Quand il est
arrivé, il y a plus de quatre ans, un jour de mars, je lui ai dit :
« Ah non ! Il y a pléthore de chats en cette maison ! ».
Alors, il est
reparti et a tenté sa chance dans toutes les maisons du voisinage.
Chacun lui a
offert le couvert mais pas le gîte.
Il allait
d’une fenêtre à un jardin, se dorant au soleil de printemps.
Oui mais…la
nuit ?
Il m'insupportait que l’opiniâtreté de ce beau chat roux ne fut pas payante, je
lui ai ouvert en grand les portes de ma maison, malgré la pléthore de chats, et
Pléthore il est resté, ainsi baptisé ce qui ne l’a pas dérangé.
C’était un
beau chat roux, plus âgé que les miens, et avec discrétion, obstination et
délicatesse, il s’est intégré sans s’imposer.
Juste un
mélange savamment dosé.
Une petite visite
chez le vétérinaire confirma qu’il était un illustre inconnu.
Peu à peu, il
a fait son nid, il a trouvé sa place et quand, enfin, il a passé deux nuits
couché sur ma tête, il avait rempli sa mission, montrer que sa place était
entièrement ici.
Comme un autre
chat roux qui avait choisi, précédemment, de vivre chez moi.
Est ce le
propre des chats roux ?
Il a été vite
intégré puis Mathurin s’est mis à le détester et cela resta une cohabitation
détestable, dont je faisais les frais à coups de patience, de serpillières et
désodorisants !
Pléthore a
passé quatre ans à la maison, mais au bout de six mois, sa maîtresse l’a
retrouvé : elle le cherchait sans trêve.
Un voisin
indélicat s’était à deux reprises débarrassé des chats du quartier, et à la
seconde fois, « Fripounet », tel était son nom, n’avait pas regagné
le domicile.
Cette
charmante dame âgée me le laissa, le voyant heureux et en sécurité. De temps en
temps elle venait lui rendre visite.
Pléthore était
un chat attachant qui ne supportait pas qu’on le touche ; un solitaire
également qui aimait avant tout sa tranquillité ; le jardin avait ses faveurs, il aimait dormir dans ma
voiture, ou bien son bonheur était de bronzer sur le toit des véhicules ;
cela fit de belles mésaventures et des voyages imprévus ! Une fois je l’ai
cherché sur les routes des environs, en clacksonnant, la nuit, et il a été
recueilli en pleine campagne, regagnant
le village à la mi-nuit !
Pléthore a
vieilli rapidement en quelques mois, s’est mis à maigrir malgré son féroce
appétit et doucement et inexorablement a décliné. Malgré mes soins et mon
affection. Même Mathurin avait rendu les armes. Pléthore avait un comportement
nouveau et déroutant. La rue devenait son lieu de repos et les voitures
devaient s’arrêter ! Perdait-il un peu la raison ?
Et puis, un
matin, Pléthore n’a pas pris son poste de garde en plein centre de la plaque
d’égouts circulaire devant mon portail : il aimait à se tenir au centre de
cette plaque, ce qui amusait tout le monde : heureusement, elle n’était
pas au milieu de la rue. Je l’ai cherché une semaine durant, le
jour, puis le soir, dans la nuit. Rien. J’ai écumé garages et appartements
environnants. Rien. J’ai couru la nuit toutes les routes autour du village.
Rien. Et les caniveaux, les poubelles, en vain.
J’ai compris
qu’il était parti mourir seul comme font les chats c’est leur dignité mais je
n’en ai pas la même conception, c’était là que blessait le bât !
J’ai rendu les
armes, espérant l’improbable miracle…14 jours…un chat si faible et si maigre…
Et puis une
amie l’a retrouvé au bas du village, trop épuisé, ou trop désorienté pour
remonter la rue jusqu’à ma maison.
Le vétérinaire
l’a trouvé faible, en hypothermie et ne m’a laissé guère d’espoir.
Quelques jours
après, je me résignais à prendre la décision finale : tout sauf aller
mourir seul dans un coin. Il se cachait aux endroits les plus invraisemblables
mais ne quittait pas l’intérieur de la maison. Je l’ai même trouvé perché sur
la comtoise !
Ce fut un
lundi matin que Pléthore a fait son dernier voyage : à son lever, ses
pattes arrière se dérobèrent sous lui et il commençait à se paralyser.
Son long
regard triste me dit….
Alors je
partis pour le dernier voyage de Pléthore.
L’attente fut
longue chez le véto. Le lundi matin est jour d’affluence.
Cela nous
permit un long et silencieux adieu, lui blotti contre moi, un très long câlin
silencieux qui n’appartenait qu’à nous deux.
Un peu plus
tard, Pléthore s’endormit pour toujours sa joue contre mon bras…
Depuis, j’ai du chat grin…
|
Avant le départ, à la maison |
(En "pirouette", j'ai publié un autre "chagrin" (clic) sur mon 2nd blog; rien à voir avec ce chat-grin)