La montagne mythique des Catalans, c'est
le Massif du Canigou qui, de la plaine, domine majestueusement du haut de ses plus 2000 (2784 m pour le Pic du Canigou).
Depuis la périphérie de mon village, avec son avant goût de printemps, en ce lundi 17 février, la neige tombée hier habille le Monarque.
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En rouge, mon lieu d'expédition |
Ce massif a une particularité, il est empli de fer, mais un fer très pur, exploité depuis l'époque romaine jusqu'au XX ème siècle, un fer qui rend les orages particulièrement violents et qui a conduit à l'accident bon nombre d'avions en ce XXème siècle, avant l'arrivée de fiables instruments de navigation.
De nos jours, le Canigou reste silencieux, tourné vers les sports de montagne, randos d'hiver et d'été.
Je vais en ce lundi d'éclaircie météo faire un petit parcours fort sympathique.
Tel que je peux le reconnaître depuis mon lieu de vie (photo ci-dessus).
Il me faut parcourir 45 km de route et le dernier village est
Corsavy, à 777 m d'altitude. Surplombé par une des nombreuses tours à signaux du département qui, par un système sophistiqué de feux, permettaient de communiquer d'un bout à l'autre du département en cas d'attaque, aux 13ème et 14 ème siècles surtout.
La neige tombée la veille caresse les prairies du village et les montagnes environnantes.
Je roule sur une route au milieu des arbres givrés et glacés qui pleurent leurs cristaux sur la carrosserie avec des bruits cristallins. Etonnantes perles.
Enfin j'arrive aux contrées où personne n'est passé, j'affronte la route blanche sans équipements spéciaux mais tout va bien et je pose enfin mes roues que je troque contre la tenue de sport.
Sur cette photo, on voit la roche des bas côtés très ferrique, avec ses teintes de feu et sa rouille.
J'entame la montée à pied vers les bâtiments désaffectés de la mine de Batère.
La mine vit le jour en l'an 200 avant JC mais connut sa période d'expansion avec la révolution industrielle et la naissance des hauts fourneaux au 19 ème siècle. Cette exploitation fut complétée en 1900 par une ligne aérienne de wagonnets sur 9 km de distance vers les hauts fourneaux d' Arles sur Tech.
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Pylônes en bois d'abord |
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Métalliques ensuite |
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Traitement à Arles s/Tech |
La mine de Batère connut sa décadence en 1939, puis réouvrit avant que de fermer définitivement en 1987.
La ligne de wagonnets et le terminal de réception n'existent plus.
Il existait alors un véritable village de mineurs, en ruines depuis (dommage pour le patrimoine), dont un seul bâtiment est transformé en gîte. Nous sommes à 1400 m d'altitude.
Cette petite page d'histoire tournée, allons donc prendre un grand bain blanc.
La forêt vit et soupire au rythme de la neige qui tombe en poussières étincelantes dans un froissement soyeux ou s'abat sourdement en paquets poussiéreux.
Seuls des chants d'oiseaux de printemps troublent ce soyeux silence; un paysage irréel avec ces bâtiments fantomatiques, ces arbres d'où glisse une pluie d'argent et cette neige comme un tapis de haute laine.
Puis la forêt cède le pas à la blancheur éblouissante et nue.
Un regard vers la plaine et la mer, derrière la tour -à signaux - de Batère qui a perdu un étage au fil des ans.
Un regard vers les cimes que le brouillard caresse.
Personne n'est passé par là ce matin, la neige est vierge de traces et la poudreuse un peu trop...poudreuse : mes raquettes s'enfoncent et rendent les pas lourds. Fatigue assurée.
Personne ? Un chien solitaire, sans accompagnant, a suivi le sentier , un GR, tranquillement, à foulées égales. On suivra la même voie sans jamais se rencontrer.
Mais que fait donc cet animal solitaire en ce lieu désert ?
Mes traces suivent celles du chien, en corniche, dans la poudreuse souple et légère.
Et me voici parvenue au
Col de la Cirère (de la cerise), où je troque tee shirt contre anorak et où le brouillard joue à cache cache avec les arbres et le soleil dans une sarabande muette mais endiablée.
Je pensais en faire mon terminus mais l'appel des blancs espaces, le silence, la beauté sont autant d'invitations au voyage. Alors en route, toujours plus haut...
D'ailleurs, comme par magie le brouillard s'enfuit et révèle
le pic de Galinasse (2461m) , d'un blanc de velours.
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Mon coup de coeur végétal |
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Pic St Pierre 1791 m |
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Col del Pey 1718m et Pic de l'Estelle 1778 m |
Du petit col, je vais tracer tout droit en descente, sans aller au Pic de l' Estelle; une descente en poudreuse de 400m, en courant presque; je soulève de l'écume de neige et des boulettes, avalanches miniatures, me précèdent en grossissant, grossissant, dans un froissement de tissu.
Il va sans dire que je me régale.
Et puis, il y a cette vue époustouflante sur la plaine, la mer, et dans ce paysage, quelque part, minuscule, se trouve mon village d'où je me plais tant à photographier ce massif où je suis. L'envers du décor, en quelque sorte.
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1393 m |
Je retrouve la piste au terme de cette cavalcade au
Col de la Descarga, confluent des "pistes du fer" en provenance de Batère et de sa "soeur" La Pinouse.
La montagne environnante porte des vestiges du temps de la mine : galeries, remblais, bâtiments, etc..
Qui finissent leur vie au soleil.
Quant à moi, je retrouve ma voiture dans un paysage différent : c'est le dégel à grands murmures d'eau.
Dans quelques jours la neige ne sera plus qu'un lointain souvenir. D'ailleurs, ici, elle devient de plus en plus rare.