Ces étangs sont dans la Vall d' Aneu, vers le Port de la Bonaïgue, dans le Parc National d' Aiguestortes. Soit dans le pays voisin nommé Espagne. (Région Catalogne).
Je n'avais pas prévu cette randonnée, et d'autres non plus que j'ai faites, je ne l'ai pas regrettée car c'est magnifique. D'ailleurs le mariage entre montagne et lacs est toujours une réussite.
Me voici enfin décidée, il est plus de midi; j'ai passé un moment à dessiner et peindre ce secteur, alors manier du pinceau m'a incitée à aller voir la face cachée de mon dessin.
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L'heure est au dessin |
Le trajet est court pour le grand étang, à peine une heure et demie. Je démarre à 1924 m en dessous du Port de la Bonaïgue (2072 m).
Le sentier est fréquenté, il y a plusieurs étangs et pour tous niveaux. Du genre à attirer les familles.
Très vite, en dehors du paysage qui est beau et évoque à la fois Porté Puymorens (66) et Vallter 2000 (Cat), je remarque quelque chose d'étrange sur le sentier.
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Style Vallter 2000 |
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Style Ariège |
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Style Puymorens |
Il est fait de nombreuses marches d'escaliers, directement taillées dans la roche ou assemblées après travail de taille, quelques murets accompagnent ce chemin, il n'a rien d'un sentier de randonnée, ni même d'un sentier ordinaire. Ces marches très nombreuses sont le signe qu'on l'a construit ainsi afin de faciliter la tâche à qui l'empruntait. C'est parti pour des investigations et des supputations dont une seule prévaut : chemin mercantile.
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De belles marches |
Mais que pouvait on transporter dans ce secteur qui n'ouvre que sur pics, arêtes déchiquetées et autres lacs ? Une carte m'aurait peut-être renseignée, mais je ne cherche même pas à me connecter. Je continue à avancer, presque sans voir ces randonneurs plus ou moins habiles, je scrute. Ici, c'est du pavage, là c'est de la calade, et puis un semblant de petit pont.
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Un des murs |
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Le pont |
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Un étrange passage |
Plus haut, après le premier étang dont les berges grouillent, la montée est un peu plus dure, la foule s'éclaircit; il fait bon, la forêt embaume, c'est sec et chaud, ce qui exaspère les parfums. Je marche un moment en compagnie d'un catalan mais je crois qu'on se gêne, lui dans sa course au temps imparti et moi dans mes recherches. On se fausse poliment compagnie.
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Le petit étang du bas : Estanyola Gerber, 2027 m |
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Relief glaciaire |
Je franchis un magnifique gué sur un ravin assez sec, le tributaire d'un des Gerber, celui de Baix. Ce gué est remarquable ainsi que le sentier en escaliers qui zigzague au dessus; je suis obnubilée. Décidément mon séjour sera sous le signe des escaliers, puisque, ne le sachant pas encore, le lendemain je parcourrai un chemin très ancien dont un passage se nomme les escales. C'est surprenant les hasards de la vie.
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Un sacré passage à gué |
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Même lieu |
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Un virage parfait |
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Des marches évidentes |
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Etang Gerber du Baix 2126 m |
Mon catalan s'est caché en contrebas du chemin et fait semblant de ne pas me voir. Pas grave; son regard sur les femmes est si négatif que je peux m'en passer. Il n'est pas jeune, juste un peu plus que moi, et je ne suis pas un exutoire, j'ai mieux à faire.
Effectivement, en arrivant au grand étang Gerber, j'ai le souffle coupé d'admiration. Quel cirque de montagnes autour, quelle couleur de l'eau ! Je suis arrivée à destination et je m'offre comme d'autres une baignade peu réglementaire, (autrement dit interdite) mais tentante et l'eau est d'une étonnante tiédeur à cette altitude. 2100 m.
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Le Gerber 2165 m |
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Lieu de ma baignade |
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Au dessus du lac |
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Aiguilles de Saboredo ? |
La curiosité me pousse un étage plus haut, car ce chemin m'interroge. Je le crois à présent "cami ramader" soit chemin de transhumance (ramader = de troupeaux). Mais il est quand même assez étroit. Au dessus de l'étang le chemin a souffert des intempéries mais un peu plus haut il redevient magnifique, carrément pavé par tronçons et soutenu par un mur, c'est époustouflant.
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Le Gerber vu du dessus |
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Et le chemin continue |
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Bien pavé et dallé |
Je sens que je vais le continuer encore et encore et voilà que je m'écrie, stupéfaite :"mais ça alors !!".
Devant l'évidence même qui s'impose au milieu du chemin et signe son terminus, à 2250 m : une très ancienne forge à bras, son emplacement bien conservé, des scories, la terre roussie, un muret arrondi sur lequel sont incrustés des restes de fusion du minerai de fer. Je suis doublement stupéfaite : la conservation et la taille du four, dont il ne reste nulle trace sinon le mur, et le fait que je ne vois pas trace de fer dans ces montagnes.
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Le site de la forge à bras
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Fer fondu sur le mur |
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Scories |
Et pourtant ...je fais quelques pas supplémentaire et je découvre la mine ou plutôt la carrière à ciel ouvert. Un ruisseau dévale en cascade, venant s'un étang supérieur, la falaise est entaillée, couleur rouge orangé et des débris gisent au sol, comme un tas de déjections de la mine.
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Vue d'ensemble de la carrière |
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Et des déjections |
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Détails |
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La carrière |
Une troisième stupéfaction rejoint les deux premières : avoir construit un tel chemin, sur plusieurs km, pour venir exploiter une unique carrière, à 4 km du Col et des voies de communication, alors que non loin se trouve la Vallferrera véritable gisement de fer ? Quoique, à cette époque, le "non loin " d'aujourd'hui était le bout du monde.
Sur cette carte actuelle, le chemin est marqué jusqu'à la carrière; le chemin de rando qui lui fait suite n'est pas signalé :
Sur cette très vieille carte, seulement un morceau de ce chemin est marqué :
A quelle époque cette exploitation commença t'elle ? Jusqu'à quand ? Quelle était la valeur de ce fer, pour avoir poussé aussi haut et aussi loin dans les montagnes cette exploitation ? Autant de questions sans réponses...
Alors je poursuis mon chemin, en touriste cette fois car il n'y a plus aucun vestige, je monte une pente escarpée et raide, qui nécessite de poser parfois les mains, avec vue sur lac avant d'aller à la rencontre d'un vaste cirque où dort l'Estany Llong. 2320 m. J'ai envie de continuer vers les étangs supérieurs, ils sont en chapelet dans le secteur, mais de gros nuages envahissent le ciel et je suis partie très tard. Ce sera pour une autre fois. Tout est beau dans ce secteur, ancien cirque glaciaire.
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Estany Llong 2335m |
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Estany Gerber |
Je redescends donc tranquillement, m'attardant à la carrière et à la forge. J'ai supposé un raccourci très escarpé permettant de rallier directement l'Estany Llong à la carrière mais je n'ai pas osé me lancer. Surtout en descente.
Je ferai le trajet du retour tranquillement, en regardant avec attention ce parcours remarquable et, plus tard, sur mon ordinateur, je verrai que sur les cartes ce chemin est porté comme ancien chemin jusqu'à ce point bien précis d'extraction et cuisson du fer. Sans aller au delà.
Je n'en oublie pas pour autant le paysage environnant, ressemblant assez à certains sites ariégeois : de l'eau, des fleurs, des pentes escarpées et rocheuses et puis, surtout, vrai bonheur, je commence à retrouver les parfums de la montagne, perdus dans les affres des covids. Et ça, c'est un bonheur indicible...
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Jardin de montagne |
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La petite cabane dans le pierrier |
Le lendemain, avant de reprendre la route, j'irai fouiller le chemin qui conduit à la cascade venue du Gerber (Salt de Comials, 125 m de haut) et je verrai que le chemin est encore nanti de marches donc ce fer était expédié vers l'aval et non vers le Port de la Bonaïgue et Vielha. Cette cascade est à 5 mn de la route et accessible à tous.
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Salt de Comials ou cascade de l' étang Gerber |
Si maintenant les montagnes catalanes se mettent à me raconter leur passé au dessus de 2000 m...il y a de l'avenir pour mes investigations !
En chiffres :
Distance 10.84 km
Dénivelé positif : 450 m
Temps de balade 4 h
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Secteur des lacs |