Un jour lointain d’octobre 2016, où la vie était encore
insouciante et légère, je parcourus la Serre de Mauri, 22OO m d’altitude, en ce
secteur surnommé « la petite Sibérie », c’est tout dire ; je la
redécouvrais, sous des auspices plus cléments que la première fois et décidai
d’en faire un article de blog. Je découvris alors qu’une montagnette proche de
chez moi était presque une homonyme, « la Serre de Maury ». Le y
faisait toute la différence : une longue colline calcaire, entre 400 et
900 mètres d’altitude, longue crête et long plateau calcaire, boisé, tout
l’inverse, quoi….Dont la proximité de la mer adoucissait le climat.
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Début de la Serre ; direct sur l'arête |
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En fond la Serre de Maury dans son ensemble (27 décembre) |
Je n’eus plus qu’une envie, aller y frotter mes semelles. Une
première tentative entre amis fut ajournée pour cause de vent violent –oui ici
le fléau est la Tramontane- et en ce premier jour d’hiver 2020, nous y voilà.
Les mêmes amis et moi.
Nous avons dormi sur place (440 M) dans nos vans, au pied de
la forteresse de Quéribus, belle chandelle dans la nuit ouatée de brume. Au
matin nous sommes à pied d’œuvre, sacs légers, un peu de corde au cas où , le
petit sac pour le chien, au cas où, et une frontale embarquée par intuition au
dernier moment…Au ca où…
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Décor depuis mon lit |
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Bivouac au col |
8 h 07, on démarre, le ciel est lumineux, suite à des
journées grises à dépérir.
Le petit chien blanc, une superbe Roxanne piaffe d’impatience
et je crois que nous aussi. Nous ? Les heureux parents Claude et Josy, et moi.
Coincé entre un second confinement et un inéluctable 3 eme
qui se profile, ce jour sera le nôtre. La brume qui a rôdé toute la nuit s’est
retirée et plane sur la plaine, entre vignes et lever de soleil somptueux sur
la mer. On ne se lasse pas, cela adoucit la raide montée qui nous fait gravir
plus de 200 m en terres calcaires et végétation mouillée.
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Au loin, Quéribus, au centre notre bivouac |
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Le moutonnement de la brume recouvre les vignes |
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Les collines de la vallée du Maury |
On arrive ainsi à l’arête 693 m: la surprise sera de
taille ; paysage superbe, couleurs et lumière, décor mariant mer et
montagne, mais aussi humidité parfaite, roches glissantes à souhait, Prudence
s’invite au voyage sans demander notre avis.
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Glissant et escarpé |
Naïvement on imaginait un plateau ourlé d’une crête et un
sentier bien tracé à plat sur le plateau car on sait la balade longue. Mais il
n’en est rien, le sentier, c’est l’arête qui court à cheval entre Aude et
Pyrénées Orientales, donc escalade, désescalade, évitements, bref tout au plus
près ou sur la roche. La couleur est annoncée : la pierre blanche est
sèche, la grise, omniprésente, est
mouillée et glissante comme savon. Quand elle brille, elle
ruisselle
Alors commence une sorte de gymkhana aérien, bâtons dans le
sac, mains en appui et attention de tous les instants, nous sommes loin de nos
vingt ans !
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On tire, on pousse, on porte le chien qui est docile |
Les lieux ont des noms pas toujours esthétiques : Roque
de Pourcatière (de porc) ou Serre de Cabrounne( de chèvre), ça
parle !
Le petit chien est apeuré, ses maîtres ont besoin de leurs
deux mains. Le terrain est familier pour moi, je prends donc Roxane sous le
bras, tantôt l’un, tantôt l’autre selon les prises et la boule de poils blancs
me fait une absolue confiance, trimballée comme un paquet. Même lors des
glissades qui vont meurtrir mon arrière train ! Toujours aux aguets de ses
parents quand même, on fait finalement un quatuor bien accordé.
Peu à peu au cours de la progression elle se familiarisera avec la roche et après le repas de midi, elle grimpera et désescaladera seule à de rares exceptions près. Une petite technique toute en douceur de « pousse cucu » et encouragements oraux aura raison de ses réticences. Je réalise qu’en 70 ans de vie, je n’ai jamais tenu dans mes bras un chien aussi longtemps…Aïe si mes chats savaient ça.
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Si mes chats savaient.... |
Le parcours est aérien, lent, magnifique et prudent, pas
toujours bien lisible, et surtout pas fréquenté : on rencontrera deux
jeunes randonneurs, surprise réciproque !
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Tels des Sioux, deux inconnus |
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Très sympathiques ces randonneurs |
Le temps est clément, sans vent, ensoleillé et on oscille
entre face nord et face sud, ce qui nous fait de beaux cadeaux : Quéribus,
Peyreperthuse, les forteresses cathares, Cucugnan et son moulin (pas celui de
Daudet), Duilhac, Maury, St Paul, le Canigou, les Albères, la mer, et tout ce
qui vit à nos pieds.
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Mon arête de prédilection que je continue à explorer |
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Et l'inverse, 5 jours plus tard |
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Pic de Soularac Ariège |
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Cucugnan Aude |
Nous, nous sommes un trio d’amis qui s’amusent malgré l’âge
et qui oublient les vicissitudes de la vie : un excellent moment de
partage et de convivialité.
Le temps passe et je commence à pressentir un retour à la
frontale. Mes amis font fi de mes élucubrations et je n’insiste pas, plus tard
ils m’avoueront n’y avoir jamais cru.
Quelques moments du parcours :
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La vallée du Maury |
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Draperies calcaires |
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C'est la jungle entremêlée avec la roche |
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Une arche !! |
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Je n'ose pas avancer ça aurait tenu je pense |
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Devant l'arche |
On a pris place au restaurant, le nôtre, celui d’altitude,
le plus somptueux du monde, bien sûr, ne soyons pas chauvins ! Roc
Courbas, 893 m.
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Repas face au Canigou |
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Massif du Canigou |
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Le Pic du Canigou |
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Les Pics Péric |
Il paraît que l’arête va s’arrêter mais …où ? Ici dit on
…Pas sûr.
Bon tout le monde s’y amuse, donc pas de souci. De temps en
temps je m’offre une escapade en grimpant un mur, Roxanne ne m’y suit pas. Les à pics sont somptueux et les lointains
prestigieux, finalement à deux pas de chez soi, on est au bout du monde, celui
qu’on a dans la tête.
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Mes leçons de grimpe ont porté leurs fruits |
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Je grimpe par moments |
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J'aimerais grimper cela , à la corde |
On arrive à une croisée de sentiers, celui qu’il serait
raisonnable de prendre, vers « la piste » car le jour est court n’est
ce pas ? mais mes comparses ont envie de faire la longue boucle et… « j’ai
la frontale » leur répétai-je pour la ennième fois. Après tout soyons fous …dans ce monde encore plus
fou que nous. Moi aussi j’ai envie de continuer.
Et nous voilà partis, en forêt cette fois, un magnifique parcours dans les buis qui peinent à retrouver du feuillage et les chênes verts élégants.
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Dévorés par la pyrale du buis depuis 2008 |
L’arête diminue et meurt doucement vers
la Quille, 964 m, le point culminant. Tout en bas minuscule et sinueuse, la
piste de notre retour, si loin….
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Château de Quéribus |
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Château de Peyreperthuse |
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Et notre château à nous : du ROC |
A partir de la Quille où toute signalisation s’est perdue, on devine le parcours et on trouve un cairn dans la jungle qui a remplacé la roche et les sous bois . Le cairn débute un sentier bien marqué qui nous mène bon train vers la sortie et la descente. |
Château de Peyreperthuse agrippé à la falaise Village de Duilhac |
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Qui s'accroche à qui ? Le jour à la nuit qui se profile |
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Cette fois c'est la savane qui a avalé le sentier celui qui nous mène vers la descente |
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Secteur du Pas de l'Ayrettes (910 m) |
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On est bien sur le bon chemin ? |
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Roxane est rassurée! |
Le soleil décline impitoyablement et nous, on force la
marche !
On l’aura vu se lever, on le verra se coucher !
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Peyreperthuse |
Pourtant en ce décembre, premier jour d’hiver, je suis bras
nus ! Josy aussi.
On aborde la descente dans un magnifique sentier qui met nos
vans encore plus loin, toutefois la piste ne sera plus qu’un vase boulevard…de
nuit ? Oh que oui !
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Dernier visage de montagne, le Bugarach |
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Dirait on l'hiver ? |
On arrive au terminus du sentier, le croisement de pistes
fait figure de place de l’Etoile après ce parcours accidenté. S’il n’y a pas
d’Arc de Triomphe, il y a les feux du couchant et le triomphe d’avoir mené à
bien cette jolie balade.
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Col de Lappès, 601 m: nous sommes au km 9.30, il en reste 9.41 Heureusement on l'ignore |
Nous avons parcouru près de 10 km, mes amis pensent qu’il en
reste 4 et moi 7 . Pessimiste ? Oh que non…D’ailleurs, on marche longtemps
sur une piste qui s’assombrit, les flaques luisent, aux aguets, la lune
insolente et moqueuse s’y réfléchit, en jouant entre arbres et falaises.
Mais ce n’est pas fini, tant s’en faut, Roxanne a mal à une
patte et Josy l’a embarquée dans le sac de transport. La demoiselle est rétive,
pensez donc elle est devenue grimpeuse !
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Roxanne a changé de chauffeur |
Elle gigote, râle en silence, passe de chauffeur en
chauffeur, sur le ventre, sur le dos, et la nuit tombe, les kilomètres
s’ajoutent
Alors cette frontale , on l’allume ? Et oui, sa lueur
vive illumine le parcours et on fera bon nombre de km, croisant les doigts pour
que sa pile soit assez chargée (c’est sa 1ere sortie) ; vaillante elle
nous évitera le bain de pieds, l’usure du regard et la marche hésitante. On
file bon train d’autant que Roxanne a abdiqué et on la remet au sol où elle
trotte allègrement sur ses quatre pattes.
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La frontale allume les perles de rosée sur tous les végétaux, c'est féérique |
On arrive enfin au parking, il est près de 19 heures, une
brume épaisse colle aux basques, on a parcouru plus de 9 km de piste, puis un petit
tronçon de route dangereuse, et au bout de 2 h 19, on s’écroule presque à l’arrivée où nos deux
vans ont fait des petits : ils sont cinq à présent. Un coup de téléphone
bienvenu quoique agacé signale à ces irresponsables que nous sommes, qu’il
fait nuit, que c’est de la folie de se balader dans la nuit et que,
enfin ! il y a le couvre feu ! Euh….on l’avait oublié celui-ci, trop
tard pour rentrer à la maison et bien on dormira encore sous les feux de la
rampe de Quéribus !
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Quéribus va veiller sur nous |
Mais en attendant, on s’offre un somptueux repas : c’est
presque Noël non ? et on l’a bien mérité….
Photos : Josy, Claude et moi
En chiffres
Distance totale : 18.71 km dont 9.30 de sentiers et arêtes et 9.41 de piste
Temps de marche 6 h 57
Dénivelé total cumulé : environ 700 m
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Profil du trajet et tracé GPS |