dimanche 28 juillet 2019

Elle s'appelait EloiE et n'avait pas un an


12 mars 2019

Je me penche sur l'asphalte et je ramasse le petit corps étendu de tout son long. Il est chaud encore, souple. Un peu de sang coule des babines, les yeux sont ouverts mais pas un souffle n'anime le petit corps roux et blanc, pas un battement de coeur. Une marque noire souille la cuisse, celle du pneu qui l'a heurtée. Le petit corps est celui d' EloiE, ma jeune chatte de 11 mois. Et je suis là, désemparée, ce petit corps inerte sur les deux bras, choquée, pétrifiée. Mon "bébé" plein de vie quelques instants auparavant, espiègle, mutine, a perdu la vie exactement au même endroit que Bertille un an auparavant, Bertille à qui elle ressemblait tant. Perdu la vie devant ma maison, d'un seul coup, sans souffrir, heureusement. Je suis là, ce corps mort dans les bras, comme si je pouvais lui redonner la vie.....Je ne peux me résoudre à le poser....


Dernière photo d' EloiE, 11 juillet 2019
En compagnie de Nina, elles adorent mon tapis tout neuf

EloiE , c'est une belle histoire, très parallèle à celle de Bertille que j'ai contée ici (clic): j'en ai conté le début, pas la fin. Et bien je vais conter ces deux histoires si similaires. Je me plais à croire que souvent un chat qui en "remplace" un autre, enfin qui arrive à sa suite car personne ne remplace personne, a le même type de comportement, comme une suite logique ou une reprise du fil de la vie là où il s'est arrêté...
Ainsi Nina a tant de similitudes avec Lison même si j'ai tout fait pour que ce ne soit pas.

EloiE : voici son histoire. Banale et jolie.
Eloie était une rescapée à la naissance. Elle vivait avec maman chatte et ses 2 frères et soeurs dans un local insalubre auquel j'avais accès pour les nourrir. Puis maman a disparu avec deux chatons et ce minuscule bébé, sauvage comme les autres, inapprochable, est resté seul dans ce taudis agricole empli de puces et de puanteur. Un jour alors que je fermais la porte, ce bébé a hurlé : "Emmène moi ! ne me laisse pas tout seul !".
Alors je me suis précipitée, ai cueilli un bébé docile dans le moteur d'un vieux tracteur et ai emmené chez moi une chose puante, couverte de puces et marron de crasse.
Deux bains, un épouillage et voilà entre mes doigts une petite chose blanche et blonde, que je nommai Eloi.


21 septembre 2018



Juste après le séchage

Eloi passa quelques jours en nursery et devint EloiE puisque c'était une petite femelle. Suivit un long travail d'intégration dans la Tribu, EloiE grandit, devint une mignonne chatonne qui avait fait de moi sa mère et qui, le soir, devant la télé (nous étions en automne puis hiver) venait téter le lobe de mon oreille; je laissai faire, le sevrage viendrait. Elle s'enroulait autour de mon cou, tenait dans une seule de mes mains et je la pétrissais doucement, il lui manquait sa maman.

24 septembre

27 septembre



2 octobre 2018



Décembre 2018 avec Blizzard

Sa maman entre temps était revenue brièvement dans le local agricole, elle se fit écraser et je l'enterrai au "cimetière des chats" par une belle journée d'octobre.
Le sevrage se fit en douceur, la stérilisation se passa sans heurt et EloiE s'amusait avec Mathurin qui veille toujours sur un nouveau chat, avec ce sauvageon de Fernand issu du même lieu qu'elle. Sa vie commençait bien; le premier feu dans la cheminée, le premier week end à vivre mon absence, mon premier retour salué avec joie.
Mais il y avait Nina!
Nina

Nina qui refusa tout, jalouse au maximum. Refusa les partages, refusa les jeux.
J'assistai sidérée à un phénomène surprenant.
Autant Nina avait pris une grande partie des comportements de Lison, autant EloiE se muait en Bertille .
Une Bertille qui, de chatte souffrante et traumatisée, s'était transformée en chatte épanouie et pleine de vie.


Bertille janvier 2018

Bertille mars 2018


Bertille avait appris à vivre, à regarder un humain dans les yeux, à parler, à jouer, à devenir presque dominante. Bertille harcelait Nina, la poursuivait, et cela donnait lieu à de féroces mécontentements. je devais sans cesse mettre de l'ordre et préserver une Nina qui ne savait pas s'imposer. Même chose avec EloiE. Bertille, chatte propre, ne savait aller à la litière que pour son pipi, ses crottes elle les faisait au sol devant la litière, ou au garage. EloiE pareillement. Je n'avais su trouver de solution pour l'une, pas davantage pour l'autre.  Nina se repliait sur elle même et avec Bertille comme avec EloiE j'avais toujours du la protéger. A peine délivrée de Bertille , elle fut persécutée par EloiE.

Sieste, 17 février 2019
 EloiE m'adorait, me parlait, se lovait contre moi, suçotait encore parfois mon oreille, m'attrapait d'un vif coup de patte quand je passais devant elle, jouait avec moi dans des courses effrénées, elle qui avait été si joueuse dans sa toute petite enfance.  Que de fous rires et de courses poursuite dans les escaliers nous avons partagé ! Que de choses elle me racontait.
C'était une chasseuse née et  prise par sa passion, elle traversait la rue à la poursuite d'oiseaux.
Aux aguets 25 février 2019
Des yeux de la couleur du pelage
La chatte caméléon 29 juin



Un jour d'été Bertille se fit écraser devant ma maison. EloiE mourut pareillement, au même endroit. Juste un an après.

Petite tombe en terre très sèche
24 juillet 2019








Alors si Bertille repose en mon jardin, EloiE repose dans un autre jardin, car je n'ai plus de place, un joli jardin planté de lauriers roses et blancs.




Elle repose en ce grand champ, au pied des lauriers roses

Je l'ai couchée en terre près de sa maman, en compagnie de Firmin et d'autres ne m'appartenant pas, couchée sur un lit de fleurs, deux roses, une rouge et une blanche sur son museau, enroulée dans un tee shirt m'appartenant. sa petite plaque tombale est un marbre blanc roulé par la rivière, ramené des montagnes. Où j'ai écrit son nom. Et j'ai du chat grin. Un gros chagrin que le temps apaisera mais comme Bertille, comme les autres, Firmin, Petit Grain, Mandarine, Basile, et tous les autres, EloiE ne s'effacera jamais de ma mémoire et sera parmi mes plus beaux souvenirs.

Au pied d'un massif de lauriers 
Oui on peut regretter un chat autant qu'un humain. Il faut bien l'avouer.

Vers le Paradis des Chats




mercredi 24 juillet 2019

Ariège : à deux pas du Pic Fourcade, 2675 m

Ou l'absurde randonnée!

Pourquoi absurde ? Parce que personne ne va là bas. Qui pourrait être tenté par ce décor, ces couleurs, ces déchirures, ces rocs déchiquetés, cette violence minérale ? Seuls les grimpeurs s'y mesurent avec bonheur. Les randonneurs choisissent le voisin et déjà redoutable Pic de Rulhe (clic), où j'étais voilà 4 semaines. Je tombai immédiatement amoureuse du Fourcade, on ne choisit pas ses coups de foudre!


Sur une image du 23 juin (avec neige encore) en rouge le lieu où je me suis posée hier : 2665 m
Parking de Pla de Peyres : 1699 m
6 h 38, réglée comme un métronome (sans user du réveille matin) je m'élance dans un matin pâle et balayé de vent du sud, sur le sentier qui mène au refuge du Rulhe , passage obligé. Je suis seule, il fait déjà 20° mais le vent frais invite bien à la marche. Les départs sont toujours difficiles, toutefois 1 h 26 plus tard j'ai franchi les 3.2 km et les 489 m de dénivelé. Je ne vais pas vite, par incapacité mais aussi pour me ménager, la rando sera dure.

Refuge du Rulhe, Pics Fourcade 2675 m  et de Rulhe 2783 m

Cette fois je ne pars pas avec un objectif précis : pas de sommet, juste faire ce que je pourrai. Mon itinéraire a été préparé sur une photo que j'ai prise à mon dernier passage, il existe une "face cachée" à mi chemin et la région sommitale demeure du grand mystère, cela me plait! Car, à part des topos d'escalade, le site reste muet. Absurde mais terriblement attirant. Aurais-je des relents des goûts d'aventurière de ma prime jeunesse ?
Je gère le souffle, la nutrition, pas au mieux, je suis impatiente. Au Col de Calmette, 2330 m, je quitte le GR et m'enfonce dans le cirque rocheux, déblayé de toute neige; pour économiser, j'emprunte le sentier que je partage avec un belge et ses enfants, en bavardant.

Pic Fourcade et le cirque à remonter (par sentier)
L'envers de la vue précédente
Alt 2549, 9 h 49, je leur fausse compagnie et je file à gauche dans une barre rocheuse qui annonce bien l'apéritif et le menu du jour. Sans doute même le dessert.
Des comme ça, il y en a partout
En fait au Col de Calmette, j'ai repéré un couloir menant là où je vais, le choix est cornélien : y monter ou le descendre ? Pour rester fidèle à mon itinéraire choisi sur photo, ce sera descente. A postériori, j'ai bien choisi car j'en ai vraiment "décousu" à la montée alors que j'étais encore fraîche.
Donc alt 2549, je file rejoindre la crête en dessous de laquelle se cache mon chemin.

De mon perchoir, l'étang de Couart
Et ce vers quoi je vais
Quel va donc être mon chemin ? Celui repéré sur photo depuis le Rulhe est le suivant

En bleu, cela répond à la partie cachée de la dernière photo de cet article
Dans le cercle, mon perchoir final (c'était pas prévu d'avance par contre)
Je sais qu'il faut descendre et rejoindre le pierrier pour remonter ensuite le couloir herbeux, mais ce serait trop simple et puis pourquoi faire simple, n'est ce pas ? Par paresse, pour ne pas descendre 50 m, je vais choisir la traversée en roche et en courbe de niveau. Ah quand je dis roche....je ne savais pas ce qui m'attendait! Une paroi abrupte, semée de jardins (pelouses et fleurs) c'est joli : mais alors c'est pas pratique; d'abord ce matin je n'ai pas le pied marin, ça n'arrange rien. Ensuite les roches sont peu commodes. Verticales, certes, avec d'étroites vires où j'ai une peur bleue donc je les redescends, j'essaie, je recule, je monte, je descends mais j'avance...et je dévore mon énergie ! Je ne prends pas de risques, ou le moins possible, seuls les vautours me guettent .
En images :


Alors pour ne pas descendre, je fais une traversée latérale

Bien surveillée : grrr

Et ici aussi, mais je les oublie

Dans mon dos les voisins spectateurs bien alignés

 Voici une belle dalle, je la grimpe sans mal, mais il me faudra la redescendre au final. Voici une étroite vire, je sais que je peux, mais seule je recule. ça commence à m'énerver grave alors je descends, pas aisément, jusqu'au pierrier. 42 minutes de varappe m'ont passionnée mais sont énergivores. Faisons table rase de ces falaises !

A escalader puis à désescalader

une vire étroite






Chemin de descente
Pas facile de circuler là dedans
 Là j'attrape le couloir de roche et d'herbe, les éboulis étant plus commodes et je grimpe ; je rattrape le dénivelé perdu, il est petit à présent car j'ai quand même bien avancé dans la paroi, il me restait si peu...  Mais je suis en sécurité.J'avance bien, autant que possible dans le pierrier qui est plus commode pour moi que la pelouse.

Enfin au sol !







Ce sera tout droit ! Un bon 45 °



















Un peu de repos, en fait c'est tellement raide que j'ai peur
que l' APN ne prenne que mes jambes !

 Mon petit couloir en forme de virgule est là . Une autre voie se dessine à gauche, je la laisse, elle va, je pense au milieu des Fourcade.


L'envers de l'image de gauche
J'ai grimpé tout ça et c'est raide.























Alors que vois je ?
Le Pic d' Albe n'a rien de blanc

Des parois rocheuses et infranchissables, des arêtes inusables, des vautours haut perchés, le lac de Couart, grisâtre car ce matin rien n'est franchement bleu, l'étang d' Albe qui se dévoile et le Pic d' Albe que je brigue depuis des années, et puis mon délicieux chemin vers le ciel. ça se grignote, je pourrais filer à gauche vers un des pics Fourcade (cime ? antécime ?) et puis j'avais choisi mon petit couloir tordu comme une virgule, véritable balcon de pelouse qui me conduit au terminus du jour, un sommet, 2665 m dit mon GPS. Le vrai sommet est à 2675 m. Une broutille...infranchissable. Il est 11h 50, j'ai marché (hors arrêts) 4 h 15 pour arriver là.
Quel belvédère ! Je suis à cheval sur deux versants, le nord et le sud, tous deux sont beaux et je vais rester sur mon perchoir 30 mn, (comme le vautour ?) pour me nourrir un peu et déguster beaucoup le paysage. Et le silence, la solitude, le décor, le bien être. S'ajoute l'itinéraire de descente que j'étudie en détail.

Terminus 2665 m

Fourcade ou antécime ?


Je me régale ! Dans cette
absurde randonnée !

Ce sont mes deux proches voisins, on se sent un peu petite entre ces deux cerbères: un des deux, même pas la peine d'y rêver, l'autre, pourquoi pas ?
Alors j'essaie, sans conviction d'aller me frotter à ce que j'imagine être le Pic ou son antécime au mieux; une petite séance d'escalade jusqu'au moment où un grand toit m'arrête: il ne se contourne pas, je ne suis pas déçue, je manquais de conviction.
Terminus, on en restera là !
J'entends rouler des roches, ce sont trois isards qui détalent: m'ont-ils vue ? Ont ils peur du vol de trois vautours? Quelle débandade dans mon petit couloir virgule ! Je me penche pour mieux les voir mais ils ont descendu à toutes pattes.


Très pressés : le Diable aux trousses ?




















C'est vrai qu'il n'est pas engageant !


Je redescends récupérer mon sac et j'entame la descente, midi sonnant au clocher (des vaches).  Elle est magnifique : une grande pente assez herbeuse, un vrai jardin fleuri, de jolies et vastes dalles faciles à descendre, j'utilise pour ce faire leurs failles, et je poursuis sur plus de 800 m cette descente fleurie entre deux sombres parois rocheuses. C'est bêtement splendide.


Jardin de montagne

ça descend très fort
Une idée de la déclivité

Dalles et barres rocheuses faciles

Il me tente mais trop excentré

Ce sera tout en roche à présent 

Un gros massif de fleurs jaunes marque la limite avec le pierrier : et quel pierrier, digne de celui des Besiberri, ce ne sont pas des rochers ce sont des monuments, ce ne sont pas des interstices, ce sont des cavités. mais j'aime marcher là dedans; ça me conduit gentiment à ce laquet que je brigue depuis un moment et, même s'il n'est pas profond, il m'accueille pour un bain en eau glacée. Il est 12 h 55, le soleil est brûlant.

J'adore ce terrain : passer de roc en roc, descendre dans les cuvettes , se jucher sur un grand rocher

Le laquet d'eau glacée

Eglantine et linaigrette


J'y resterai 25 mn, malgré les nuées orageuses qui envahissent le ciel. Je m'arrache à regret et je rejoins le beau GR, j'ai parcouru 1 km depuis le sommet, 1 km pas en pente douce ! Et je n'ai vu personne...évidemment ! Même pas l'ombre d'un grimpeur : crêtes et sommets, dalles et rochers, tous sont restés muets. Ni la trace du moindre sentier, du moindre cairn, un lieu vraiment à l'écart de tout sans toutefois être inhospitalier, un lieu dont je suis sous le charme.







14 h 10 : la civilisation se retrouve au refuge, les gardiens m'offrent même de leur repas avec beaucoup de gentillesse. C'est une halte à recommander pour l'accueil, le cadre, même si, comme moi,  on ne fait que passer. Mais quelle convivialité sur cette terrasse ensoleillée ! Et quel décor...

Fourcade et refuge du Rulhe : envers et endroit du décor


En chiffres
Distance : 13.2 km
Dénivelé positif cumulé : env 1050 m
Temps montée au sommet : 4 h 15 dont  45 mn de varappe 
Temps de marche total : 7 h
            +
La route : 180 km et 3 heures
La "partie montagne" du trajet