A près la pluie, sous un soleil sépia, je prends le sentier pour St Guillem; ne soyons pas gourmande, le temps est trop instable et mon équipement sommaire. Mais après une nuit sous la pluie, (clic pour mon 2nd blog) pourquoi pas la balade ?
St Guillem dans son décor |
Le sentier n'est pas très long ni très pentu, 2.7 km, pavé par places, étayé de murettes car le versant est fort escarpé et suit, en hauteur , la Coumelade, un torrent né à 2586 m d'altitude et se jetant dans le Tech après 15 km d'un cours impétueux, à 14 % de pente en moyenne; il a bercé ma nuit et sera la musique de fond de toute ma rando.
Tronçons pavés |
Vers le sud est, averses et tourmente |
Tout au bout de ma rando, il y a St Guillem, haut perché. Vu d'en bas il a une position spectaculaire.
St Guillem haut perché dans son décor En 1 er plan le verrou rocheux de Roca Roja |
Je marche, curieuse de tout et vigilante à ne pas chuter : le sentier semble avoir été ciré pendant la nuit; des épaisseurs de feuilles, jusqu'à mi mollet, cachent le sol et, à nu, la roche est très glissante.
Mariage du vieux chêne et du jeune hêtre A moins que l'un soutienne l'autre ? |
La haute muraille de Roca Roja, qui oblige le torrent à contourner ce verrou naturel |
Je rencontre des ruisseaux bondissants enfouis sous les feuilles et une cascade échevelée qui pourrait inviter à la baignade en d'autres temps.
Un des 3 ruisseaux |
Le sol est constellé d'éclats de quartz, peut être témoins du travail des bâtisseurs qui ont érigé ce chemin, ses murs et son dallage par places.
Des conifères cachent le paysage, forêts brèves et drues, St Guillem trouvera quand même une place pour me dire "Je t'attends".
Au zoom, entre les arbres |
M'y voici presque mais d'abord j'entre dans un monde enchanté, celui d'une forêt d'exception.
Voilà une forêt fabriquée par l'homme dans les années 50. Une forêt, un musée. Des espèces venues du monde entier ont été plantées, un essai, certaines ne se sont pas acclimatées. Dans ces quelques hectares, des troncs majestueux vieux de plus de 60 ans grimpent au ciel, imposants, magnifiques. Leur histoire est contée sur de petits panneaux. Deux grandes saignées hérissées de moignons disent que voici exactement 10 ans, la tempête Klaus passa par là...quel ravage....quelle désolation...la nature n'a pas repris ses droits.
Séquoias, 1956 |
L'âge de mon "petit frère" |
La tempête Klaus, 2009 |
Soudain, un bâtiment surgit de la forêt, c'est le refuge de St Guillem. Un fourgon 4x4 me surprend en ce lieu mais c'est vrai qu'une piste mène ici. Je ne parlerai pas du refuge, il est exceptionnellement fermé et je n'ai pas un euro en poche, mais une partie libre permet au voyageur une halte nocturne. Je dépasse le refuge, sa fumée odorante et monte jusqu'à la chapelle haut perchée, 1320 m, adossée à la colline qui l'abrite des vents glacés venus des montagnes enneigées.
En images :
Vue de face |
Et de dos, bien protégée des vents glacés |
Photo environs 1905 |
Même lieu mais bien reboisé |
Je prends le temps de savourer le point de vue environnant, alors que la neige tourbillonne en écharpes légères. La Comelade est enneigée et les sommets tout là haut aussi; le Gallinas avec ses 2029 m est saupoudré.
La Comelada |
Le Gallinas 2029 m |
Aller plus haut ? Cela ne m'avancera à rien, il fait froid, et je n'en ai pas envie.
Je préfère examiner les bâtiments présents, cette vieille ferme (dépendance de l'ancien monastère ?) au charme fou et à l'architecture typiquement catalane et la chapelle fermée, dont la terrasse offre un imprenable point de vue jusqu'à la Méditerranée. L'envers du décor qui me fit aimer le Vallespir.
Vers l'est et la Mediterranée |
La vieille ferme |
Vers le sud : Serralongue |
L'église n'abrite plus d'ermite depuis 1840. Elle est dédiée à St Guillem, un ermite de légende (ou non...) et servit, pendant plus de 1000 ans à l'accueil et au repos des pèlerins qui venaient de la vallée de la Têt, franchissaient le Pla Guillem proche avant que de poursuivre leur périple vers le sud. Trajet ardu et tourmenté.
Je reprends le chemin à l'envers, il fait trop froid pour se poser et vais saluer la Comelade puisqu'un sentier y mène. Le torrent bondissant me suggère que même l'eau a froid et j'assure bien mes quelques pas d'escalade avant que de devenir une gelée de plus. Coumelade ou Comelade..je croyais que c'était Coume gelade et non, ce serait "large combe".
Le soleil s'est invité, la neige a quitté la scène mais ce qui se déroule sur les crêtes à plus de 2200 m est impressionnant : des volutes, tourbillons et autres colonnes endiablées montrent que là haut, ça souffle fort, ça décoiffe les arêtes.
Images : endroit et envers du décor Le grand rocher fendu et, depuis l'intérieur de la faille, le sentier
Un vent fou battant la démesure est descendu à grand fracas des cimes et a disparu tout aussi vite, je ne sais où. Pendant que je réfléchis à cette balade : je m'autorise enfin des balades à taille humaine me dis-je, j'ai laissé derrière moi les défis que je m'imposais, toujours plus haut, toujours plus loin et plus fort, exigeant de mon corps ce qu'il ne pouvait pas, quelquefois...mais n'est ce pas le chemin de l'ennui, de la monotonie, qui me guette?..Douloureux chemin de pensée...Ces escapades modestes sont un soupir, un temps suspendu, un temps accordé, pas un temps perdu. Comme une pause en musique, un temps de respiration. Ou de contemplation...Sans doute en ai-je besoin....
Ici je respire l'odeur de l'humus et des feuilles mortes, l'odeur de l'air qui sent la neige, la pluie et le vent, l'odeur de la rivière. Tandis que le soleil m'enveloppe par intervalles d'un lainage soyeux et doré.
Là haut, la pluie, le soleil, le vent et la neige se disputent gentiment des parts de territoire, leur donnant d'invraisemblables couleurs .
Je marche seule, bien sûr, personne sur mon chemin; j'ai croisé deux randonneurs emmitouflés là haut, j'en rencontre deux autres au départ, tout en bas, dans la glaise et la bouse, de loin la partie la plus "emm..." du trajet !
En chiffres
Dénivelé positif cumulé :333 m
Distance AR : 6 km