Vallespir : Molí Serrador (2 eme) et Roc Saint Sauveur

 Je suis pressée de rencontrer le Molí Serrador, et ne tarde pas à reprendre la route; cette fois, seule Christelle m'accompagne, Josy et Claude sont empêchés.

Pour gagner du temps, je stationne au village de Montalba, au bout d'une minuscule et pittoresque route remontant le Mondony profondément caché.

Le but du jour ? Monter au moulin et de là, suivre l'ancien chemin d'évacuation du bois mais surtout essayer de voir s'il reste des traces d'une amenée d'eau par canal. Tâche ardue et captivante. Ce sera toujours sous le couvert des arbres...

Lumière dorée sur le St Sauveur
Vu de chez moi

Montalba, un peu de tourisme historique. Autrefois, bien avant la route, un chemin conduisait au mas nommé "el casot", en franchissant la rivière par un petit pont de pierre que Christelle a déniché, bien caché. Trouver le pont est un jeu d'enfant, y descendre requiert un âge un peu plus avancé, le visiter de fond en comble est un peu incompatible avec ma vieille carcasse! Je m'en approche au plus près, franchis la rivière d'un bond bien réfléchi mais on en restera là. Il est magnifique, imposant et aérien, élégant et massif, légèrement incurvé, ce qui l'a peut être sauvé des eaux tel Moïse. Quelques réparations ont marqué sa vie, mais c'est un noble vieillard immortel.

Joli pont médiéval sur le Mondony

Ancré sur un gros rocher

Il affiche ses rapiéçages

A présent on s'élance sur le GR direction le moulin autre vieillard rescapé. D'entrée le sentier est plaisant et ne cessera de l'être, pour notre grande joie : de belles forêts de chênes verts ou de châtaigniers, de belles murettes qui s'étagent très haut et suivent le chemin, de beaux ravins avec ou sans eau, un beau ciel bleu, des rossignols qui sifflent et, petit bémol, la tramontane violente qui enveloppe cimes et ravins d'un vacarme d'ouragan, noyant même la rivière dans sa chanson puissante.

Proche du village, le site se nomme "Sagetes" soit les flèches, ou sagaies. Pourquoi ?

Matin lumière

Lieu dit "les sagettes"

Passage exigu

Petit col rocheux

Eau dormante

et eau vive du ruisseau

A 1.3 km nous laissons le chemin pour le St Sauveur à notre droite et à 2.3 km on rencontre la piste carrossable qui va nous mener presque au moulin.

Les (3) ancêtres ph Chris

La piste avec vue sur St Sauveur

Croix sommitale

Il n'est pas récent : passage à gué
sur le chemin du Molí Serrador

Là c'est "waouhh", une immense construction en ruines, un mas somptueux au toit effondré et, à ses pieds, une scierie "moderne" qui a supplanté le moulin de sciage du Moyen Age. On y trouve la charpente et les murs précaires et les machines outils ayant fonctionné...à l'électricité. Pourtant aucune ligne n'arrive ici mais dans une dépendance du mas on va découvrir un énorme groupe électrogène sous un toit effondré, il sera aussi muet que la scierie. Toutefois à la maison j'apprendrai que ces machines datent des années entre 1907 et 1928, date où l'usine de la Nièvre changea de nom. Pour le groupe, impossible d'y accéder...il nous manque une bonne paire de sécateurs, comme pour la cuisante visite du mas.

Le mas du moulin scieur

La scierie

Quelques indications sont fournies par ces plaques :

L'entreprise Guilliet Egré fonctionna de 1907 à 1928, avant de changer de nom, à Fourchambault, dans la Nièvre. Sous d'autres noms et autres activités, elle perdura jusqu'en 1993. (Farman, Fiat, Cargo, Someca, Iveco)

Legendre construisit ces moteurs en 1909/1910. Donc ces informations nous donnent une idée de la transformation de la scierie médiévale en scierie moderne.

Les moulins scieurs, mentionnés au 14 eme siècle recevaient de l'eau de barrage et étaient pourvus d'une ou deux scies. Reste à trouver des vestiges pour celui ci. Un jour....

Ecrasé, le groupe électrogène puissant

Après cette incursion épique dans les ronces, où on n'a pas trouvé trace de la très ancienne scie, Christelle a très envie de monter au St Sauveur qui nous montre ses crocs acérés, on pourrait presque le toucher.

La seule pièce à peu près préservée, l'écurie

Je me laisse convaincre, le chemin médiéval m'attendra bien encore...

La montée est soutenue et glaciale, jusqu'au Col Cerda. Forêts certes mais points de vue, le Canigou montre même son nez blanc derrière les arbres nus.

Châtaigneraie

Echarpe de crêtes

Col Cerda, 1050 m (5 km) une pelouse verte, une ouverture plein sud, chaleur, soleil, silence, mais notre chemin nous épargne ces délices éphémères et monte en flèche vers les rochers, vers une arête.

En bas, le Col Cerda et le sentier pour le Roc de Frausa

Le Molí Serrador, versant nord

Versant sud, mas de la Grifa de Dalt

St Sauveur, 1235 m et Canigou

Nous arrivons à un petit col que le chemin traverse, 1085 m, et là, ne doutant de rien, nous suivons un marquage noir indiquant sommet par l'escalade. Téméraires , mieux, inconscientes, nous grimpons, assez secouées jusqu'au moment où le vide se creuse sous nos pieds; je descends voir, mais le demi tour s'impose, après une remontée, cette fois ce serait un gouffre sous nos pieds! 

Sommet en escalade, ça ne nous arrête pas, voyons !! Ph Chris

Et c'est parti Ph Chris

Et ça accroche!

Et...ça coince !

On a beau scruter, il y a
des failles et une muraille

Alors on redescend, chemin à l'envers, on s'est régalées

Donc il n'est pas là le "vrai" accès au St Sauveur dont on voit la blanche croix.

Désescalade facile, retour au col, on bascule sur le versant sud chaud et douillet quand soudain un départ de sentier marqué de bleu pique droit dans la muraille ; brève et inutile concertation, on y va!

A l'assaut de la muraille : parcours balisé en bleu

Equilibre précaire

Exposée

Abritée

Pour moi, une petite séquence nostalgie, mes sommets d'avant le premier confinement, mes sommets du temps heureux. Je me sens triste, soudain, en pleine paroi....

Bassegoda

Turo de l'Home

Matagalls

Le chemin n'y passe pas

On passe par là on va vers la fuite 
des nuages

 

De la jolie grimpe Ph Chris

Allez, à toi, à présent !

Ce sera la partie ludique du trajet : de la muraille, un sentier qui louvoie entre parois, arbres, petits replats, de l'escalade facile, le rocher est empli de prises. De crottes aussi, que nos mains n'évitent pas toujours. Crottes de mouflons ou chèvres. Bof...ça ne nous dérange pas.

Enfin après quelques jolis pas, on arrive à un petit col rocheux, le sentier bleu bascule tandis qu'à notre droite un immense mur lisse et entaillé d'encoches est l'invitation au sommet.

Voilà la dalle finale !

Quelques marches y sont taillées
Je ne me sens pas d'y monter
Et encore moins de descendre sans corde

Peut être St Sauveur nous sauve t'il ?

Le vent est violent mais ce n'est pas lui qui me freine : je ne me sens guère capable de monter ces grandes enjambées faites de petites encoches mais encore moins de les redescendre. Je vois avec terreur Christelle s'y essayer mais elle renonce aussi. Déçues, certes...oui, je suis déçue, je l'ai tant de fois regardé depuis mon village, mais je reviendrai, mieux armée peut être. Avec quelques cordes à lier ensemble, pourquoi pas ?

Faute de toucher la croix,
on décroche la lune

Le Bugarach flotte

Par chance un autre roc nous invite à découvrir sa ruine. On y monte en petite varappe et là, des tessons de tuiles, de poteries, des rocs effondrés témoignent de...quoi ? Une tour ? (1193 m). On se cramponne, les bourrasques sont féroces, on a bien fait de n'avoir pas gravi le sommet. Le vent est d'une violence inouïe.

Ruines et tessons de même facture qu'à la Serre de Lesquerde

Cramponnée aux murs sous la violence du vent Ph Chris

On redescend donc, un étroit couloir parsemé de tessons et on s'installe au soleil, secouées malgré tout, pour un frugal repas, il fait froid.

Devant nous, plus bas, une sorte de plate forme comporte des murs de pierres taillées. ça nous intrigue. J'ai lu des pages de l'histoire de Montalba mais je crois que seulement ici elles me deviennent compréhensibles. Enfin je comprends en visualisant.

Depuis notre restau frugal, des ruines en vue

Couloir abrupt

Couloir étroit

An 811 : Charlemagne gagne la Catalogne nord sur les Sarrasins, le système féodal s'impose et des châteaux s'érigent dans les montagnes frontière. L'un de ces châteaux se nomme Castello Monte Donno, en l'an 1020. puis cela devint Mont Dony à la Roca de San Salvador. Autour de ce château quelques petites maisons s'adossent aux fortifications et une chapelle est construite, c'est le Montalba originel. Loin de tout et haut perché, en un site incultivable, le village descendra donc s'installer "en bas", au 12 eme siècle. Un autre château sera construit ainsi qu'une tour, au 13 eme, les deux entre San Salvador et Montalba. Au 14 eme siècle, Mont Dony tombera définitivement en ruines, ces ruines que nous parcourons sur ce site haut perché à 1137 m.

C'est impressionnant tout de même, in situ. Dans un petit cirque rocheux cerné d'aiguilles, mais tourné vers le sud et la douceur du soleil.

Chasseur de ruines : ph Chris

Ruines du château de Mont Donni

Même chose : village primitif de Montalba, 1137 m, 11 eme S

Bisou caillou

 11 eme siècle

et encore des aiguilles !

Nous quittons les ruines et plongeons par le chemin "normal" sur Montalba. Une vraie plongée, dans de superbes forêts, silence dans les bois, roulements de tambour des rafales de vent, on descend en silence et en souplesse.

Ph Chris, dentelle de neige

Pla del Roc : plus ouvert, plus ensoleillé, d'une texture géologique différente, granitique, c'est plus aride et plus pauvre en végétation.

Altitude 802 m, double surprise : une petite croix de procession, gravée simplement, fichée dans un énorme roc nous intrigue. Près d'elle une immense bâtisse, sans cloisons ni pièces, évoque un cortal : 9 piliers de pierre soutenaient une charpente en bois et un toit de tuiles, effondré comme au Molí Serrador, peut être par l'immense chute de neige de 1956. Une immense bergerie qui montre que son possesseur était assez fortuné.  Eloignée du village de 1.6 km, peut être appartenait elle au grand mas nommé el casot?

Croix de procession

La vaste bergerie

Son toit effondré

Fenêtre meurtrière

Un des 9 piliers

Toute la toitures effondrée : pas de cloisons, 9 piliers et un toit

D'une meurtrière, vue sur l'intérier

Nous furetons en tous sens avant que de reprendre le chemin qui nous amène à Montalba. 17 h nous touchons au port. Je me retourne et vois une ruine haut perchée, le château de Montalba, le second château mentionné en 1241. Monte Albanus. A moins que ce ne fut la tour à signaux  mentionnée elle aussi dans un ouvrage ? (Annie de Pous, 1947).

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Pourtant Christelle veut encore en découdre : va t'elle m'achever ? Elle veut aller voir ce château: il est escarpé au possible, aucun chemin n'est mentionné, nous cherchons, suivons une magnifique voie pavée et finalement, ce sera un tout droit dans la pente qui nous y conduira. Je me suis laissée prendre au jeu! Heureusement à ce moment j'ignore l'existence possible des ruines d'une tour du 13 ème, cela me sauvera de l'épuisement ! Sacrée Christelle ! Mais elle est ma cadette de 18 ans quand même. Mes pattes d'aïeule n'ont qu'à bien se tenir avec elle.

Vu d'en bas, au zoom

Juste en y arrivant

L'intérieur

Montalba vu du château

Beauté des murs

Haut perchée (ph Chris)

Enfin, au terme d'une journée bien remplie, et un couvre feu heureusement repoussé d'une heure, ce sera un retour tambour battant. 19 heures sonnent au clocher lorsque je franchis la porte de mon garage.

Parties sur les traces d'un moulin de sciage du 14 eme siècle (sans doute), nous avons voyagé bien en deçà dans le temps (11 eme au 13 eme S) et se trouver précipitées au 21 eme siècle sous la dictature d'un exigeant couvre feu, l'Histoire a de quoi nous désorienter. Nous déboussoler...

Le tracé : Christelle

En chiffres

Dénivelé positif cumulé (avec château): 800 m

Distance : 11.8 km

Temps effectif de marche, hors arrêts : 5 h 11