D'où qu'on le regarde, le Bugarach est imposant .
Quelle que soit la face qu'il nous présente, elle est austère, rébarbative, dentelée, crénelée, "tourellée", fortifiée.
Quelle que soit la voie par laquelle on y accède, le sentier est escarpé, sportif, et glissant.
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Face est et arête |
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Face ouest ce matin |
Il existe 3 voies; je m'apprête ce printemps à en "ouvrir" une 4 eme, hors sentier, musclée mais pas plus difficile que les autres. Je sais que personne n'ira et ne m'y suivra. Je sais qu'elle sera belle. J'en ai déjà parcouru plus de la moitié. Je suis impatiente depuis que je l'ai revue, d'en haut, cette fois.
Ce dimanche, Ludo m'invite à grimper au Bugarach par l'arête, elle mesure 500 m de long pour 135 m de dénivelé, lequel est concentré sur le final du parcours, très escarpé. Le reste est linéaire.
Ludo a choisi ce site pour se reposer de son ascension en solitaire de l'Aneto (3404 m) en hivernale, par un couloir d'alpinisme, épreuve gratifiante mais épuisante. Vraiment un coup de Maître!
Je le suis pour me diversifier de mes recherches obstinées en Conflent.
Notre point commun est l'Amitié. Celle qui défie le temps et les ans. Celle qui ne fait pas se poser de questions ni ne demande définition. La vraie Amitié.
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On a rendez vous à un point précis du trajet, nous y arrivons à 2 minutes d'écart, ça, avec Ludo, on sait faire ! Il a choisi un parcours long et je le vois déboucher de la forêt sur un sentier pentu, du pas facile et rapide de ses longues jambes riches de 10 km déjà et d'un grand dénivelé. Il avale tout ça comme moi un éclair au chocolat !
Pour arriver jusqu'à lui, à Pechines, 910 m, je suis partie de la route de Bugarach à St Louis. Point de départ normal pour l'itinéraire dit "de la fenêtre". Je n'ai pas étudié le parcours, et je serai surprise de sa longueur, de son dénivelé cumulé, et surtout, bien que le sentier soit balisé, de la facilité que je vais avoir à perdre mon chemin. Ce matin j'ai tout faux. La beauté du paysage est bien vraie, je la savoure tout en pressant le pas, je perds ma marge de sécurité à chercher des traces dans ces fichues prairies de La Couillade et de Campeau, hameau abandonné, qui semble avoir été brutalement déserté comme après un séisme. Je suis sur le versant sud ouest.
D'abord, des langues de brume encapuchonnent les boursouflures rocheuses du Bugarach alors que le soleil fronce les dentelles de pierre tout en face.
Des chevaux viennent me saluer, je glane un bisou humide et chaud au passage. Des forêts alternent entre chênes, hêtres et buis. La mousse habille tout ce qui est humide et dans l'ombre. Je marche sur un ancien chemin de communication entre deux villages, il conduit à Camps sur Agly, bien construit et confortable malgré l'usure.
En images les 5 km du trajet :
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Sentier, ancien chemin de communication |
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Très à l'ombre et humide |
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Ouverture sur le paysage, prairies et chevaux |
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Toujours l'ancien chemin |
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Du côté de la Couillade |
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Même lieu : ruine |
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Le site de Campeau, hameau abandonné |
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Vers le Bugarach |
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Campeau, la vie s'est arrêtée comme subitement |
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Le vieux tracteur à chenilles |
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Ancien chemin, Campeau |
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Sa suite, entre Campeau et Pechines |
Col de Péchines, une dernière grimpe qui ouvre sur un superbe paysage et Ludo débouche de la forêt qui plonge en versant est.
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Hêtraie au col de Péchines |
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J'ai RDV là en haut! |
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Plan large sur les monts enneigés |
A présent nous pouvons partir sur un itinéraire quand même balisé et la couleur est annoncée. Ce ne sera pas toujours rose ?
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"Itinéraire sportif" dit le panneau |
L'arête qui conduit au sommet va avoir un parcours débonnaire pendant un grand moment, nous permettant d'apprivoiser le vent, et de savourer le décor qui porte jusqu'à la mer où plongent les Albères, avec le Canigou, la chaîne des Pyrénées et même le Madres et le Soularac. Les vallées audoises ne sont pas absentes, ni les moutonnements de collines jusqu'à la mer, coiffées de châteaux cathares.
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C'est devant nous, tranquille : le gros morceau est encore loin |
Le dos dentelé de l'arête s'habille de quelques forêts, hêtres ou buis, où joue la lumière. C'est alors humide et glissant et tout plonge en une longue chevelure grise sur plus de 300 m de haut, en face est.
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Sous bois moussus : hêtres et buis |
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Ce sera quoi ? On n'en sait rien mais ce sont de vrais tapis Je dis jonquilles |
Une face est que l'on voit de loin, un mur !
Nous prenons doucement de l'altitude, Ludo se repose, il a mis le frein moteur en montée !
Il me montre le début des difficultés qui se profilent sous forme d'un mur dans lequel on va entrer : il y a des cordes me dit il....
Bâtons dans le sac, on attaque la falaise, montée facile et confortable. De nombreux pitons évoquent des descentes assurées par temps de neige ou de gel, voire de pluie. Il l'a fait sans corde, avec neige, gel et brouillard, c'est difficile.
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L'élégance du geste |
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"Quand je serai jeune", lui dis-je, "je serai grimpeuse !" |
Du flanc du mur, la vue est belle sur le vide et les sommets enneigés. Au bas d'un couloir, il me cède le passage, à moi de grimper. Le passage très escarpé va se révéler très facile, je m'aide davantage des racines que des cordes et j'ai l'impression de déjà vu : c'est la réplique des "Ganxos Nous" du Puigsacalm, tant qu'au petit col, instinctivement je cherche la clochette à faire sonner.
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Il n'en a pas besoin |
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Je m'en sers un peu, sans trop Il y a dans cette montée un orifice bien tiède |
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La partie la plus accidentée du parcours |
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Le Bugarach, en plus de toutes ses originalités et fantaisies n'est pas asexué |
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Toute la crête que nous avons suivie |
Au Puigsacalm c'est bien plus long, là j'en redemande tant que lorsque le sentier de raccordement arrive, je me refuse à le prendre et je m'engage sur la falaise de façon péremptoire, malgré la verticalité du court passage. Pourvu qu'il ne faille pas redescendre...
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On devine le sentier, nous on montera par la droite |
Mais non, le final de l'arête, débonnaire s'ouvre à nous et la vraie difficulté va commencer : lutter contre la violence des bourrasques qui nous enverraient bien au bas du mur. Le vacarme, le froid, s'imposent, avec, paradoxe, un soleil éclatant et une pluie de perles de glace, celles arrachées aux végétaux entièrement givrés qui scintillent à nos pieds.
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Fin de parcours, là on sera époussetés ! |
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Un sol craquant |
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Tellement joli ! |
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Croix sommitale : personne ne la volera celle ci ! |
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En rose pour les filles |
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Et bleu pour les garçons |
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Gros plan sur le Madres qui, le lendemain, sera bousculé par une tramontane à 207 km/h |
Pourtant on s'attarde un peu, on se remplit toujours du coup d'oeil et, lavé par le vent, le paysage est somptueux à perte de vue. Les promeneurs arrivent, secoués eux aussi, par la voie normale, la montée par la fenêtre, un incontournable. On fera la descente par cette voie, pour une fois.
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Mon prochain parcours pour le sommet : ascension de cette face. J'en ai déjà fait un morceau Village de Bugarach, caché et vallée de la Blanque (dont l'eau n'est pas la célèbre Blanquette,pourtant assez proche) |
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En bas, le Linas |
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Vallée de l'Agly : direction la mer ! |
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Derrière "l'aigle" se cache Bugarach village |
Pour le moment il faut chercher un abri pour manger, pas facile, tout est exposé au vent. Une falaise surmontée d'un museau de dromadaire fera l'affaire. On voit monter les promeneurs, points minuscules, la déclivité est impressionnante.
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On en vient : merci !! |
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On a les glaçons mais pas la boisson |
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Au restau : on va redescendre tout au fond dans ces prairies |
Pas question de s'attarder malgré nos intéressants bavardages, le froid s'impose, dire que je craignais d'avoir chaud !
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Le dromadaire du restau |
J'enfile le pull de secours et on attaque la descente au pas de course. Un défilé humain courbe l'échine vers le sommet : modeste, ce sommet attire comme un aimant. L'arête qui continue vers le nord est douce et moelleuse alors qu'elle semble redoutable vue d'en bas, un des fantômes du Bugarach y a mordu un jour à belles dents pour lui donner cet aspect. Ce n'est plus une arête. Malgré les apparences.
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Cette partie de parcours, molle et arrondie n'est autre que le sommet du redoutable mur plissé ! On ne peut la nommer arête.. |
Un orifice surprenant en bord du chemin ouvre sur un puits noir sans fond, béant à tous vents, dangereux à souhait : mais comment reste t'il sans protection ? Il ne semble pas s'agir de la sortie du Bufofret, cet immense labyrinthe de galeries souterraines qui rampent dans le Bugarach sur 4.5 km.
Je me penche sur le gouffre, je descends une marche, Ludo me voit déjà être avalée par le Bugarach, donc je remonte et renonce à sortir ma grosse lampe; je remets cela à une autre fois.
Et on dévale vers la fenêtre, on avale les lacets et les barres rocheuses, saluant au passage le Canigou par la fenêtre ouverte où l'appel d'air est si grand que je dois me cramponner aux prises calcaires.
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Un pt'it trou...sans fond, ou avec. Là on peut se réchauffer, il fait bon |
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Deux pt'its trous...y a des trous partout et le Canigou en profite |
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Un aperçu de la penté |
On continue à bavarder, on est deux conteurs nés ! Une balade avec Ludo, toujours d'humeur égale, est un bonheur et un honneur : sa jeunesse, dont il m'offre un moment pour partager une sortie, est vivifiante. Tellement que j'en viens à lui dire : "Quand je serai jeune, je ferai des sorties avec toi !"
Le paysage est grandiose, cette partie du Bugarach est de loin la plus belle avec ses formes prêtant à sourire parfois, à l'imaginaire toujours. On croise quelques randonneurs, le temps est à la sérénité, à l'abri du vent.
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Descente musclée |
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J'adore grimper et son contraire (ici) |
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Dans un très beau décor |
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C'est fini, on rejoint le plancher des...chevaux. |
Retour à la route où mon camion m'attend, je vais ramener Ludo à sa voiture, cela compensera la marche lente que je lui ai imposée, raccourcissant son périple, mais une belle amitié le vaut bien. Nous terminons la sortie par deux bonnes boissons bien fraîches, sans glaçons, on les a laissés en haut et une bonne récolte d'eau salée dans la rivière de la Sals : issue du sous sol boueuse et salée, elle sait si bien soigner les douleurs. |
La Sals |
Merci, Ludo !