Je ne vais jamais en Vallespir, qui est pourtant aux portes de chez moi.
Alors ? Que reprochai-je donc à ce vaste Vallespir? Qui me fait lui préférer sans réserve le Conflent.
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Un aspect du Vallespir |
Si j'y suis allée randonner, cela fut par deux fois sous l'impulsion de quelqu'un...parce que c'était le bon jour, en plus. Sinon...Mais chaque fois me donna une envie de revenez-y.
Le Vallespir est la vallée du Tech, ce même Tech qui baigna et enjoliva mon enfance.
Le Conflent est la vallée de la Têt qui ne berça rien en moi. On le comprend donc, le fleuve n'y est pour rien. Ce qui me dérange en Vallespir c'est son épaisse et sombre chevelure arborée qui couvre tout, qui ne laisse émerger que quelques barres rocheuses, sinon tout est enfoui sous un couvert de chênes verts. Par contre ce qui est enfoui, c'est un inestimable patrimoine, d'une richesse inouïe et je sais que le jour où je plonge dans ces vagues, j'en ai pour un demi siècle d'apnée!!
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Un fouillis végétal d'où émergent des ruines |
En Conflent j'ai appris à découvrir ce patrimoine, j'ai appris à aimer les forêts, à les apprivoiser, mais je fouille beaucoup lorsque les arbres perdent leurs feuilles et que le patrimoine se devine par touches. Et le Conflent ouvre sur des sommets qui me sont chers, escarpés, enneigés. Le décor compte aussi.
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Ce préambule étant posé, j'accepte d'accompagner Marie, Sylvie et Gilles. Marie connait beaucoup de lieux, elle est traileuse. Ce sera un bon guide, elle fera cette fois le trajet en ayant le temps d'admirer !
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Les protagonistes, Gilles, Sylvie et Marie |
Dès les premiers pas, à l'angle de l'Hôpital Militaire, je suis conquise! Quel sentier magnifique nimbé d'une belle lumière verte malgré le ciel atone! Plus qu'un sentier c' est une voie pavée, style voie romaine, abîmée mais remarquable. Je doute que cette voie soit romaine, je n'en ai jamais entendu parler, mais il me faudra trouver le pourquoi. Tout y est, les virages en épingle, bien élargis, la gestion de l'écoulement des eaux, rigole latérale et barres transversales sur la voie pour casser le ruissellement ou bien l'érosion. Aucune trace d'ornières chères aux romains pour guider les chars, par contre, malgré la pente. Cela peut s'expliquer aussi. Cette voie serait elle médiévale ?
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Une voie presque en gradins |
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Chemin latéral pour l'eau de pluie |
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Amélie les Bains et le Tech |
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Faut il le présenter ? Et bien oui... Portella de Leca (centre) TresVents (gauche) Roc Nègre (droite) |
Plus tard, devant mon ordinateur et les anciennes cartes (Etat major, 1821 - 1866), je verrai que ce chemin conduisait au Moulin Serradou (un moulin de sciage) et ne poursuivait pas au delà. Un Moli Serrador ou serradou se trouvait sur les sites d'exploitation de la forêt (exemple celui de la Carança) et le bois, débité en billots descendait ensuite vers les villes, ou les forges. J'en conclus que cette belle voie était utilisée par les charrois de bois, ancêtres des grumiers modernes.
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Fort les Bains, 1670, revu par Vauban Servit longtemps de prison au 17 eme |
Nous quittons la voie (mais j'y reviendrai prochainement) pour un joli sentier toujours sous couvert, et où quelques rares points de vue nous gratifient : Canigou voilé, la ville d'Amélie et le fleuve en courbes douces, les Aspres et le Vallespir pareillement habillés, la carrière de Gypse de Montbolo, et le magnifique Roc St Sauveur sans oublier le torrentueux Mondony, ses gorges et sa via ferrata ruinée. On l'entend mugir ce torrent, de cascades en cascades.
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Rare passage en découvert |
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Le Mondony et sa via ferrata |
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Ces sous bois sont quand même beaux |
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L'épaisse chevelure du Vallespir |
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Roc Saint Sauveur, 1235 m |
Ce sentier qui va nous amener au Pont et au mas ruiné de Riubanys est un véritable livre de lecture : des murettes dans des pentes ardues, des places charbonnières, et même un four à gypse. Cette région du bas Vallespir était riche d'extraction de minerais, et surtout de forges catalanes, le proche massif du Canigou étant LE site minier au cours des siècles, de par la quantité et la pureté de son fer. Les dernières mines ont fermé récemment (1987). Autrefois, pour faire fonctionner ces forges il fallait du charbon de bois en quantité et le Vallespir était bien doté en arbres. Que lit on sur le site ? Des places charbonnières avec leur terre noircie et les restes de charbon, et les arbres aux troncs multiples, signes de la déforestation et de la repousse. Dernière trouvaille : un semblant de vestiges d'une forge à bras, des scories sur le chemin, forges des 12 eme et 13 eme siècles. Nous croisons des ruisseaux à l'eau fraîche, c'est beau. Les charbonniers, vivant sur place, devaient apprécier.
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Four (présumé) à gypse |
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Je m'extirpe de l'intérieur Ph Sylvie |
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Une des nombreuses places charbonnières |
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Galerie de mine : fer ? Gypse ? |
Tout en visitant ces vestiges nous bavardons, le sentier peu escarpé le permet. Inutile de dire que la rebelle au Vallespir se régale...la compagnie tonique et sympathique y est pour l'essentiel.
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Mas ruiné de Riubanys |
Les châtaigniers prennent le pas sur les chênes, c'est le versant au sud qui s'impose, on rencontre la petite D53 et on croise le Mondony. Je devine les traces d'un chemin ruiné, sans doute un ancien chemin de Montalba.
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Châtaigneraie
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Descente vers le Mondony
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Pont sur le Mondony , D53 pour Montalba |
Marie annonce alors "une grosse côte" pour la suite et Gilles déclare forfait, les filles continuent. Sans oublier de le doter de quelques conseils ironiques...Autre relief et autres vestiges. La châtaigneraie supplante la chênaie, l'exploitation agricole a supplanté celle du charbon. Ce sera un sentier certes escarpé par places, sans trop, mais musclé, et surtout riche en rencontres.
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Les deux soeurs |
Des passages du sentier sont aménagés de façon efficace et esthétique, les ravins sont barrés de murettes, lesquelles se poursuivent de part et d'autre sur plusieurs niveaux : c'est typique de l'agriculture vivrière de nos montagnes, tributaire de l'eau. Des petits canaux devaient courir d'étage en étage et même des bassins doivent se deviner un peu éloignés du ruisseau. Nous sommes à 500 m d'altitude. On admire sans retenue, on discute, on rit, belle sortie entre amies.
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Barrage dans le cours d'eau pour y édifier des jardins |
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Murs de soutènement des terrasses |
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Murettes et terrasses |
Nous arrivons alors aux ruines extraordinaires du Mas Mascarat. Deux vastes demeures en ruines, avec leurs dépendances, clapiers, poulaillers, porcherie. Une aire de battage du grain, joliment pavée et une sorte de tour ronde, en dessous, à la porte trapézoïdale, un silo à grains je suppose. L'agriculture vivrière et autarcique avait besoin de tout pour l'homme, l'animal, peut être même restait il de l'excédent pour un peu de commerce ou d'échanges. Visité de fond en comble, un autre jour, cet ensemble me parlera sans doute. Un accès plus escarpé et plus direct y conduit depuis la route en contrebas.
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Mas Mascarat |
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L'aire de battage |
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Le supposé silo |
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porte trapèzoïdale |
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Mur du silo |
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Une vue du mas |
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et d'une de ses dépendances |
Chemin faisant, la pente se redresse, les murettes se suivent et se ressemblent, nous évitons la cabane charbonnière, il faut choisir, le temps passe et nous voilà devant les ruines d'un autre mas, sans nom, dressé face au Roc St Sauveur, plein soleil mais il est absent aujourd'hui, une ruine inaccessible, un immense roncier l'habite.
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Au premier plan le mas, au milieu le village et l'église de Montalba En fond le St Sauveur. Forêt de chênes verts et de châtaigniers |
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Un châtaignier foudroyé |
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le 2nd mas |
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Le sentier qui fut muletier |
Presque en courbe de niveau, nous approchons de Santa Engracia; voilà son bassin, sa source fraîche, et enfin, 653 m, dans un superbe parc, la chapelle nous accueille. Joliment restaurée dans un parc naturel réhabilité c'est un bijou de l'art roman sur son promontoire rocheux.
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Fontaine et bassin de la chapelle |
Qui est Santa Engracia ? Les Engracia furent des Saintes martyres, mais cette chapelle est dévouée à Sta Engracia de Saragosse, 4 ieme siècle. la chapelle date des 11 eme et 12 eme Siècles; au 17 eme elle devient ermitage. Les lundi de Pâques s'y tient un pèlerinage et en 1993 une association se fonde pour restaurer la chapelle. Depuis, deux associations oeuvrent et les bénévoles ont fait un travail titanesque, sur le bâtiment comme sur le site, c'est un lieu charmant. Nous sommes sous le charme....On sonne la cloche et on visite, par chance c'est ouvert, un bénévole est sur le site.
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La porte sur le modèle de celle de St Féliu |
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Toujours le St Sauveur, face à Sta Engracia |
Marie est ravie que sa balade nous plaise, elle craignait qu'on s'y ennuie et qu'on se lasse. Mais tu rêves Marie !
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De l'eau bénite, on l'a bien méritée |
Le temps a fraîchi, on se réchauffe avec une bonne boisson, on mange enfin notre en cas, avant que d'entamer le retour par la croix, puis la solide descente dans les chênes et enfin la piste douce et monotone. Gilles, gentleman, vient nous récupérer au terminus de la piste, on gagne ainsi quelques km et un précieux temps.
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Point culminant 661 m |
Au final, un goût de revenez- y solide s'est incrusté en moi, et aussi un goût de "refaisons ensemble une balade", c'est prévu malgré notre géographie un peu dispersée.
En chiffres
Dénivelé positif cumulé : 908 m
Distance : un peu plus de 10 km
Une très jolie sortie, votre sourire fait du bien. Bravo l'équipe.
RépondreSupprimerTu vois, on en a des choses à voir qui ne se voient pas au premier regard, on peut faire des découvertes ensemble si pieds et genoux acceptent le voyage...sinon à dos de mulet comme autrefois, ce serait sympa aussi! Bises chaleureuses
Supprimerje suis monté à Ste Engracia par le sentier direct à travers la forêt. Et bien sur je n'ai pas vu le patrimoine laissé par les anciens. Grâce à toi, j'y reviendrai. Si tu as la trace....Merci Amedine
RépondreSupprimerJe te trouverai la trace chez une des deux filles ou bien je te la ferai sur la carte, c'est si bien balisé, no problem. Bises
SupprimerBonjour �� lisons, j'ai beaucoup aimé vous accompagner par la lecture. J'ai compris aussi comment vous lisiez le terrain et les ruines. Moi jusqu'à présent je marchais et regardais le paysage. Je vais regarder autrement. Merci pour la leçon...à vous lire...Claude.
RépondreSupprimerC'est ma manie, "faire parler les murs", décoder un paysage et le partager avec mes lecteurs, pas par pédantisme mais par enthousiasme . Votre commentaire me touche donc. A bientôt
SupprimerSalut Amédine,
RépondreSupprimerContent que "mon" pays t'ai plu.
Quelques compléments d'infos :
- Sur la photo "faut-il le présenter", il s'agit de la porteilla de Leca et le Tres Vents à sa droite.
- Le pont de Riubanys est la piscine privative estivale des Peytavi juniors
- Le St Sauveur n'attend que toi
- Le Mouli Serradou était la halte goûter pour ma grand-mère à l'age de 6 ans, lorsqu'elle allait quotidiennement du Mas de La Griffe d'Amount à Montalba à l'école.
contente que "mon " récit sur ton pays t'ait plu
SupprimerLa piscine Peytavi aura l'honneur de ma visite et j'irai voir s'il reste des miettes du goûter de ta grand mère. Quel chemin à pied dans ces immenses forêts et replis de terrain !Quant au Saint Sauveur, il ne peut me sauver de l'ennui en tout cas depuis le temps qu'il m'attire. Car l'ennui n'existe pas chez moi. Je vais sous titrer la photo Canigou et te remercie de ton passage dans ces sous bois que je fais parler.
Le Saint Sauveur est pratiquement visible de chez toi, voilà une raison de plus d'aller de saluer. :-)
RépondreSupprimerOui, de mon village on le voit très bien et il me séduit toujours, il faut que j'en aie désormais la vue intra muros (les siens)
SupprimerÇa donne envie de découvrir cette belle chapelle, nous avons déjà randonné dans le coin sans jamais aller à Santa Engracia, une lacune. De bonnes explications et de belles photos, merci pour ce récit fort intéressant. Bises, et bone nit.
RépondreSupprimerje publierai le tracé, c'est une belle rando de 12 km environ, on l'a écourtée car le taxi est venu nous chercher, mais elle est splendide et il y a plusieurs variantes. Je compte aller m'y perdre. Bises
SupprimerNous sommes preneurs du circuit. Nous avions fait le Roc de France depuis Montalba c’est très beau, pas fait le Saint Sauveur. Que de randos à faire ! Si mon genou le permet...
SupprimerLe St Sauveur me captive avec ses grandes dents . Quant au circuit d'Engracia je veux en refaire une partie pour aller voir les mas ruinés. Bises
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