Pas de désert ni de dessert !
L'un comme l'autre étant mes Garrotxes préférées....
En ce samedi 24 mai, je retourne sur "ma " route alors que le ciel est maussade et que quelques gouttes de pluie réveillent la nature.
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Les Garrotxes dans le département 66 |
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Situation géographique |
En préambule: situation des Garrotxes, région particulièrement aride et désertique.
La montagne, aux alentours de Cabrils (cf mon précédent billet), au fil des siècles, s'est désertifiée, a perdu toute son économie vivrière et compte aujourd'hui de rares habitants et plus aucune culture.
L'été elle revit avec le tourisme rural, un festival de musique classique et bien sûr la montagne environnante: le
Massif des Madres qui attire les randonneurs.
L'hiver c'est la léthargie tranquille des villages de moins de 30 habitants, villages de charme cependant.
A la rencontre desquels j'aime aller, ce n'est un secret pour personne.
Me voici donc dans un paysage que le printemps fait chanter malgré l'averse, comme chante tout au fond
le Cabrils grossi par la fonte des neiges.
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Ma "route 66" s'étire comme un serpent que le printemps réveille |
Les Garrotxes comptent peu de villages, j'en choisis deux ce jour : Railleu et Sansa, tous deux situés à 1360 m d'altitude.
Raillleu -15 habitants- est niché dans une profusion de fleurs : j'ai imaginé que le maire était une femme pour fleurir aussi élégamment son village. Car cette profusion se double d'élégance. Une touche féminine..
(Pardon si je fais erreur!)
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Eglise Saint Julien 17 ème S |
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Au fil des rues |
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Pas un chat ? |
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Il y en a au moins deux ! |
Dans le village je ne rencontre quasi personne mais je ne peux dire "pas un chat" car celui ci me fait les honneurs des ruelles ...à distance prudente toutefois.
Railleu est escarpé, fleuri, impeccable, et prépare les élections européennes. La mairie bruisse de voix humaines en attendant les voix muettes des votes.
Je me rends à l'église, l'actuelle, St Julien, haut perchée avec des allures de château fortifié.
Le cimetière attenant , long et étroit, sous lequel veillent des jardins et un épouvantail, peut s'énorgueillir de cette vieille couronne de perles, objet d'un autre âge, surmontant une tombe : ces couronnes de verroterie me fascinent toujours malgré les ans (les leurs et les miens surtout).
Railleu eut un vieux village comme tous les villages des Garrotxes : l'ancien village situé au-dessus de l'actuel mourut des guerres franco espagnoles du temps où la région était espagnole (avant 1659) et où les Français brûlèrent et détruisirent les villages, au 16 ème S. A cela s'ajouta la peste, qui eut les mêmes effets destructeurs et les Garrotxes perdirent la vie bien avant de la reperdre au 20 ème siècle pour d'autres raisons (économiques et guerre de 14/18).
Je me rends donc à ce vieux village dont il ne reste rien, juste un pan de la chapelle du 13 ème siècle.
Et quelques tas de pierres, vestiges des modestes demeures de l'époque.
C'est dans ces ruines que je vais sceller mon sort : me priver de montagne.
Une méchante ferraille fichée dans le sol mord cruellement ma plante de pied bien chaussé, dans une fulgurante douleur dont je ne suis pas encore guérie à l'heure où j'écris ces lignes.
Rien de grave mais invalidant : moi qui galope, je fais connaissance avec le bâton de rando en guise de béquille.
Railleu est le pays du granit: ses carrières servirent à un grand nombre de réalisations au XX ème siècle : ponts, usines, murs etc...dont le célèbre Pont Séjourné du petit train jaune.
Quelques kilomètres plus loin, Sansa sera mon hôtel de nuit.
Sansa : 20 habitants.
Le village a subi le même sort que son voisin mais la première église est intacte, remarquable d'ailleurs.
Ainsi le village compte deux églises, la seconde reconstruite au 19 ème "en haut" ainsi que le "nouveau" village, contrairement à Railleu où ce fut "en bas".
Cette église romane survécut ce qui n'empêcha pas le nouveau village d'éloigner le mauvais sort en en construisant une 2 ème.
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La nouvelle |
10 ème siècle
19 ème & 20 ème siècles
Eglise St Jean
Je campe au pied de l'église, avec, depuis mon "balcon" une vue imprenable sur les Pyrénées
Le regard de Lison s'effare ! Et pour cause....Eux ne la verront même pas! Mais ils assisteront à tout mon repas, sous le regard outré de la Dame de Céans.
Dimanche matin, je visite les environs de mon hôtel:
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Balade en rues, en couleur |
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Murs de maison, de four et de soutien En granit |
Je me rends à la mairie, non pas pour voter mais pour me renseigner.
L'accueil est chaleureux d'autant que les électeurs sont peu nombreux.
Alors je glane une moisson de renseignements sur ce village extrêmement vivant ; une mise en valeur du patrimoine y est très ardente: création de sentiers à thèmes (l'eau, les cabanes, les moulins), mise en place de panneaux pédagogiques, un engagement sûr et efficace.
Qui me conduit donc sur cette piste vers le Pla de l'Orri.
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Piste du Pla de l'Orri et du Col de Sansa Vestiges de terrasses et cultures |
Piste qui croise le Cabrils gonflé d'eau, arrogant et puissant. Bouillonnant et bruyant.
A plus de 1700m le Pla de l'Orri ouvre sur un vaste horizon enneigé, des montagnes à perte de vue et , à mes pieds, un parterre de fleurs dans la pelouse, de l'eau qui chantonne, une biche affolée, un vent frisquet...et une merveilleuse solitude. Doublée d'un bon repas.
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Cortal Delcasso : 24 m x 7 m, voûtes en ogives, accueillait 300 moutons |
Ici, on l'appelle "la cabane" : c'est une immense bergerie de pierres, couverte d'une toiture végétale, dotée d'arches et de solides granits, en
"espérance de réhabilitation".
Je marche -péniblement et en douleur - au long d'une piste qui me conduit à
une cabane de berger, un "orri" comme on dit en pays catalan, avec sa coupole de lauzes et son regard grand ouvert vers le soleil.
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L'orri de Monsieur Hullo |
Un peu plus haut un autre orri pointe son nez mais je n'irai pas jusqu'à lui.
Par contre je découvre des restes de scories qui attestent de l'ancienne présence de forges et
la falaise du "llosaïre"! Si l'orri est en granit, ici même se trouve la limite schiste et granit; l'un comme l'autre entraient dans l'architecture locale; le llosaïre faisait provision de lauzes pour construire les toits !
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Le marché du "llosaÏre" |
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De l'une ....aux autres |
Avant de quitter Sansa où j'ai ramené mes roues plus à l'aise que mes pieds, je vais visiter le sentier des moulins.
Je verrai le
mouli del magre (le moulin du maigre), récemment réhabilité....Il y a un an jour pour jour.
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Moli del Magre Moulin à farine traversé par une dérivation du Cabrils (la voûte en arche) |
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Les meules mues par l'eau |
Un peu en aval, les ruines du moulin de Blazi, alimenté lui aussi par un canal dérivé de la rivière
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Murs du Moulin de Blazi |
Je n'ai pas su trouver les ruines du
moulin du "serraïre" (de serra = scie) soit le moulin du scieur de long.
Et puis mon pied enrageait d'être aussi maltraité....
Mais que cette rivière "le Cabrils" était belle!
Et si elle ne fait plus tourner les moulins, elle fait chanter la vallée.