Un premier week end de Liberté retrouvée, mais avec le travail fou dans les vignes je ne m'accorde qu'une petite demi journée de balade; de toute façon je dois tout réapprivoiser, c'est difficile de retrouver les portes grandes ouvertes d'un seul coup; il faut aussi tester ses capacités physiques.
Comme le caillou me manque avant tout, et bien je pars pour tâter du caillou : et là où je vais ça ne manque pas. Tant pis si le vent violent n'est pas propice, on adaptera.
Direction
la Serre de Vingrau à 46 km de la maison...si loin, depuis le temps...Bonheur ineffable de rouler...
J'arrive sur le site et...ça décoiffe...surtout pour mon projet. Mais quel ciel bleu ! Les rossignols donnent un concert. C'est parti!
Pour comprendre il faut avoir une vision de la petite serre de Vingrau, 570 m d'altitude, qui domine la plaine, la ligne bleue de la mer et les étangs tout proches.
C'est une montagnette qui décline son calcaire en pente douce sur sa face est.
Par contre, face ouest, c'est une double rangée de falaises abruptes, 2 étages séparés par une combe, vallée sèche où court le sentier balisé.
Battues par la tramontane, ces falaises, véritables murailles sont un site d'escalade : 300 voies de 4a à 8a, hautes de 20 à 130 m.
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Chemin d'éboulis; le vrai sentier est à gauche dans le maquis |
Le randonneur a pour chemins le sentier au bas des falaises inférieures, la combe entre les deux rangées et la crête d'où la vue porte à 360 °, un panorama de toute beauté. 3 chemins en parallèle qui se rejoignent au nord. Un parcours très plaisant mais dangereux par vent violent.
Je connais tous ces chemins et je me suis essayée aux chemins secrets : ce sont ceux qui sont cachés, que les randonneurs ne voient pas et n'empruntent pas (sauf téméraires, farfelus ou curieux si ce n'est les 3 à la fois)..... Qu'est ce que j'y cherche ? mais l'insolite, le dépaysement, la difficulté, l'effort physique et l'esprit d'aventure.
Toute petite je grimpais sur tout ce que je trouvais : là où je vivais, il n'y avait pas de rochers, mais des arbres, des pylônes et des toits...A l'époque (années 50) il n'y avait pas d'"activités" pour les enfants.
La grande enfant que je suis restée continue à grimper. Et à Vingrau ça grimpe !
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Sévère muraille Ces chemins végétaux sont impossibles |
Donc des passages secrets j'en connais 4 ; deux sont visibles (dont 1 assez emprunté) et deux sont parfaitement cachés. Je les ai trouvés (et empruntés tous) en lisant les indices sur le terrain, ce sont des sentiers de descente des grimpeurs.
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Qui dirait que là dedans se cache un passage secret ? |
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C'est elle qui me l'a dit ! Et je l'ai parcouru |
Mais n'y en aurait il pas d'autres ? Et bien c'est le but du jour.
Pour ce faire il faut quitter le confort du sentier balisé et aller crapahuter dans le tas d'éboulis au pied de la falaise. Très inconfortable mais beau ! Et là scruter le terrain à la recherche de la faille, du passage éventuel tout en lisant la muraille pour voir si plus haut c'est possible.
Car le défi, s'il est de grimper le mur de départ, c'est ensuite de voir si on peut continuer
mais avant tout être capable de redescendre : j'ai donc l'indispensable corde. 20 m c'est suffisant.
Je découvre
un premier accès : la falaise est striée de couloirs obliques où ont poussé les arbres donc c'est une possible voie. Pensai-je.
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1ère éventualité (la photo écrase la pente sinon ce serait si facile...) |
Premier départ : c'est pas gagné; la falaise verticale? pas question. Le mur oblique? manque de prises et le couloir d'arbustes est un vrai taudis; que je franchis, je suis en short, belle idée. Quelques estafilades rouges plus loin, je grimpe le rocher mais la rencontre avec une végétation austère à nouveau me refroidit, alors demi-tour. C'est là que la corde sera utile, pas question de refaire le chemin sanglier; j'amarre ma corde en double à un solide (j'espère!) buisson et je redescends. Au suivant....je m'amuse avec bonheur sur cette roche corrosive à souhait.
Energivore à l'envi!
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La falaise ? Verticale |
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Le chemin de "sanglier" sous mes pieds |
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La descente tout confort |
Cheminer dans ces éboulis parfois envahis de buissons n'est pas aisé mais déjà
un autre chemin secret se profile. Bien plus facile d'accès, ce sera par la roche pentue où les prises sont minérales ou végétales que je prends de la hauteur.
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2nd passage secret: en rouge mon trajet, en jaune ce que j'aurais du faire La réalité est bien plus verticale |
Je lis le chemin, rien ne me paraît moins praticable mais allons voir quand même. Une jolie dalle m'inspire, et enfin j'arrive à une croisée de possibles. A droite une cheminée à laquelle je renoncerai vite fait quand je l'aurai côtoyée et à gauche, un autre chemin de sanglier dans la futaie....bof....l'idée de me me lacérer ne m'enchante guère. Je visite le site, tant qu'à faire, je me juche sur un perchoir, au moins ne pas être arrivée là pour rien et je redescends. Sans corde, nul besoin.
En images , dans ce petit parcours secret...
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En rouge, mon terminus |
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Types de roches calcaires |
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La montagne de Tuchan |
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Vingrau et la vallée du Verdouble, de mon perchoir |
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Canigou en fond |
Au suivant....sauf que de suivant il n'y en a plus et que je retrouve mon sentier de prédilection, hyper caché, où tout est possible; soit grimper en roche, soit par le sentier d'éboulis, sur plus de 100 m de dénivelé, un vrai couloir qui en neige ressemblerait à s'y méprendre à la montagne. Je m'y offre en général quelques belles varappes quand se profile la sortie mais...mais aujourd'hui tout est différent.
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Mon chemin habituel est lové là dedans, mais il est invisible |
A peine engagée dans le bas du couloir un grondement puissant envahit le chenal, c'est la tuyère de la tramontane! Impressionnant ronflement doublé au fur et à mesure de mon ascension par un appel d'air tout aussi impressionnant. Il faut être nés avec la tramontane pour savoir s'en accommoder. car elle n'est pas commode, la Dame! Décuplée par l'appel de la sortie, elle enfle, tourbillonne et vous projette comme fétu de paille. je mets mon énergie à tenir debout car ces fichus éboulis de fine grenaille me font reculer et cheveux au vent, oreilles assourdies, j'avance comme je peux. Evidemment pas question de tâter du rocher, du muret ou du goulet ! Même respirer une goulée d'air est un travail de forçat ! Faut connaître la Tram pour apprécier !
En images ,
ce 3 eme chemin secret:
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Sans vent, je visite un peu... |
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Mon chemin |
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le chemin à ma gauche...euh....pas pour moi |
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Vers l'aval |
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Vers l'amont |
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Dans le souffle de la tuyère |
Me voilà au sommet, c'est simple, faut juste rester debout, à part ça, c'est magique. Même ça, tenir sur ses jambes, c'est magique. Après 2 mois de confinement, on avancerait à 4 pattes !
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Au sommet : la mer et les étangs |
Tiens justement...un quadrupède a saigné sur le trajet : est il dans mon sens de marche, l'animal blessé dont brille le sang frais sur les graviers et les rochers ou en sens inverse? Prudence oblige...Il a scrupuleusement suivi le balisage. Bien plus en avant je comprendrai que nos chemins se sont croisés,je trouverai même l'endroit où il s'est blessé, déséquilibré sans doute par le vent sur un calcaire tranchant.
En images , altitude un peu moins de 600 m
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Vers l'ouest : la crête et le Canigou |
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Vers l'Est, mer et étangs |
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En bas, la combe et le sentier balisé, mon retour |
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En majesté, le Canigou |
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Bleus d'Aude |
Le couloir de descente que je brigue, celui très caché du Petit Dru, faut l'oublier, à cause du vent. Se jeter dans le vide est suicidaire !
Je poursuis donc mon chemin solitaire au delà du vrai couloir de descente, sur l'arête dentelée où je ne suis pas trop secouée, mais pas question de suivre le fil.
Je m'attarde, rien ne me presse, je savoure ce vent de Liberté.
J'ai juste rencontré deux humains, ces lieux ne sont guère prisés bien que grandioses.
Je finis par quitter mon perchoir, en désescalade, je regagne le sentier et c'est dans le confort absolu de deux haies végétales agressives à souhait que je rejoins mon véhicule.
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Le sentier de la combe |
Ne parlons pas chiffes, 5.5 km c'est rien, c'est tout, c'est immense, ce jour !
Quelques images de mon site préféré
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L'arche du Petit Dru et un coeur sur roche, coussin végétal très très vieux genévrier je pense |
Et une nouvelle curiosité à aller rencontrer, par les crêtes :
une nouvelle arche!
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Y arriverai-je en passant par le toit ? |
Quelques conseils non superflus :
Ce décor calcaire surchauffé l'été demande certaines précautions ; le soleil y brûle, il y fait chaud et soif, donc bien prévoir.
La vipère aime ces coins : attention où on met mains et pieds. On n'en rencontre pas à profusion mais il suffit d'une mal garée.
Ceux qui chercheront les sentiers secrets doivent savoir qu'il faut être un peu expérimenté, avoir une bonne condition physique, être capable de rebrousser chemin, c'est énergivore, un peu compliqué et la végétation est très agressive. Un casque et une corde ne sont pas superflus. Prudence donc. Mon blog est une invitation à la découverte, pas à l'accident.
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