que je n'ai que peu connu. Tu sais si bien raconter le simple et merveilleux plaisir que l'on ressent quand on marche, peine sur "tes" chemins drôlement escarpés, ventés. Mais si nécessaires à ton corps et coeur. Et sans oublier ces belles photos qui donnent encore plus de réalisme à la balade. Je le répète tu devrais écrire une belle histoire ! Je l'attends et je suis sûr que d'autres l'espèrent aussi...L'histoire d'un jeune moine...amoureux d'une bergère..Amour impossible ... et pourquoi pas une histoire de contrebandiers arpentant ces corecs i cims...Trabucaïres o carboners..Fais-nous encore grimper là-haut dans l'effort et la froidure, la chaleur d'une vie vraie, saine et attachante. A bientôt de te lire ! Encore bravo pour le récit et les images d'une belle nature. ASP

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    1. Je ne vis que pour ça...je m'en rends compte...le reste qui fait mon quotidien n'est...que trop quotidien

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