La météo s'annonçant médiocre, voire pluvieuse, je pars juste en reconnaissance, avec mon kangoo soigneusement garni d'affaires pour la rando, sait on jamais...Que je n'aie pas de regrets...
C'est que c'est loin! Tout juste 70 km et presque 2 h de route. Route de montagne et piste cimentée sur 10 km puis 2 km en terre et caillasse. Je ne connais pas du tout, c'est de l'autre côté de la frontière.
Figuères, Llers, Terrades, San Llorenç de la Muga, Albanyà et enfin la piste. Le ciel en profite pour se dégager et le soleil m'accueille au terminus, sur le tout petit parking de
Can Nou, 753 m d'altitude.
|
Pic de Bassegoda vu depuis les Albères |
....................................
|
La piste cimentée Le pic en fond |
Le paysage est celui, austère et sombre de
la Garrotxa catalane, collines escarpées couvertes d'une épaisse forêt de chênes verts. Surmonté d'une imposante couronne calcaire, le pic ou plutôt son antécime. La tempête Gloria a transformé la piste en furieux torrent d'eau, roches et branches mais tout a été nettoyé, la violence des éléments est bien lisible malgré tout.
J'ai pour tout viatique un minimum de choses et un dessin relevé sur un topo, la balade est annoncée difficile mais je sais qu'il n'en est rien. Juste le final a motivé cet avis par précaution.
10 h du matin : je démarre sous le soleil que je verrai peu, je serai sous couvert végétal sans arrêt, je frôle
le refuge de Bassegoda, plein d'enfants, et je m'enfonce dans une pente escarpée et originale, un paysage jamais rencontré.
|
Départ du sentier |
La montagne n'est qu'un immense éboulis calcaire ne laissant aucune place à un sol libre . Là dedans croissent en foule serrée des chênes verts dont aucun n'est classique, soit un tronc et des branches. Chacun a été scié à sa base et est fait de rejets qui, ayant poussé, sont devenus troncs avec le temps. C'est la marque de l'exploitation intensive de la forêt autrefois, vraisemblablement pour du charbon de bois. Je ne rencontrerai que deux terrasses aménagées au bord du sentier, construire une charbonnière dans ce chaos relevait de l'exploit.
|
Chêne vert aux multiples troncs |
|
Paysage de Garrotxa et sol d'éboulis |
|
Le sol ; le sentier s'y fraye un passage |
J'étudie le paysage en marchant sur un sentier construit par l'homme; les pierres ont été rejetées sur le bord et l'intérieur est creux, lessivé par des milliers de tempêtes et orages. Quel paysage parlant ! C'est un régal de l'écouter, pourtant si silencieux.
Personne, il n'y a que moi et ce sommet (l'antécime) qui se dévoile exceptionnellement.
|
Le maquis de la Garrotxa et l'antécime est du pic |
Je consulte mon dessin et l'altimètre, seuls repères mais c'est bien balisé à la sortie du sentier. Le paysage a changé, les pins ont pris le relais, accompagnés de buis dévastés et de houx brillants .
|
Les buis dévastés par le parasite |
La prairie du Pla de la Bateria (souvenirs de place militaire sans doute) ouvre - enfin- sur le paysage au nord et surtout sur la rampe qui conduit au sommet. Une belle rampe de 150 m de dénivelé et 400 m de long où enfin je découvre le sommet invisible jusque là.
|
Pla de la Bateria 1162 m |
|
Dans la rampe |
C'est une grosse couronne calcaire qui semble imprenable, un chemin de roche y est visible ainsi qu'une chaîne et quelques crochets de fer, utiles à qui ne sait pas grimper et plus commodes pour la descente. Car le calcaire, poli par des millions de pas, est bien glissant.
|
Le sommet ? Tout en haut et plus loin encore |
|
1ere chaîne |
|
En haut, 2 eme chaîne |
Le sommet,
Pic de Bassegoda, 1374 m, n'est pas désert et la vue à 360° est magnifique malgré la modeste altitude. Mais quels à pics, tout est abrupt.
Tous mes "copains" sommets sont là, mes randos des 4 semaines précédentes, et un randonneur me donne un petit cours de géo! Sympa.
|
Prolongement vers l'ouest |
|
Au milieu antécime est |
Le sommet est prolongé par une longue plate forme (est / ouest) et aller au bout est tentant sauf que deux grandes failles le morcellent. La première est franchie avec un peu de désescalade et de grimpe mais la seconde est un vrai précipice, aucun passage.
|
Nord :Au sommet, en fond les Pyrénées |
|
Est : Can Nou, parking de départ (zoom) |
|
Ouest :Tout au fond, Agudes, Turó de l'Home et Matagalls (Montseny) |
|
Village au fond de la vallée |
|
Les tours de Cabrenç |
|
Et l'inverse, novembre 2019 |
|
Nord : Pyrénées |
|
Plan rapproché : Vallter 2000, les Gra de Fajol et le Géant |
|
Massif du Canigou |
Je reviens donc sur mes pas, je redescends avec les chaînes, c'est ludique et je décide d'aller voir si cette faille peut être franchie, par la base. Je vais pour ce faire longer la base de cette grosse molaire calcaire; c'est là que mon regard stupéfait découvre une montagne bleue.
|
Façade sud de la muraille : une forteresse |
|
Le ciel a ruisselé sur les murs |
|
Une forteresse bleue |
Des pans entiers de roche sont colorés de bleu, bleu ciel, bleu gris ou bleu sombre, en draperies sur le pâle calcaire. Je quitte le sentier et vais jusqu'au pied de la muraille. Aucun passage ne sera possible mais là n'est plus mon objectif, je suis fascinée par ces lichens qui couvrent la roche et donnent l'impression que le ciel a ruisselé sur la falaise. Quelques lichens jaunes ou orangés complètent le tableau.
|
Les deux failles dont l'infranchissable |
|
Somptueux chênes verts |
Je poursuis dans les éboulis et les somptueux chênes verts pour retrouver ce sentier qui va...mais où donc ? Tout simplement au bout de la muraille où je peux grimper dans les rochers afin de regagner le morceau de plateau inaccessible par en haut. Altitude 1358 m). Et profiter de la solitude, du panorama, de la lumière changeante à cause du grand vent du sud. Je suis à deux pas du sommet, séparé par les deux failles.
|
Grimpe dans le calcaire qui conduit à l'antécime ouest |
|
Le sommet séparé par les deux failles Certains franchissent avec corde |
|
Du haut de la muraille teintée de bleu |
|
Au restau |
Des jeunes qui allaient au sommet me rejoignent, examinent la brèche et renoncent, "es tallat" (c'est coupé) ils rebroussent chemin vers la voie normale, la chaîne.
Comme j'ai le temps, au retour, je vais visiter
l'antécime côté est (1315 m), parfaitement à pic, le panorama est beau aussi. Et abrupt.
Enfin je débute le retour, ce sera variante par
la piste forestière. Triste erreur : une longueur monotone et ennuyeuse, j'ai fait une erreur de transcription d'altitude sur mon dessin et j'ai donc manqué le départ du sentier. J'ai "savouré " la piste dans toute sa longueur ! Si le topo avait donné les distances, cela m'aurait aidée; je serai plus vigilante à l'avenir. Toutefois la partie que j'aurais du éviter est d'une austérité lugubre...Brrrr
(Consulté au retour, le reportage me montre que j'ai bien vu le cairn de départ mais je croyais le sentier mieux indiqué et mon erreur de transcription d'altitude le rendait invalide).
Et en plus je l'ai photographié !!
J'arrive toutefois au
village abandonné de San Miquel de Bassegoda, reconverti en étables. Il fallait y vivre ici...quelle abnégation ! C'était leur vie...
|
Village abandonné vu d'en haut San Miquel de Bassegoda |
|
Et vu d'en bas |
|
Refuge de Bassegoda |
Revenir à la voiture n'est plus qu'une formalité en sous bois, le parking est surpeuplé d'enfants (7 ans) randonneurs dont les sacs à dos battent les mollets tant ils sont grands, c'est amusant mais ils ne viennent que du refuge. La fatigue les rend silencieux, hier ils sont montés jusqu'à la base du pic.
Il ne me reste plus que le retour par la piste en ciment et enfin, à
Albanyà, dans un petit café à l'ancienne : ça !
|
Can Cufi, à Albanyà |
Une belle petite randonnée à la découverte de sommets modestes mais combien attrayants.
Il faut savoir descendre des hauteurs et regarder un peu moins près des étoiles...
En chiffres
Dénivelé total : 650 m
Distance : 12 km
et 140 km route AR