mercredi 5 octobre 2022

Conflent : Py (66) entre Cantapoc et Mal Solà, coule la Rotja

1ère partie :

 Py, 80 habitants, contre 667 en 1851, époque de son apogée économique, est un petit village au fond de la vallée, cerné de pentes abruptes fortement boisées, un écrin vert qui se dénude un peu l'hiver et flamboie en automne. Sous ces tapis de feuillages se cachent les souvenirs d'antan. je ne vais pas là bas pour faire parler la montagne mais pour voir chanter les couleurs, entendre chanter le torrent et écouter chanter les ruines de Cantapoc (chante peu en catalan). Et puis, marcher, marcher encore, "avaler du km" après une période de jeune forcé.

J'arrive à Py à la noire nuit, j'aime rouler dans la nuit. Je vais vite dormir, j'ai hâte d'être à demain.


Py

Et c'est dans une aube pâle qui n'a pas encore hissé ses couleurs que je plonge vers la Rotja tonitruante. petite descente dans Py, et un chemin pavé va m'accompagner sur plus de 5 km. Pavé, bien rangé entre des murs, c'est "le plus beau sentier du monde". Un autre sentier, encore plus spectaculaire au départ m'invite à une prochaine découverte.

Un très beau chemin
Enserré entre ses murs


Chemin d'Histoire, celle de l'exode espagnol ou "Retirada",
chemin paysan, bûcheron, du marbre etc...

 Granites, schistes, gneiss cohabitent en harmonie et condescendent à se mélanger à la faveur des orages qui ont raviné le chemin. Une petite carrière de marbre blanc jouxte le sentier; d'un gris soutenu, elle cache un coeur blanc, de grande qualité, étincelant, pur et à grain fin, d'origine calcaire et dolomitique. S'il fut peu exploité sinon localement bien que dans de très anciens temps (dès le 12 eme) c'est que sa situation géographique imposait aux hommes de le porter "à coll" soit sur le dos jusqu'à Villefranche. A cause des chemins .

Le marbre blanc de Py dans tous ses états : peau et coeur
Bloc prêt à être taillé. Coeur blanc. falaise d'exploitation. 
Veine de marbre dégagée de son enveloppe oxydée

 Près de la Rotja j'ai croisé le passage d'un canal, les environs de rivières utilisaient les espaces propres pour des cultures irriguées, on allait souvent chercher loin la prise d'eau. 


Mur de soutien d'un canal

Aujourd'hui, je ne cherche pas, je marche. En sous bois, noisetiers en quantité, avec le grondement de la rivière tout en bas. Premier carrefour "Les Voltes", je connais le parcours qui file vers la rivière. Je continue sur mon chemin pavé. Pavé, il l'est élégamment, dans les côtes les hommes ont choisi un agencement spécial pour faciliter la vie des bêtes de trait. 


Les falaises ont été entaillées de petits passages, comme autant de petits cols. 

Un des petits cols du parcours


Premiers pas du soleil sur les cimes


Sous le couvert des noisetiers

Puis, au bout de 5 km, le paysage s'ouvre, la vallée se présente au regard et le sentier est tracé en corniche, une première ruine m'accueille avec son immobile habitant, un arbre, puis une maison en ruine se dessine, élégante  et racée dans sa nudité, le faubourg de Cantapoc. 1239 m. 


Sentier à découvert

Départ d'un chemin d'accès aux parcelles 



Vallée de la Rotja : tout à l'heure je marcherai au dessus de ces belles aiguilles


Une première ruine


 Qui chante peu ? la rivière est loin en bas et un petit ruisseau symbole de source coule un peu, chante peu ? Un sentier s'élève vers les hauteurs...un jour...je sais qu'il conduit à de dérisoires richesses. Cantapoc, les quelques maisons au bord du chemin et dans les terrasses, à 1240 m d'altitude, témoignent d'une vie agropastorale bien révolue. 


Juste au bord du chemin, la plus élégante



Détail de toiture

Vue imprenable sur la vallée


La source qui chante peu
Et le chemin bien protégé




Comme fortifiée !



Très bel angle de mur

Cortal en majesté



Je salue l'habitant


Je passe mon chemin, n'ayant pas envie d'user mes jambes à chercher plus haut ou plus bas, des cortals et ruines dont je suppose la présence. Ce n'est pas le but du jour, je suis en découverte, paisible, pas en style recherches . Très vite, un vestige humain apparaît: une croix. J'en connais l'histoire.


Douceur et verdure et pourtant...

Ici, en 1870, furent emportés par une avalanche 
Pierre et Rose Pacouil, arrières grands oncle
et tante de mon ami Guy Vila.


Les anciennes cultures de Cantapoc



Vestiges : acides je les mangerai pourtant
Sur la rive opposée


Le secteur années 50/60

De nos jours










A présent, toujours sur un chemin ourlé de murs, je descends au ravin de Salètes. Son nom est lié, peut être, à l'histoire du rétablissement de l'impôt sur le sel qui au 17 eme siècle a violemment sévi à Py.





La belle vallée de la Rotja

Anciennes cultures

La Salètes

Puis des prairies, de grands arbres me font dire "c'est le plus beau sentier du monde" et je vais me tromper de chemin initialement j'avais prévu le Pas de Rotja. 


Et oui, je ne sais pas lire, je file vers le bas !

Dans ces sous bois, des murettes





 



L'autre rive de la Rotja, la rive au soleil, le "soula" ou "solà" soit l'adret


La flèche m'induit en erreur (décidément je maîtrise mieux les sentiers disparus) et je bifurque vers la rivière; je comprends vite mon erreur mais je fais toujours confiance aux actes manqués et ne serai pas déçue. Les abords de la Rotja sont superbes avec des prairies où se lit encore la splendeur d'antan. Trois bovins peu amènes me toisent et le sentier passe entre leurs pattes : aucune hésitation je me lance dans une pente encombrée dont je ressortirai quasi indemne un ongle tranché net et une perle de sang, une vive douleur, ce n'est pas cher payé. 

ça j'aime moins: oups
pas commode la bête
Rive droite


Après le pont de planches un joli bâtiment ruiné m'invite par sa porte béante, à venir saluer l'habitant du lieu, un arbre; une cabane que je ne vois pas, la cabane de Tuxta se trouve adossée au rocher, le secteur ne manque pas de constructions enfouies dans la végétation intense. 




Ancien cortal au toit de lauzes



Et murs épais

Petites meurtrières 


 Puis le sentier monte et ne va plus cesser, ouvrant sur de somptueuses vues, je compte toujours récupérer le chemin du Pas de Rotja que je dois rencontrer. 






Vallée de la Rotja : sur les collines au loin,(au centre), secteur au dessus de Py

Un pin alpiniste

Je viens d'en face

Justement après 1 km, voilà le croisement, Roc dels Brandaires, 1327 m.  C'est alors que je décide de ne pas me rendre au Pas de Rotja : je préfère garder ce circuit pour plus en avant dans la saison, afin de profiter des couleurs; car c'est résolument forêt ici. Je vais donc redescendre tranquillement vers Py : le trajet est plus ouvert, les points de vue plaisants, la journée resplendissante et j'ouvre toutes grandes mes antennes. Je m'attends à trouver des vestiges de constructions, des murs; des traces de charbonnières se lisent sur le sentier, je rencontre quelques randonneurs, je marche à présent sur le versant au soleil, "El solà". Qui offre un visage différent, plus sec, plus ouvert, chaleureux, en somme. 





Un grand chêne grimpeur

Le très joli sentier qui n'existait pas sur
le cadastre de 1824 :
les constructions seraient elles postérieures ? 



Vestiges d'habitat

Angle de mur

La petite maison au bord du sentier



Des habitants pas accueillants : merci je n'entre pas !


Un joli ravin croise mon chemin, El rec del Solà de Balaguer, 1186 m. Des reflets de ciel se baignent dans ses eaux et pour l'heure nulle trace de champignons. Trop tôt en saison. Quelques beaux murs jalonnent le parcours, une merveille de l'architecture locale. Le paysage est resplendissant, la vue porte loi, la rivière a creusé sa vallée tout en bas en harmonieux méandres veillés par de complaisants rochers coiffés d'un arbre, pin, chêne ou bouleau. On a envie d'aller les saluer !

1186 m

Tout à coup, à l'angle d'un remarquable mur baigné de lumière, un non moins remarquable chemin prend son essor : barré d'une croix, il ne peut que m'attirer. 



Travail d'orfèvre

J'ai parcouru près de 11 km, il n'est que 10 h 40, j'ai tout mon temps, allez soyons folle, un sentier perdu de plus ou de moins, j'en fais "ma tasse de thé"

Ne le cherchons pas, il n'est pas indiqué



Enfin...presque pas !






                                                                                                             




                                                                                                                    A suivre.....

Carte de la 1ere partie du trajet : cercle blanc la croix, flèche blanche : vers la 2nde partie

 






14 commentaires:

  1. Quel plaisir de te suivre on ne s'en laisse pas, un coin que je. ne connais presque pas BB

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    1. Toi tu connais peu ce coin ? Tu plaisantes ou c'est vrai ? Je peine à te croire

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  2. magnifique et émouvant.. L'histoire de la croix je ne l'ai apprise que récemment (2015 au décès de ma maman) par Gérard Rabat, ancien maire de Py. J'y suis allé et j'y retournerai ce mois-ci, quand la forêt sera parée d'or et que la Rotja deviendra couleur émeraude . J'espère aussi que l'eau y coulera puissamment, pas comme durant ce triste été ensoleillé que nous venons de vivre. G.V.

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    1. La Rotja prend des couleurs émeraude ? Mais ce doit être splendide! je compte monter là haut aussi avec les couleurs d'automne. Au Pas de la Rotja. en tout cas c'est un beau "pays" que je ne fais que commencer à découvrir

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  3. Je reste muet devant ce magnifique récit de montagne ; je me délecte avec gourmandise de chaque phrase de ce texte si vivant et si magnifiquement illustré, magie des vieilles pierres et des sous-bois envoutants et j'entends d'ici le ravissant chuintement des ruisseaux courant on se sait où !! eh oui, Py, on y revient toujours, on s'y croisera certainement un de ces quatre ! Merci "Lison" ! :) P.D.S.

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    1. Et bien dis donc que de louanges, on sent que tu aimes ce secteur. On s'y croisera ou tu me doubleras si tu vas plus vite que moi ! A bientôt donc du côté des coins sauvages et préservés. Si tu vois une sauvage mal "attifée" tu sauras que c'est moi Lison

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  4. ta seconde partie devrait correspondre au lien que je t'ai envoyé https://goo.gl/photos/SpwDzees5UD71pxg9

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    1. Absolument; je l'ai épluché dans tous les recoins, j'ai noté les noms, j'ai comparé avec le cadastre napoléonien, et les vues actuelles, ah tu as occupé mes soirées, depuis ! Grand merci. En tout cas j'y reviendrai avec plein d'annotations pour rencontrer quelques cabanes particulières.

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  5. Nous n’avons jamais randonné dans les environs de Py, nous avions juste découvert ce village magnifique puis nous étions monté à Mantet. Vielles pierres et beaux sentiers donnent envie de découvrir. Tu racontes trop bien, on a ´impression d’être à tes côtés. Elle est belle cette vallée ! Bravo pour ce récit empreint d’émotions.

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    1. Et dire que j'ai rédigé cela en me disant "cet article n'intéressera personne...". Encore un circuit où il faudra qu'on aille ensemble ! Je dois refaire le parcours de la partie 2 qui est autrement plus captivant, le poursuivre jusqu'au terminus en cherchant méthodiquement, et ensuite je vous l'offrirai comme à Quirbajou. Bises

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    2. C’est gentil, ce sera avec plaisir.

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