samedi 30 janvier 2016

Les conciliabules de l'eau

J'ai passé mon enfance près d'un canal que j'entendais nuit après nuit, depuis ma petite chambre sous les combles, haut perchée. Je dormais fenêtre ouverte été comme hiver et le chant de l'eau me berçait. Ce canal avait un petit barrage et l'eau chutait avec des grondements toujours renouvelés.
Le canal existe toujours , avec de nouveaux habitants.



J'ai gardé de cette enfance le goût de l'eau et de sa mélodie.

Ariège / Laparan


Aussi, j'essaie, lors de mes pérégrinations de dormir près d'une rivière, en montagne ou ailleurs...
c'est un peu ma "madeleine de Proust".





Ariège  : ruisseau d' Artiés
















Dans la journée, une rivière chante, bondit, tressaille, gronde ou bruisse..
On la regarde, on n'entend pas tout. 
Ou même on ne l'entend pas du tout.

L'Oriège (Ariège)


Mais la nuit, dans le grand silence environnant, s'élève alors un drôle de conciliabule..




La Vis (Hérault)


Il y a le cours normal de l'eau , les bruits qui y sont afférents et qui nous sont familiers et puis, jaillis des profondeurs, s'élèvent dans la nuit silencieuse des chocs sourds, des bruits caverneux, des voix graves qui modulent sur tous les tons, tantôt puissants et ronds, tantôt faibles et effilés,  qui enflent, rebondissent , mais...ne se taisent jamais.



Ce sont les conversations feutrées ou les éclats de voix des habitants nocturnes de la rivière.

La Salz (Aude)


Comme si dans les profondeurs, sous la roche, dans les cavités, se tenaient de longs conciliabules que les humains ne comprennent pas. Ou n'entendent pas.
Mais pour qui veut bien les écouter c'est une histoire sans fin. sur laquelle on peut broder jusqu'au sommeil.
La Vis


Il en va ainsi toute la nuit. Jusqu'au jour. Où ils disparaissent sans un mot.


En Ariège : Le Laparan


Mérens, Ariège








Sauf en montagne, sous la neige...



Je ne m'en lasse jamais et je recherche toujours les conciliabules des rivières.


Sans les comprendre pour autant...


Mais n'allez pas les chercher au pied des cascades. Peut être y sont ils aussi les habitants nocturnes des rivières mais allez les entendre dans le fracas assourdissant des paquets d'eau qui se jettent dans le vide..
Aveyron

 Même quand la cascade se veut ténue et discrète...
Peut être sont ce là que se disent les plus grands secrets ? 
Allez donc savoir....



 Sur le sentier conduisant à Sem
Ariège / Vicdessos





jeudi 28 janvier 2016

Mon petit copilote

Petit...Petit...Faut le dire vite...quand on voit ce gros matou de quelques kilos que je me suis décidée à emmener loin de la maison, environ  200 km et pour deux jours. Le pari est gros mais je suis confiante. On prend l'autoroute pour 80 km tout d'abord et il observe. Lison n'en faisait plus cas mais pour Mathurin tout est nouveau. Il n'a pas peur, il discute simplement beaucoup et observe avec attention le trafic constitué surtout de camions. Il finit par s'installer sur mes genoux, très rassuré.

Pendant le trajet


Nous partons pour le département voisin de l' Aude , j'ai une destination bien précise, le Cabardés .
Une petite halte repas en bord de Canal du Midi me permet d'observer Mathu à l'arrêt : il ne va pas jusqu'à sortir mais il regarde avec attention et ne se cache pas dans l'armoire, c'est bon signe.






Canal du Midi 17 eme siècle



Au contraire il est attentif à tout.

Situation du Cabardés
Par les petites routes nous gagnons le Cabardés : c'est une région située au nord de Carcassonne et limitée par les crêtes de la Montagne Noire et le Pic de Nore, 1210 m.
Le sud  Cabardés est plutôt consacré à la vigne, le nord est très boisé , vallonné, montagneux , humide et doté de nombreux ruisseaux. Anciennement on y trouvait des industries textiles comme dans le proche Tarn.


Pic de Nore; Lapradelle Cabardés


Près de Lapradelle Cabardés

Mon but est le village de Mas Cabardès, lové au fond d'une étroite vallée, tout au bout d'une route fort étroite. Il fait très gris, c'est un peu triste mais la présence de Mathu ensoleille mon week end.
Mon petit copilote prend son rôle très au sérieux : il consulte la carte et la route, il évalue la largeur du véhicule, surveille que nous ne versions pas dans le ruisseau : une journée éprouvante pour ce matou concentré

Petite route de Mas Cabardés


"Je surveille la route"

"Je surveille les bas côtés"


"Enfin rassuré je peux me reposer"

Pendant que je fais quelques haltes photo, il est un peu inquiet et scrute mon retour.


Un vrai château d'eau 
Murettes très très humides


Arrivés à destination pour la nuit, ce sera le test. Il a juste dormi une seule fois dans le camion, au bord de la mer, près de la maison. Ici, à 200km, si cela se passe mal....

Je l'habitue un peu à m'attendre pendant que je visite Mas Cabardés de nuit; c' est un joli village  doté d'une église (16 eme) au clocher octogonal. Les ruelles sont étroites, plutôt en escaliers et derrière les fenêtres j'aperçois des bribes de vie familiale, le repas, un chat lové sur un fauteuil. Je passe inaperçue dans la fraîcheur et le silence de la nuit.


Eglise St Etienne

La croix des Tisserands
datée de 1545




















Je rejoins Mathu qui m'attend au chaud à notre hôtel situé au dessus de la cascade.


 Un fort vent marin souffle, un peu tempêtueux, cela me plait.La présence de Mathu adoucit l'absence de Lison, lourde à porter, même si nos conversations sont différentes : Lison comprenait énormément de mots, les mots du voyage, de la route. Mathu a ceux de la vie sédentaire. Il va passer la nuit très calme, sous la couette, étendu contre moi, ses pattes dans ma main, et de temps en temps m'octroie de grands bisous affectueux: tout du bonheur !
Notre bivouac

Le matin nous trouve dispos après plus de 10 h de sommeil et c'est reparti pour la suite du Cabardés. 
D'abord cette étonnante ruine, une ancienne abbaye érigée aux environs du 13 eme siècle mais tombée en désuétude dès le 17 eme suite à des conflits entre communautés religieuses. La région, en outre,  a été malmenée par l'histoire : Cathares, Guerres de Religion, grande peste.

Saint Pierre
 Par monts ou  par vaux, le paysage change; tantôt d'épaisses forêts dans les vallées encaissées, tantôt un paysage plus ouvert mais noyé de gris; toutes les nuances de gris sont au rendez vous de notre périple.






J'effleure au passage quelques curiosités : le village de Tourette Cabardés dans sa dentelle d'arbres.
Ce tout petit village a un lourd et tourmenté passé historique lié aux guerres de religion, à l'hérésie et aux cathares. Beaucoup de conflits et de souffrances sont attachés à ses murs et monuments


Ce village est doté d'un ensemble monumental, 
une église du 12 ème au clocher octogonal et  une tour, en schiste noir.




Source St Pierre

Un peu plus loin, Saint Pierre se manifeste à nouveau sous forme d'une source d'où jaillit une eau "miraculeuse" : elle soigne toutes les maladies ophtalmiques, en bains d'yeux ou compresses. Il ne faut surtout pas la boire et il est souhaitable de la recueillir le jour de la St Pierre. Cependant, les mineurs des mines d'or  Salsigne tout proche y soignaient leurs yeux irrités. C'est dire son efficacité ! J'en ai ramené une bouteille.





Le schiste, la pierre d'ici, donne aux monuments un aspect sinistre ; heureusement la mousse sait l'enjoliver. Par temps de pluie, c'est ....on peut imaginer ! Juste un peu plus qu'en ce 25 janvier !

Caudebronde  (sources diurétiques)
Je n'ai fait qu'effleurer ce Cabardés que je connais assez bien cependant. Bien sûr au printemps ou en été c'est bien plus riant. Même en automne d'ailleurs.

Pendant la halte repas en forêt de la Loubatière, Mathurin consent enfin à faire quelques pas dans le tapis de  feuilles, peu rassuré mais c'est un premier pas dans son avenir de voyageur.
Certes il n'est pas prêt à m'attendre pendant des heures quand je randonne, comme le faisait Lison , cependant je ne lui imposerai pas ce régime ! Une sortie de temps en temps et je peux vous assurer qu'il fut, ce week end, un chat heureux ! Je sais lire le pelage d'un chat heureux...



Pique nique en forêt : il fait très doux
dans ce non hiver



Allez, on reprend la route pour la maison, des routes qui iront grossissant au fil des kilomètres.



Cependant ma préférence va aux minuscules, désertes, loin de tout.
Avec un pareil copilote aucun souci à avoir !





dimanche 24 janvier 2016

Le livre de mes souvenirs : un jour d'été 2008

En feuilletant mes photos pour le Défi Nature de Facebook, une photo par jour pour rendre hommage à Dame Nature, je feuillette aussi le passé et mes souvenirs.

Je cherche dans ce lointain si proche un ailleurs que la montagne que je présente  régulièrement et dans ce petit voyage sur mon écran, c'est un merveilleux voyage qui s'ouvre à moi : celui des couleurs, des parfums, des bruits et des émotions.

Alors , de temps en temps, je vais aller exhumer de ma "boite à trésors" un petit souvenir et le faire parler...

Cet été 2008, j'étais allée rejoindre un couple d'amis sur l'estuaire de la Gironde, là où Dordogne et Garonne se rejoignent, se racontent leur parcours, leur vie, avant d'aller disperser en mer leurs souvenirs.


Mes amis avaient une maison ancienne fort belle et un grand jardin proche du fleuve: mon indépendance notoire leur avait fait accepter que je dorme dans ce jardin, dans mon petit camion, et même sur la dune, en bord d' Atlantique. Mon VTT était du voyage . Quelques jours extraordinaires...


Le temps fort du séjour fut la balade en mer jusqu'au phare de Cordouan. Situé à 7 km à l'intérieur de la mer, sur un petit plateau rocheux aménagé en îlot au 16 eme siècle, ce phare, classé Monument Historique depuis 1862, a comme tous les phares une longue histoire que je ne conterai pas et son lot de drames que je tairai aussi.

Edifié entre 1584 et 1611, il brave vaillamment les flots qui l'ont patiné.

On y va ?



Un bateau nous avait été prêté et j'embarquai avec un enthousiasme de gamine !

Droit sur Cordouan, 67m50 de hauteur.




Le lieu se prête à la pêche, à marée basse et nous ne nous priverons de rien, surtout pas d'huîtres.





 Cordouan est le plus ancien phare de France en activité.
Une page sur le web raconte très bien son histoire.(clic)



L'envers et l'endroit du décor : ma préférence va...à l'envers.



Qui semble revêtu de longues écharpes d'algues dans les drapés de sa robe plissée




La journée était splendide, j'étais noire de ce hâle de l'océan qui s'ajoutait aux couches de bronzage agricole et montagnard ! C'était le bonheur à l'état pur, de ces bonheurs simples dont la vie peut être faite parfois.


Toute belle journée a une fin mais...n'est ce pas le début d'une autre belle journée ?
Demain ou plus tard.




Je ne suis plus retournée là bas...J'en ai souvent rêvé.

Cordouan défiera bien le temps encore et saura attendre mon retour....