Les gorges de la Fou, contées en un précédent article, coulent au fond d'un impressionnant et bref canyon. 1.7 km. C'est sur cette distance que j'ai étudié la configuration des lieux en rive gauche sur quelques 300 m de hauteur. Soit aux abords de la route de Corsavy.
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Vue partielle de la rive gauche de la Fou (à gauche de l'image) |
Aujourd'hui, une route fractionne en deux parties la pente impressionnante de cette rive; cette route mène à Corsavy (puis à Batère, site minier désaffecté devenu refuge de montagne).
Cette route fut édifiée juste avant 1849, mais n'existe pas sur le cadastre napoléonien établi plus tôt (non daté); sur ce cadastre la route Arles Corsavy passait sous la crête du Puig de Capell, 607 m . La route nouvelle, d' Arles à Corsavy, emprunta une partie de l'ancien chemin des vignes. C'est une belle route qui, une fois l'an, devient le théâtre d'une course de voitures : "la course de côte de Corsavy". Débutée en 1960.
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Cadastre début 19 eme |
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carte IGN : la route actuelle en blanc |
En contrebas de la route , le Chemin des Vignes :
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Le Chemin des Vignes, réhabilité par les chasseurs |
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Son assise |
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Dans sa partie à l'abandon |
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Murs de soutien |
Donc il y avait des vignes et celles ci, mentionnées sur le cadastre et sur la carte IGN, ne sont plus qu'un ancien souvenir. Mais les pentes s'en souviennent encore. J'ai parcouru une partie infime de cette pente monumentale, en aval du mas des Balmes. Une pente emplie de chênes verts et bruyères, où s'étagent des terrasses brèves et solides dont on se demande si elles supportaient des ceps ou empêchaient le sol de crouler ! Ces terrasses vont jusqu'à s'appuyer aux falaises des gorges! Il faut s'accrocher aux arbres pour circuler dans ce relief escarpé. J'essaie d'imaginer le paysage d'antan...une merveille...
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Au dessus de la route de Corsavy, c'était des vignes |
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Et en dessous, aussi (ici route d'accès aux gorges) |
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Murette de vigne |
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S'adossant à la roche |
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Vestige d'escalier |
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Les vignes s'étageaient jusqu'aux gorges |
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Un brin de nostalgie ? En décoration |
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Et juste au-dessus en abandon |
J'ai même trouvé un fragment d'ancienne carcasse de voiture tombée de la route au-dessus.
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Vestiges de vertige automobile ! Et murette de vigne |
Les chasseurs y ont fait un sentier vertical menant aux gorges, mais le sentier horizontal (ancien chemin des vignes) y est bien visible avant que de se perdre plus ou moins. Il existe une source captée et abritée dans un petit bâtiment citerne : la "Font d'en Tallède".
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Citerne de la source captée |
La cadastre ancien mentionne aussi la présence de pâtures et de champs. J'ai retrouvé ces champs, de céréales certainement; ce sont, au dessus de la route, de vastes terrasses aux jolis murs, longs et bien rangés, face au sud. Des chênes verts, la végétation du département, s'y sont implantés, mais aussi d'énormes chênes liège qui ont été exploités, certains récemment.
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Murettes des champs, larges parcelles, |
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Vestige |
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Chêne liège très très ancien |
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Suberaie , peut être y avait il des céréales au-dessous ? |
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En contrebas de la route |
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Et en contrehaut : la route a tranché les cultures |
Des mas existent toujours : Can Japou trônait au milieu des champs devenus forêts. Les Balmes (les grottes), à présent au bord de la route, était alors à l'écart. Le mas des Viudes (veuves) au bord du chemin des vignes n'est plus qu'une ruine.
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Las Viudes |
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Le mas est grand mais embroussaillé, impossible d'y entrer |
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Las Balmes |
Et le Mas "Penjat" (pendu), sobriquet qui lui est resté car il est construit juste en surplomb de la route, dans une pente impressionnante couverte de terrasses anciennement cultivées : j'ai du mal à m'y tenir sans dégringoler ! Et la route est juste en dessous, très passante...brr...Si on ne me l'avait indiqué je ne l'eusse jamais trouvé, même pas indiqué sur le cadastre. Pour être pendu, il l'est !! Perdu aussi, à présent...
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Montée difficile au Mas Penjat |
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Descente périlleuse |
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Tout ce qu'il reste : tas de pierres et de tuiles...et des ronces |
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Complètement ruiné |
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Tout autour, des cultures |
Cette rive gauche avait aussi une autre vocation : celle liée à la pierre calcaire dont est faite le canyon.
Ce calcaire fut extrait à la carrière de la Balme, désaffectée actuellement; il m'a été dit qu'elle servait à la construction. L'accès est interdit mais facile, par contre il bute sur une falaise défendue par un grillage. C'est un site de protection des vautours.
Plus intéressante est la mine du Four à Chaux, explorée avec Nicolas (qui se passionne aussi pour le secteur); je l'ai suffisamment décrite pour ne pas en reparler. Par contre le four à chaux m'est devenu un peu plus familier : un appel d'air permettait la combustion du charbon de bois alternant avec les couches de pierre. Portées à une température moyenne de 900 °, les roches nécessitent 150 h de cuisson et 22 m3 de combustible (bois ou charbon de bois) pour obtenir 1m3 de chaux. Lorsque la cuisson est terminée, la chaux vive est extraite du four et arrosée abondamment pour obtenir la chaux éteinte prête à l'expédition. Ce four est très proche d'une falaise, cette configuration n'est pas anodine, concernant le chargement du four. Et peut être l'appel d'air.
Ce four n'est pas très haut et des orifices semblent attester d'une plate forme extérieure tout autour pour garnir le "gueulard" soit l'ouverture du haut. Ou pour la construction, peut-être. Ce four possède deux "ébraisoirs" , orifices permettant de retirer les pierres de chaux vive. Le mystère demeure quant à l'eau. Une ébauche de canal semble conduire au four, alors qu'il n'y a pas d'eau à proximité; d'où venait elle ? Conduite par tuyaux sans doute. Le bois provenait des environs, chêne ou bruyères, la déforestation a du être rapide, hélas.
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Arrivée d'eau ? Cela ressemble à une conduite |
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En façade, orifices ayant supporté un échafaudage |
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Les deux ébraisoirs du four |
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Un des deux ébraisoirs (granit ) |
Il est à noter que les blocs de granit ont été importés et taillés sur place.
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Intérieur du four (comblé en partie) Aucune trace de feu ni de briques réfractaires |
Au dessous du four, une construction en pierres serait elle un bassin comblé ? Je n'en saurai pas davantage; en tout cas ce four ne figure pas sur le cadastre ancien.
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Le supposé bassin |
Y figurent par contre les parcelles de terre en terrasses, entre le site minier et l'à pic de la falaise. Le secteur se nomme "vinyasse" (vigne). Mais la lettre T indique "terres". Aujourd'hui une magnifique forêt de chênes verts occupe l'espace. On y découvre quelques murettes, correspondant sans doute aux parcelles de "terres" (T) incluses dans les "pâtures" (Pa). Cette magnifique forêt s'insinue partout et bute sur l'à pic des hautes falaises. La parcourir est un régal, un peu glissant ce régal...
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En contrebas du four et à :l'aplomb des gorges |
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3 terrasses : lieu dit La vignasse |
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La magnifique chênaie |
Mon inventaire serait incomplet si je ne mentionnais pas le moulin situé à la sortie des gorges, au bord de la rivière, près du pont de la D 115. On n'en voit rien, sinon un reste de mur enfoui dans la végétation; le canal d'amenée est encore en service, il doit desservir quelques jardins en aval. De quel type de moulin s'agissait-il ? La vallée du Tech dans ce secteur regorgeait de moulins mais l' Aiguat de 1940 a du tous les emporter.
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Pont de la D115 sur la Fou Le moulin était proche |
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Canal d'amenée : prise d'eau |
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Canal d'amenée |
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Ruine du moulin (marqué sur cadastre napoléonien) |
Au cours de mes quelques brèves mais puissantes excursions sur ce site escarpé, sauvage, désert, j'ai pu recréer un instant le paysage, mesurer l'immense effort des gens d'antan pour mettre en culture, ériger des murs, travailler, récolter, dans un site aussi inhospitalier que grandiose. C'est sans conteste ce qui m'a le plus frappée : inhospitalier et grandiose. On ne sort pas indemne des pérégrinations en ce secteur et si on en sort indemne physiquement, c'est grâce à une extrême prudence et concentration. Je ne proposerais à personne d'aller à la découverte de ce secteur, cela ne ferait certes pas un objet de tourisme et pourtant...comme ce fut vivant...comme la montagne m'a parlé ! Tout est mort là bas, même le grand canyon a rendu l'âme. la Nature ne demande qu'une chose, reprendre ses droits et chasser l'importun.
Toutefois j'ai encore quelques balades en perspectives pour aller importuner la rive droite. Que je vous conterai bientôt. Avant de m'évader sur des lieux enfin bien dégagés ! Et moins bavards...
Les sites concernés, dans les ellipses rouges :