Elle m'est apparue au détour d'un virage et toute l'émotion du monde l'accompagnait
Elle, la Sierra de Montserrat...A 240 km de chez moi.
En décembre dernier j'avais convié mes lecteurs dans le monde étonnant de la Montagne de Montserrat près de Barcelone. Monde mystique, monde magique.
1er reportage : clic
2nd reportage : clic
Cette fois, j'ai décidé de pénétrer au coeur de ce monde mystérieux, en quittant
les sentiers battus.
On m'a dit que ce n'était pas facile , qu'on ne pouvait s'y perdre en respectant le balisage et qu'on louvoyait entre les pitons rocheux en s'aidant parfois de cordes; il ne m'en fallait pas plus pour attiser ma curiosité.
Je pars en reconnaissance à l'unique petit refuge de la Sierra , je profite de l'ardeur d'un jour aux relents d'été et nantie de précieux conseils j'arpente le sentier très battu au milieu des fleurs naissantes.
Il y a de bien étranges choses qui se passent sur les parois : des araignées alpinistes (ou l'inverse) et des chèvres funambules au regard intense.
Et de bien étranges lueurs célestes ...
Demain sera un autre jour...me disais je avec impatience. En marchant dans un sentier de buis, chênes, arbouses, lauriers tin, salsepareille, genévriers, et autres buissons parfumés.
Et demain c'est aujourd'hui, drôle de relief fantomatique quelque peu angoissant.
Allons soyons courageuse !
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Noyés de brume |
Je vais là dedans et je prie la vierge de Montserrat se m'ouvrir les portes du ciel...bleu.
3 randonneurs de rencontre en ce monde désert m'accompagnent pour mon bonheur.
Les sous bois sont denses, feutrés, silencieux, un rien sinistres.
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Couloir |
Premier obstacle, une paroi assez raide à grimper en s'aidant d'une corde : je passe la première.C'est facile.
Comme un seul homme, ils n'essaient même pas...et je reste seule.
Tant pis : je grimpe . Soit sur de la roche humide et glissante, soit au pied des murailles dans d'étroits couloirs de terre et de racines. Facile.
Sur la roche les pas des randonneurs au fil du temps, ont laissé des empreintes polies et luisantes qu'il suffit de suivre : une voie lactée.
Et puis arrive l'obstacle imprévu, définitif.
Un étroit et vertical couloir à descendre en roche ; je ne sais pas faire!
Assise, immobile dans le silence intense, je réfléchis, j'attends....
Et je me résous au demi tour.
Quand je rencontre un homme et sa fillette, bardés de cordes : je lui dis en catalan mon souci, il me répond simplement "viens " !
C'est ainsi que Albert va me faire connaître une belle aventure : celle de traverser ce champ nommé
Agullas (les Aiguilles) en sécurité et bonheur .
Laïa, sa fille de 8 ans est en sortie initiation; et bien Albert va en initier 2. D'âges on ne peut plus dissemblables.
L'obstacle impossible se franchit d'une manière pour Laïa, d'une autre pour moi sous l'oeil vigilant et les conseils du guide.
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L'étroitesse du parcours !!! |
Et l'on poursuit.Le sentier est en sous bois de chênes verts longilignes et filiformes, privés de lumière.
Des arbres qui servent d'appui, d'ancrage, de freins, de moteurs, par leur tronc, leur racines et même leurs moignons (las sabinas), toujours bienvenus pour s'y agripper.
Parfois les passages (ci-contre) sont si étroits que seule la fillette parvient à s'y glisser : nous c'est une jambe de part et d'autre.
Par chance il y a toujours une racine ou un tronc pour s'y suspendre...
Albert est très fier de Laïa (Eulalia) qui en redemande, et du plus compliqué. !
Moi, aussi, mentalement et en silence.
Je m'"éclate" c'est un cadeau de la Vierge de Montserrat, cette rencontre !
Quand le paysage s'ouvre c'est une enchantement!
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On se glisse là au milieu |
Les formes sont suggestives : phalliques ou résolument féminines, toutes portent un nom...même celle qui se nomme " sans nom" !
Parfois nous faisons un détour pour caresser la face nord, abrupte, plongeant droit sur la "plaine " et d'autres aiguilles où jouent des hommes araignées.
Les "Frares Encantats" (les frères au sens religieux, ensorcelés) ouvrent un autre dédale, plus difficile paraît il.
Ce sera pour une autre fois, mais pas seule.
Et l'on continue notre chemin obstiné dans ce labyrinthe : se perdre ? non, les marques sont éloquentes.
Mais seule , j'eusse cent fois renoncé : quel désert ! Personne ne s'y aventure. Et pourtant me dit Albert, il y a des chemins bien plus difficiles. Qu'est ce qu'ils me tenteraient...bien accompagnée...
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Un étroit passage. |
Tout a une fin: le P
ortell Estret (le col étroit) est là: Albert choisit de foncer dans la face nord ; nous dévalons "un canal" (un couloir) étroit et très raide vers le pied de cette solide mâchoire dans laquelle nous n'avons cessé d'évoluer. Et qui ne nous a pas dévorés...
Comme des orgues, des personnages enlacés....que sais je ?
Le sentier suit le pied de la montagne, terre rouge et buis odorants; l'été c'est la fournaise ici.
Nos chemins vont se séparer : je veux aller contempler une fenêtre ouverte sur le monde.
Gaudi s'en inspira paraît il dans son architecture.
C'est le surprenant ensemble formé par la
"cadireta" (la petite chaise accessible seulement en escalade) et la
"roca foradada" (la roche percée) où conduit un sentier très glissant et escarpé.
Une fenêtre ouverte vers le monde et les courants d'air : où un farfelu en aile volante passa un jour de grande folie.
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D'un côté |
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De l'autre |
Une ouverture à ras du sol invite eu voyage, en rampant et de l'autre côté, une vire surplombe le monde, face aux montagnes enneigées : Canigou, Bastiments, Puigmal, Sierra du Cadi, Aneto et j'en passe, une longue dentelle blanche que les nuages estompent, délaient dans l'air bleuté.
Une vire du bout du monde où personne ne s'aventure sauf....
Mais oui : il y a une grotte, un boyau étroit à l'entrée duquel un tableau naïf invite en anglais à ..."ouvrir son coeur " : comment ne pas le faire ?
Je reste là, à réfléchir, écrire, longtemps.
Puis je descends, croisant et doublant des marées humaines, juste pour regarder cette étonnante
"cadireta"
Où se reposa jadis le Diable, ce Diable qui, poursuivi par la Vierge,fendit la roche pour s'échapper !
"Où des Diables en pierre décrochent les nuages " : Brel "Le plat pays"
Un diable dans lequel je préfère voir la tête d'un de mes chats...non ?
Albert moltas gracies per aquest viatge ...me encantaria fer altre amb tu y la Laïa, cap a dintre dels Frares Encantas...pode ser...amb sort ... Adeu !