C'est un petit voyage sans prétention, un billet sans intérêt sinon juste un clin d'oeil à Camille .
Dont j'avais dressé un portrait sans concession (clic) en août dernier
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Je dédie ce voyage à Camille, mon sauvage alter égo qui a fait le choix de son dernier voyage.
Photo France Priet |
C'est une petite route au milieu de nulle part, qu'on aurait pu faire ensemble vers les montagnes que nous aimions avec nos deux véhicules, vers un bivouac fait de rires autour de la petite table de camping , devant un verre de muscat. Et des victuailles." Et un melon tout rond qui, cette fois, n'aurait pas filé droit dans la rivière". je te l'avais promis, Camille, tu ne m'as pas attendue...
Le destin en a décidé autrement, alors je parcours cette trouvaille longue de 30 km toute seule, avec Lison, et la pensée de Camille.
Santa Maria de Besora |
Après une nuit à Santa Maria de Besora, entre Vic et Ripoll, tôt réveillée par le coucou, et une bonne grimpette aux ruines du château local, je file "cap amunt" en amont dans la vallée. La route s'achève à Vidrà mais un panneau touristique m'indique un ruban jaune qui continue, continue dans des zones marron foncé dans les montagnes les forêts et le désert humain. Renseignements pris "elle est goudronnée mais très étroite"...rien ne me décourage .
Alors je roule. le paysage est bucolique, hêtraies trouées de pâtures parsemées de masias (fermes) et résonnant des sonnailles du bétail. Avec le parfum de l'herbe et le chant de l'eau.
Parlons en de l'eau ! les rivières coulent et sautent sur un socle de pierre lisse, en grandes dalles blondes continues . Un ruban. Le socle est rocheux juste recouvert de peu de terre arable.
Que l'eau emporte. En courant.
Collfred |
Collfred |
Je roule lentement, me repaissant du paysage, des vertes forêts aux bourgeons naissants. La circulation est quasi nulle et les croisements aléatoires. Peu m'importe.
Cette route n'a pas d'identité : aucune borne, aucun numéro, aucune initiale.
Des virages, des lacets, des fleurs, des forêts et parfois de belles ouvertures vers des rares fermes ou des vallées cernées de pitons volcaniques.
Camille ne m'accompagnera plus sur ces chemins d'aventure et ma pensée ne le quitte pas; c'est un dernier hommage que je lui rends. Il ne sera plus là pour m'expliquer les plantes et les fleurs, lui l'érudit botaniste.
Il ne sera plus là pour partager rires, plaisanteries, souvenirs ou inquiétudes pour l'avenir.
Désormais, en montagne, je regarderai les plantes sans les comprendre, les nuages sans les lire et je ne fabriquerai plus de liqueur à base de végétaux dont il connaissait le secret. Ou je n'observerai plus ces plantes qui soignent. Il ne me montrera plus ce qui est exceptionnel, rare ou banalement commun. Camille me laisse orpheline de connaissance.
Je ne râlerai plus après ce vieux garçon plein de manies, de travers et de gentillesse autant que d'égoïsme.
Perdue dans mes pensées et ma tristesse je me penche vers cette route qui, ce jour, revêt l'aspect d'un symbole.
Des questions sur la mort : celle qu'on choisit, de façon délibérée, pour échapper non à la maladie mais au vieillissement, au déclin des forces. A la solitude. A un avenir effrayant et incertain. Une mort dont on se sent coupable, un peu, beaucoup. Une mort dont on se dit ..."Après tout pourquoi pas ? Qui a raison ?"...Je parcours 30 km en buvant le paysage et mon chagrin.
J'espère, je sais qu'au bout de la route viendra l'apaisement ...Je marche dans ma tête, je décortique, questions sans réponses...non dits...actes manqués...regrets...J'aurais pu, j'aurais du....peut être...
Camille me manquera quand même. Il a été un homme brillant et digne, il est mort digne.
Seul comme il a vécu. Artisan de son destin comme il l'a toujours été
Fleurs de thym à gauche |
La route défile son ruban minuscule et tourmenté, aussi tourmenté que moi; tout un symbole...
Les ruisseaux que je rencontre bondissent de cascade en cascade sur leur dalles blondes.
Je les suis pensivement, les pieds dans l'eau.
Quelques fermes s'accrochent sur leurs terrasses au milieu des pâtures.
Heureux, les motards enroulent les courbes à leur guidon et les cyclistes grimaçants de douleur franchissent des côtes cimentées tant elles sont escarpées .
Côte cimentée |
Elle y court au bout de sa laisse, attentive aux bruits des sous bois...Grattant dans l'humus à pleines griffes.
C'est le printemps !!! |
J'ai le coeur en hiver.
Sierra volcanique del Puigsacalm 1515 m |
La route, toujours aussi minuscule attaque rondement la descente : très forte la descente, avec lacets, virages et de plus en plus de fermes . Enfin sans crier gare, elle débouche dans la large plaine de terres volcaniques des environs d' Olot : La Vall d' En Bas.
Plus exactement , longeant un ruisseau elle parvient à une grande masia et là : stupéfaction !
Elle se termine avec le franchissement de ce grand portail très ancien , resté là symboliquement; j'imagine que cette route sans identité fut longtemps un chemin de terre privé reliant à travers les montagnes les deux vallées du Ter et du Fluvia mais gardant , malgré une apparente modernité, son caractère originel...
Vers l'aval |
Je n'ose pas imaginer me trouver devant un portail cadenassé....
Mais le demi tour et la route à l'envers ne m'eussent en rien dérangée..
C'est vraiment tellement beau
D'où je viens |
La tienne commence vers un ailleurs dont je ne saurai rien...
Adieu l'ami : bon chemin.....vers les nuages
que tu connais si bien.
que tu connais si bien.