samedi 31 août 2019

Les jardins moribonds de la mer

La mer...si proche de chez moi et que je ne fréquente jamais. Pourtant, lorsque j'ai un petit "coup de blues", c'est vers la mer que je sais me tourner et pas n'importe où : là où le relief est celui de la montagne en miniature, des crêtes, des arêtes, des éboulis, des gros blocs et des sentiers. Oui une montagne miniature baignée de liquide.

Port Vendres :Cap Béar, anse Ste Catherine

Alors je prends la route, voie rapide qui conduit directement à une petite route en corniche : la route du Cap Béar, à Port Vendres (66). Le Cap Béar, flanqué de son grand phare, d'une base militaire, est un éperon rocheux fendant la mer. Les tempêtes y sont terribles et pourtant, bien à l'abri, tournés vers le sud, des cabanons remis au goût du jour lui donnent un cachet extraordinaire. A 42 km de chez moi, je peux enfin savourer les plaisirs de la mer.

Route en corniche



Car je ne me contente pas des plaisirs ordinaires, baignade et bronzette; il me faut autre chose, il me faut un voyage aquatique.





Un soleil de feu, une mer d'huile (c'est rare l'après midi), un sentier escarpé, un peu de varappe et me voici en un lieu pour moi seule, logée dans les rochers déchiquetés, des schistes que la mer a sculptés, rongés, creusés, balafrés, plongeant dans la mer et créant ainsi une palette de bleus et de verts à faire souffrir un peintre.






Nantie d'un masque et d'un tuba je pars en voyage.
Il a bien changé mon voyage en un peu plus de dix ans.
Là où éclatait la vie, tout est mort.
Il y avait alors des rochers couverts d'algues, de végétaux marins, d'animaux marins, éclatants de couleurs, de mouvement, de vie. ça ondoyait ça bougeait, visité par des bancs de poissons bien rangés que rien ne dérangeait, même pas ma silhouette glissant sous l'eau . Que c'était beau...










J'entre dans l'eau, d'un seul coup et me glisse en dessous de la surface. Là haut, à travers un écran liquide et mouvant, le ciel bleu tangue, emperlé de bulles d'air. Peu de bruit, la mer est bien silencieuse, c'est vrai elle est étale...
Je découvre avec effarement les ravages qu'a subis la Méditerranée, les outrages de la pollution.
Certes je navigue dans des couleurs époustouflantes, des bleus de toutes nuances, mais déserts; de rares poissons esseulés viennent me frôler, parfois l'un d'eux lance un éclair d'argent, là où il en vivait des dizaines. Les coques, les moules, les poissons, les oursins, tout a disparu; sous l'eau le paysage est gris et désolé, les rochers sont gris et ce qui vivait dessus aussi, tout est mort; les taches de lumière n'éclairent que des fonds morts, arides, dénudés, un vrai Sahara liquide. Il ne subsiste que quelques oursins orphelins, et quelques poissons esseulés en quête d'une improbable friandise. Il me reste pour tout décor des bleus inouïs à savourer, striés par les rayons du soleil, dans cette mort lente qui s'avance inexorablement. Quel gâchis....



Des bleus vivants sur fond mourant

Aridité désertique






Tout est mort !

Alors je m'offre un autre parcours, plus aérien, pour me gorger de couleurs, pour bouger et pour regarder les dernières taches de couleur, j'escalade des falaises, je prends de la hauteur, bien chaussée, la roche est un rasoir .




Cap Béar, cabanons et phare



Roches tourmentées



Saurien de roche
 Des bateaux quadrillent la surface, voiliers, promenade en mer, yatchs à l'arrêt, des mouettes criaillent , quelqu'un parle de méduses, des paddles silencieux rayent la surface. Mais oui, c'est bon aussi, la mer, faudrait que j'y pense un peu plus !







A suivre donc....






mercredi 28 août 2019

Puymorens : Pics de Coma d'Or, 2826 m et Pic Pedros, 2842 m

Préambule : ces deux pics d'altitude similaire, à plus de 2800 m, sont situés tous deux sur une arête faisant "frontière" entre Ariège et Pyrénées Orientales. L'arête courte qui conduit au Pic de Coma d'Or, décourage la plupart des randonneurs qui restent sur l'antécime. Passer du Pic de Coma d'Or au Pic Pedros en suivant l'arête n'était pas possible pour moi puisque trop ardu et nécessitant une corde pour descendre en rappel, j'ai joué la carte de la sagesse et j'ai "inventé" mon propre chemin. Pas des plus difficiles mais musclé car par "la voie directe". Je vous propose de me suivre.
A gauche , pyramide du Pedros et à droite sommet du Coma d'Or

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7 h 30, 5 °, je quitte le parking le plus haut que j'ai pu rallier ; en effet, un groupe de jeunes s'installe à côté de moi sur mon parking à 1956 m d'altitude, où je dors si bien, avec tout le matériel pour faire une rave party ; sonos gigantesques et groupe électrogène à alimenter une ville ! Je file sur la piste défoncée, un petit km plus haut, 2125 m d'altitude qui me protégera un peu du bruit...oh pardon de la musique ! Toute la nuit j'ai l'impression que mon coeur va s'arrêter!
Je pars en forme pourtant et ma condition physique va se décupler toute la journée : effets des vapeurs de la Rave ? L'air chaud monte c'est bien connu....

L'ombre bleue des vallées sur fond d' Andorre

3 catalans se profilent à l'horizon

 Moi aussi je monte; j'étais allée déjà au Pic de Coma d'or il y a quelques années et j'étais restée sur des envies de Pedros.
Randonnées passées, là bas




C'est une montée agréable, bien "balancée" qui évite la fatigue et ouvre sur de superbes vues . Je suis dans l'ombre et il fait froid.












Recto/verso, en rose Andorre, en bleu France
Entre deux, Col (port) d' Envalira et ses antennes
Je vais  dans le bleu








D'abord le point de vue est dans le dos, avec l'Andorre et quelques pics des Pyrénées Orientales que je connais, que j'ai gravis; mon panorama s'étoffe de noms, à condition que je regarde en arrière (sens propre et figuré).











Puis à la côte 2534, Portella d' En Garcia, l' Ariège dévoile son panorama : Bésines, Pics d'Auriol et Estagnas, étang de Soula Couloumer, etc...un cirque glaciaire, des laquets, des pierriers. Toute proche, la Portella de cortal Rosso (2501), baigne dans le soleil et presque dans l'étang de Coma d'Or, superbe et calme.

Versant Ariège

Etang de Coma d' Or

Les Trespunts

C'est un petit matin lumineux et paisible, surtout depuis qu'à plus de 9 heures du matin, un repli a barré la route aux coups de boutoir de "la musique" de la rave; cela devient un rêve, cette paix retrouvée, je la déguste par tous mes pores. Face à moi les Pics de Coma d'Or et Pedros, dans le contre jour découpent une silhouette hors du commun : quelle dentelle de pierre. Tout en bleu alors que le col se nomme Portella Roja (rouge). Je fais un crochet par le Roc Gros de la Coma d'Or, 2580 m, je bavarde un grand moment avec un couple venu passer la nuit ici, sous tente et je suis effarée! Pour quelques heures à peine ils transportent 32 kg de matériel (ni sono ni groupe électrogène pourtant !). Ils ont tout faux, même leur itinéraire, ils se sont trompés.

Je continue ma route solitaire et sans effort, la montée soutenue commence sur des steppes où rien ne pousse, balayées par les vents violents et glacés de l'hiver. Un ciel bleu incomparable, des chevaux, quelques marmottes, des oiseaux sont mes compagnons. Et le caillou à l'horizon.



Altiplano steppique avec Pedros et Coma d' Or


Le Pedros, autrement
Jardin de pierres


Altitude Canigou, toujours symbolique, pause photo.

2784 m : altitude Canigou
Puis 2800 et enfin l'antécime du Coma d'Or, habitée de Catalans. Ils n'iront pas au sommet, mais lui le connaît, en hivernale même. Je sais l'arête un peu compliquée, je pose le sac, mais comme j'ai progressé en quelques années, ce sera une formalité, même ce passage exposé pour contourner un gros gendarme figé. Des couloirs plongent dans le vide brutal, comme plonge l'arête juste au pic; demi tour, pourtant c'est en face que je vais. J'en profite pour étudier mon parcours à inventer. Un itinéraire se dévoile.
Pic de Coma d'Or, 2826 m




Panorama depuis "en haut" sur le Lanoux

Autre point de vue
Voisin d'en face : le Carlit, 2921 m (par sa face Lanoux)

Je dois d'abord descendre à la base de ces couloirs, mais pas par eux.

Je reviens donc sur mes pas, et redescends à un petit col, 2806 m, d'où je vais plonger, direction un mignon laquet peint en bleu vert dans un cadre d'éboulis de schistes rouille. Mon trajet est rouille, résolument, et glissant: les schistes sont un épouvantable matériau, un vrai toboggan. Je redouble de prudence, l'accident de Simon Gautier m'a traumatisée et si c'est moins exposé ici, il en faut si peu pour se casser une jambe ! Néammoins je descends bien et au terme de 31 minutes j'ai dévoré la pente de 200 m de dénivelé négatif...qu'il va falloir reprendre aussi sec. Et pareil au retour.
Ce seront donc 400 m en D+, 400 m en D-, ce sera mon "chemin inventé".


En jaune mon trajet de descente (ce sera l'inconnu car il est caché)
En rouge trajet de montée de mon "chemin inventé" : tout du raide !
Comme j'ai de l'imagination, bien aidée en cela par la morphologie du site, ce sera varié et sportif, de loin la partie la plus vivante et amusante de la journée. Je frôle le laquet, en jonglant sur de vastes dalles de schistes et j'attaque la montée pour gagner l'arête. J'avais prévu de la suivre, juste au dessous, en évitement, mais j'ai renoncé, c'est accidenté quand même. Je franchis une pente de barres rocheuses puis une pente de gispet qui vont rondement me mener en 33 minutes 200 m plus haut, à 2808 m, sur une brèche de l'arête : et là...que c'est beau !
En images :


Je brigue la baignade (2610 m la piscine)



Je monte vers l'arête, un "tout droit" soutenu
En bas les laquets et le "Rec de la Fada" (de la fée)

Presque en haut (dans mon dos, à gauche, le Carlit)

Une idée de la pente : musclée
Au centre la Portella Roja, en haut le Coma d' Or


Arrivée à la brèche : 2808 m


Arrivée : 2808 m, souffler un peu...

Y a plus qu'à....un bout d'arête
à 400 m au dessus du plancher des vaches et c'est 2842 m

Je suis sur une muraille verticale creusée de couloirs, donnant sur un cirque glaciaire  ariégeois, la "Jasse du Pedros": des moraines, de la roche, de l'herbe, un sentier, un laquet....L'arête courte qui doit me conduire au sommet est ici un vrai mur, je contourne puis empoigne le fil de l'arête que je ne quitte plus jusqu'au cairn sommital, 2842 m, il fait beau, c'est désert, la vie est belle et me sourit. Panorama limpide et époustouflant à 360 °, seul le Carlit me fait face en me surplombant, 2921 m, l'écrin bleu du Lanoux calé entre nous deux. Je reste 20 minutes au sommet.  Je ne pousse pas jusqu'au 2nd Pedros (le pic nord) car j'ai du chemin de rocs pour y arriver et au vu  du long retour qui m'attend....
Joie au sommet, 2842 m : je l'ai bien gagné çuilà !!

Ariège : Bésines, ruisseau de Coume d' Agnel, 2000m

Font Glaciale 2407 m 
Jasse du Pedros, cirque de moraines, 2400 m, quel mouvement de glaciers il évoque !



Un morceau de Lanoux, côté 66, 2200 m

Le Pedros sud est constitué de roches granitiques sombres, ici commence une autre géologie, une roche pâle qui se délite en tranches et habille la montagne d'où son nom. Une montagne de pierres. J'irai une autre fois, par la voie normale, faut en laisser un peu aussi!
Je vais négocier ma descente différemment : éviter l'arête et plonger dans la pente directement après avoir franchi les éboulis d'arête: c'est une pente de gispet qui offre de bonnes prises pour les pieds entre les touffes, sinon glissade assurée, mais pas rassurante ! Je descends tout droit vers le petit lac pour une séance de natation mais au dernier moment, craignant une barre rocheuse, je bifurque, franchis quelques petites barres et me retrouve au fond, altitude 2615, dans les éboulis schisteux où je fais une étonnante découverte : un monumental bloc de quartz hérissé de superbes et gros cristaux.
En jaune descente, en rouge partie de
 la remontée (en couloir)




La baignade n'aura pas lieu
je suppose des barres rocheuses là en bas




Un beau quartz (1.5 cm env de côté)
  42 minutes pour descendre ces 200 m. Qu'il me faut remonter de l'autre côté.
 Je choisis un trajet différent de l'aller car si les fins éboulis se descendent bien, les remonter est un enfer. Alors je vais longer la paroi du Coma d'Or, entrer dans un couloir et le remonter, le tout pour...me tenir aux murs et ça marche! Lorsque le couloir fait un sec virage à droite pour ronger le Coma d'Or je le quitte sans regret et, le nez dans une touffe d'herbe, je suis en extase devant le paysage ! Encore...




Montée dans le couloir


Couloir de montée
A gauche ce que je remonte sur une centaine de mètres
A droite, depuis ma sortie, vue sur la partie  qui monte à l'assaut du Coma d'Or


Sortie du couloir : waouhh !
 Et encore je vais me tenir aux murs pour achever d'arriver au col de 2806 m, après une montée de 45 mn, mes temps se tiennent malgré l'aridité de mon chemin inventé. Un petit tour à un proche sommet sans nom et je repars vers mon parking, en m'offrant encore un bout d'arête ("Non mais t'as pas mangé assez de caillou ?" vitupère une petite voix en moi).



Je me tiens encore aux murs : je viens d'en bas
et aussi de là haut dans tout ce blanc, symphonie de couleurs

Morceau de Lanoux

Je suis sur un pic sans nom, 2822 m,
Dans mon dos, les deux de la journée
La descente en images : 


Sur l'altiplano, altitude Canigou

Ariège : Pic d' Auriol 2695 m (à gauche) et logé quelque part..

...l'étang de Soula Couloumé 2324 m, que je connais


Les Trespunts, 2624 m


Le Trespunts (2624 m) qui me tentait tant restera où il est; d'ailleurs je crois l'avoir gravi par le passé.
La descente sur le parking m'enchante autant que la montée du matin bien que j'aie mis mes "pattes" à rude épreuve et les genoux qui vont avec.




16 heures sonnent au clocher des bovins, sur mon parking perché je mange puisque en rando je suis un vrai dromadaire et je suis fin prête pour attaquer les 130 km de route en 2 h 45, bouchons et traînards en prime .  Brûlée par le soleil, je suis par ailleurs en super forme ! Les relents de la rave...disais-je. Les derniers fêtards, sur les lieux, répondent à mon salut et à mes questions mais sans me voir, je crois. Voix cassée, regard "explosé"...ils se sont explosés à la bière disent ils...Ils ont la mémoire courte et liquide, ou liquéfiée..Je les quitte en riant.

Clôture d'une excellente journée



















En chiffres: 
Dénivelé cumulé positif: 1200 m
Temps de marche : 6 h 55
Distance: 10 km environ