dimanche 15 décembre 2019

Balade à moto sur la Costa Brava

9 h du matin, le départ est donné, direction la Costa Brava : 6 motos, 6 garçons et une passagère, moi.
Le temps y est la plupart du temps majestueux, et le rendu des couleurs, donc, aussi. Ce fut le cas hier. L'été y côtoie....l'été presque toute l'année, du moins dans sa partie sud où la tramontane est peut être moins présente.


La balade à moto entre copains signait hier la fin de la saison 19. Ils sont un petit groupe, j'y participe rarement, mais j'avais demandé à mon frère de m'inviter à une sortie. Je crains en général d'être un "poids gênant" en tant que passagère. Juste parce que mon enthousiasme côtoie la peur.



Nous démarrons près de la frontière, par la route du Perthus : première mise en jambes, je me dois d'éclipser la peur. Parce que 300 km nous attendent. La peur, quand il y a longtemps qu'on n'a pas fait de moto, est présente, et j'en ai besoin pour apprécier la sortie. Donc jusqu'au Perthus je ne vois rien, j'ai les yeux clos, je "sens"...j'écoute, je m'imprègne. La route est glissante, une de mes phobies en voiture aussi. Mon frère m'avoue "je n'y vois pas grand chose, j'ai le soleil dans les yeux..." . Bon, si le pilote "y voit rien.." mais il a le pied sûr le pilote. En lui j'ai une confiance infinie, c'est déjà ça.
Après le Perthus, c'est l'Espagne ..euh..la Catalogne qui commence : plein soleil, plein ciel bleu, route sèche. Je me détends, les virages serrés sont restés en France. Alors si je ferme les yeux c'est pour mieux percevoir. Il n'y a  hélas en ce jour d'hiver aucun parfum, juste les odeurs d'échappement, de pneumatiques surchauffés lorsqu'on frôle l'autoroute et une odeur corsée d'élevage porcin qui met un coup de peps, une fumée d'automne qui enveloppe Figueras, nuancée par celle du pneu qui aida le feu, les fumées industrielles de Girona et un éphémère parfum de sous bois délavé ! Car je roule toujours visière levée. A la belle saison c'est l'herbe, les arbres, la terre. Mais...Les terres sont belles, vertes, grasses, glaiseuses, inodores, glacées, et la montagne, au loin, enneigée fait une frange blanche.
Paysage de l'Ampourdan près de Figueras (photo du soir)
Gérone approche, il fait froid, bas fonds humides, forêts épaisses, 8 ° au compteur mais ça je sais gérer au niveau mental, à moto comme ailleurs, et le mental surpasse le physique, j'ai ma stratégie payante.
Une étape chocolat chaud dans un de ces bars "pompeux" du temps où seule existait la route et où l'Espagne entière était la championne des transports routiers.  Ce style de cafeteria est omniprésent dans le pays. J'ai connu cette époque bruissante de vie, on n'aurait pas trouvé une table libre pour loger les casques!
Style Castillo

Une table pour nous, une pour les casques
Direction la Costa Brava et la mer qui soudain scintille dans des ors dignes de Noël.
La Costa Brava s'étend sur 255 km de relief déchiqueté de la frontière française, entre Cerbère et Port Bou, jusqu'à Blanes et l'embouchure du fleuve Tordera, au nord de Barcelone. 165 km par la route.
C'est un paradis touristique, nul ne l'ignore et un paradis paysager merveilleux.


La seule que j'ai pu prendre en roulant


A nous désormais la façade méditerranéenne revisitée façon béton, je crois que personne ne s'attendait à cette invasion du béton. Qui ira, au long du parcours, avec dos d'ânes, ralentisseurs, stops à profusion, dédales de rues à la signalisation peu loquace et secousses dans les bras, les lombaires et autres parties du corps! On y est on y reste ! On attend par ailleurs un bon morceau de route qui sera "sportif" ...s'il n'a pas été bétonné!


Des km de "béton"
Première halte, après Tossa de Mar,  ce n'est qu'un long ruban de motos tandis que d'autres affrontent les virages de toutes manières, style circuit, style vitesse, pas style pépère. Même les "minots" avec leurs mob's gonflés (et gonflées) à bloc!
Plus loin d'ailleurs la police fera cueillette...


La route, ici est un ruban sinueux à souhait, courant dans d'escarpées pinèdes, ouvrant sur des vues sur mer imprenables, magiques! Entre Tossa et San Féliu de Guíxols, c'est paradisiaque. Pour la vue et pour le pilotage.

Là c'est plus du béton mais style motard plein pot
J'ai osé enfin prendre mon petit appareil kamikaze, celui que j'emmène sous l'eau et je jongle, entre bien m'accrocher, lâcher une main (non gantée) pour la photo, et survivre aux virages serrés qui me balancent comme un prunier, droite, gauche, c'est aussi du sport, autrement...

 On roule, on double, on croise, des motos, des cyclistes furieux ou effarés, des automobilistes qui se demandent si....et se poussent prestement! Dans un vrombissement de chevaux endiablés des 6 motos. Les pilotes s'éclatent et moi ? Quand même aussi, car je savais ce qui m'attendait! Au fond de moi je me dis que tant que mon frère n'est pas en tête...je suis rassurée !Juju qui a piloté sur circuit est un cas à part!
Sa jeunesse, 30 ans,fait le reste.






"ça balance pas mal, aujourd'hui" chantait France Gall jadis...

Arrêt repas pique nique dans le village côtier, désert en cette saison de Canyet. Site magnifique: village ancien et urbanisations modernes et luxueuses sur les raides escarpements alentours, dans les pinèdes, maisons sous surveillance, donc nous aussi ?
On a choisi une table étonnante et on savoure. Les 20 ° ambiants en font partie.


Canyet

En images

Urbanisation




Chêne liège les pieds dans l'eau salée



La hauteur des falaises

Le plus petit port du monde !

Chemin plongeant




La roche d'ici : granit rouge

La roche dans tous ses états
Pendant que je me balade seule sur falaises et sentier littoral à demi effondré, je pense à la moto et nous (mon frère et moi). Pour moi, c'est une histoire d'amour ratée, ma spécialité comme alpinisme, escalade et autres...
Pour mon frère c'est une réussite depuis l'enfance, la moto. Notre père avait une moto comme beaucoup de jeunes des années 50. Alors remettre en service un vieux modèle et le faire crapahuter fut pour le gamin un jeu d'enfant. Plus âgée que lui, je tâtai de l'engin mais mon amoureux, me voyant juchée là dessus, tourna les talons à bride abattue ! Quant à la famille, "une fille ne fait pas ces choses-là" !Je lâchai la moto et gardai l'amoureux...Des décennies plus tard, sur un coup de rébellion, je m'inscrivis à moto école et passai un début de permis.  Envers et contre tous. Je ne poursuivis pas. Lorsque la vie à deux me lâcha, il était trop tard pour la moto, encore assez tôt pour la montagne. Et me voilà donc passagère occasionnelle.

Honda 1800 cc et 6 cylindres et son pilote
En tout cas la passagère n'est pas à la fête : on a repris la route, toujours autant en virages courts et serrés quoique beaux et mon frère a pris la tête : aïe ça va chauffer ! Je range l'APN kamikaze dans la poche, me cramponne aux poignées que je ne réussis pas à arracher, ferme les yeux et suis ballottée à fond la forme en tous sens, style essoreuse à salade, les cale pieds raclant le bitume à tour de rôle. La peur me dévore, en même temps que l'adrénaline essaie de se frayer un chemin mais la peur l'emporte et mon frère, ayant oublié sa passagère, met un bémol. Je suis confuse... Peut être pour échapper à la tentation il reprend la 3 eme place et l'APN ressort de la poche.
La balade continue entre béton, villes parées pour Noël et rares points de vue sur la mer.
Dernière halte à la plage de Sa Riera qui dort tant que pour boire un café ce sera moyens du bord : ils sont organisés, ces nomades-là !


Iles Medes depuis Sa Riera
 Les Iles Medes, un biotope particulier car alimentées par les eaux du Ter se jetant en mer, ce Ter que je vois naître là haut dans "mes" montagnes catalanes.

En bleu Canyet, en vert, Sa Riera, en rouge les Iles Medes


Pause café 
 Le retour peut s'amorcer dans le calme et le flamboiement d'un soleil doré; les terres détrempées reflètent un ciel magnifique, des parfums arrivent enfin à moi, de terre, d'herbe coupée, même de réglisse (??) quand ce n'est pas de lisier porcin, parfum encore toléré là bas ....Je bois l'air malgré la vitesse, ma visière est relevée, je remets mon gant, il ne fait vraiment pas froid, 15 ° environ encore.



Au fond montagnes enneigées du Massif du Canigou

Coucher de soleil ampourdan

Oui la fin d'une belle journée où tout fait un peu mal, dos, cuisses et nuque mais finalement ce ne sera qu'éphémère. Cette fois je n'ai pas poussé sur des bâtons mais des poignées de moto! Un peu pareil, non ?
Quoique...en plus rapide et sans bouger.


En chiffres : 300 km



9 commentaires:

  1. Route splendide en voiture mais à moto le plaisir des cinq sens. Merci pour ce film qui traduit bien le ressenti.

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    1. Votre commentaire me plait :pari réussi, savourer et transmettre mes sensations.

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  2. Voilà une balade qui décoiffe ;-)

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    1. MDR, mais le casque même visière relevée tient en place...los pelos

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  3. Le plaisir l’emporte sur la peur, un beau texte, on sent que tu te régales de parcourir ce lieu paradisiaque.

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    1. Et oui, tu as raison et puis avec tous ces garçons c'est tellement sympa, comment ne pas apprécier

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  4. Superbe balade. Tu m'étonneras toujours

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    1. Puissé-je encore t'étonner..s'il reste quelques cordes à mon arc...mais je crois que j'ai fait le tour. Pour la spéléo, c'est pas gagné !!

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