samedi 21 septembre 2019

Le "Sentier du Guetteur" en terre d' Aude

Je suis toujours sur une ou autre sente, à présent elles sont marines, littorales, et toujours aussi belles.
Qu'est ce qu'on a l'embarras du choix ici !

Sentier littoral en terre d' Aude



Le département des Pyrénées Orientales et son voisin l' Aude ont bien des traits en commun. Ainsi tous deux commencent (ou finissent c'est selon), à leur extrémité sud, par une côte rocheuse bordée par la même mer, la somptueuse Méditerranée.

Un sentier littoral perché sur les falaises, dit "Sentier des Douaniers"car tel était son rôle autrefois,  mais re nommé "Sentier du Guetteur", domine la mer, le large, l'abrupt des falaises et est bordé de vignes plus ou moins proches, plus ou moins escarpées. Toutefois, le sentier audois ne mesure que 4 km, alors que celui des PO est long de 32 km, donc il y a davantage de villages, phares et parcours accidentés en 66. Les deux ont une base militaire haut perchée et celui de l'Aude possède en plus un restaurant panoramique.
   Etoilé , qui plus est !




Mais partons donc à sa découverte !

Il fait beau ce 20 septembre et avec Huguette, nous allons d'abord au grau de l'étang déguster des fruits de mer arrosés d'un bon vin blanc de Leucate. Consommons local ! Un café gourmand plus tard, on grimpe en voiture au sommet de la falaise, au-dessus de Leucate (du grec leukos = blanc) joliment abrité au pied de la muraille , d'où s'étire une infinie plage de sable blond qui ira mourir bien plus loin, en 66, au Racou.
On pose le kangoo au pied du phare et on démarre une courte, aérienne et odorante balade de plus de 4 km, dont la particularité est d'être absolument plane. Pas de dénivelé à l'horizon.

La "plagette" accessible par un sentier escarpé, la seule plage d'ailleurs
L'horizon est la grande bleue à perte de vue, qui se teinte de vert au pied des falaises, une courbe élégante au nord, virage doux vers Narbonne, Corbières et étangs logés dans le creux de ce virage.
Quant au village que nous ne voyons pas encore, posé au pied de la falaise mais pas du tout abrité des vents, c'est La Franqui. Où se tient chaque année le Mondial du Vent, c'est tout dire!





Surplombs , le front de falaise est
très surplombant
Le sentier est un peu à l'écart
Pas de vent aujourd'hui, sinon le parcours eut pu être périlleux.
Périlleux parce que le vol plané sans parapente y est garanti. Avec parapente il s'y déroule aussi, c'est un site privilégié.

























Le décor ainsi planté, avec Huguette, nous poursuivons notre traversée. En bavardant; c'est très agréable.
Contrairement aux falaises de la côte Vermeille, noires, schisteuses et tourmentées, ici c'est calcaire. Donc une morphologie totalement opposée. Des roches rongées par la mer en milliers d'orifices, sortes d'éponges aériennes, des dalles en strates qui s'effondrent, s'écroulent ou restent suspendues,, c'est moins sauvage  que chez le schiste mais tourmenté quand même. Le décor est un livre de lecture.

Ici des cendres se sont envolées
J'ai failli en faire autant
D'un seul coup, alors que je suis descendue un peu à flanc de falaise, mon pied dérape sur ces billes calcaires, je tombe, je glisse et me rattrape je ne sais comment avant le grand saut (sans parapente) dans le vide. Huguette s'effraye et moi aussi ! Je ne quitterai plus le sentier!






La roche d'ici, sédiments marins


Des dalles bien en place
(on dirait la Serre Mourène)

Des dalles prêtes à tomber

Il y a très longtemps cette presqu'île sur laquelle nous marchons fut une île (au quaternaire) Sur sa face est se trouve la mer mais sa face ouest est bordée de magnifiques étangs. Les strates de nos falaises racontent cette histoire vieille de 2 à 6 millions d'années.Sentiers et chemins découpent ce paysage aujourd'hui envahi par la broussaille, mais un entrelacs de murets évoque l'agriculture du temps passé.  Pour preuve ces vues aériennes
Un demi siècle d'intervalle : recul de l'agriculture
Mais les parcelles se devinent en filigrane, tout le terrain était exploité avant les années 60
Parcelle à l'abandon,
De culture, nous n'en verrons aucune car nous ne quittons pas le front - aérien - de mer. Les parfums de pins surchauffés sont la senteur du jour, les bleu blanc vert, la couleur du jour.









De magnifiques pins d'un vert vif, aux postures alanguies (euh, martyrisées par les vents) colonisent le paysage et les falaises, le bas des falaises même et bouchent l'horizon. Ils partagent le territoire avec le pistachier lentisque serti de fruits rouges et le buplèvre ligneux qui fleurit jaune.  D'anciens sentiers se devinent et se perdent, seul celui "des bergers" permet l'évasion dans la garrigue, vers les vignes invisibles bordés d'amandiers, un enchantement au printemps.




Tout au fond court un sentier




Les pins, partout

Comme à Banyuls, le figuier des falaises
 Enchantées nous le sommes aussi: en cet antépénultième jour d'été; le soleil est un peu absent, les teintes adoucies, les parfums alanguis. Un large chemin a remplacé le sentier, de profondes ornières creusées dans la roche racontent la vie agricole d'autrefois, au long cours des siècles. Notre regard se perd au large où croisent quelques voiliers et où s'envolent des kite surf. La Franqui nous montre son visage enfoui dans les pins (son seul coupe vent), sa plage, ses étangs diffus et les Corbières calcaires un peu plus sombres.
La Franqui : au 16 eme siècle, sous Henri IV, des pâturages sont accordés aux habitants de Leucate, sur ce plateau, pâtures nommées " terre franche" qui deviendra Lafranchie, puis La Franqui.

Le chemin et ses ornières de roche

Pistachier lentisque
La Franqui se dessine

Le Fort de la Haute Franqui : sous le règne de Louis XIV un projet de port à La Franqui était dessiné et ce fort avait pour but de protéger le port, ainsi qu'un autre, celui de La Basse Franqui (1711) détruit. Celui d'en haut est joliment restauré.



La Franqui ... comment résister à l'attrait d'une boisson fraîche : ce sera le dénivelé du jour, 40 m avant la terrasse du café, cela se gagne par des escaliers posés à flanc de falaise, presque sur le toit des maisons. La remontée surtout se gagne...la preuve en humour bleu !
Kite surf à La Franqui

Soulagé !!























Un peu plus tard le retour a ses charmes, chemin à l'endroit, chemin à l'envers, rencontre avec une artiste peintre qui dessine et aquarellise ses carnets de voyage, séance pose pour la photo (j'en dérobe une, aïe)...mais elle nous laisse sa carte. Les derniers promeneurs s'attardent, le soleil diffuse un halo autour du phare, j'aurai beau me contorsionner je ne le logerai pas dans le phare.



L'artiste et son carnet de voyage: Isabelle Haas (Balma, 31)
Artiste peintre et professeur de dessin



Un goût de revenez y, un souvenir de balades passées, c'est mon carnet de voyage qui s'inscrit en filigrane et encre sympathique sur cette fin de journée.


                                                                                          Merci Huguette de m'avoir accompagnée....


Le lieu de la balade, presqu'île, ancienne île
Carte de 1950


mardi 17 septembre 2019

Les chemins secrets de la mer

La mer, ici, a deux manières de fêter ses épousailles avec la terre de mon pays natal. En une longue plage de sable blond ou par une côte de schiste sombre, savamment découpé et rongé, nommée Côte Vermeille, que je me plais à surnommer Côte Merveille. De Vermeille elle n'a que le nom, la roche y est trop sombre pour avoir la moindre tonalité de rouge mais lorsque des pans de falaise s'effondrent, alors c'est un coeur de rouille qui plonge dans les eaux cobalt ou turquoises.

Du côté de Banyuls sur Mer 66
Le soleil levant peut aussi allumer des feux sanglants, mais pour ce faire, il faudrait les admirer depuis le large.
Mon grand large du jour sera une portion de côte d'une centaine de mètres d'envergure où je vais découvrir des trésors cachés.
Je suis partie pour explorer un peu au masque et au tuba avant que de prendre mon repas perchée sur les falaises, au menu de l'après midi ce serait Sentier Litttoral.
Ce serait...
Le Sentier Littoral qui court entre la frontière espagnole et Le Racou, premier bastion rocheux, est l'ancien Sentier des Douaniers. La France en compte plus de 4000km dont 32 ici. Le Sentier littoral est devenu lieu de randonnée, balisé et beau au possible. Je l'ai en partie parcouru, il me manque le tronçon Banyuls Cerbère. Le pays voisin a aussi le sien.
En ces lieux il est doublé sous la mer par un petit Sentier Maritime, dont je veux conter l'histoire et la beauté, je l'ai effleuré récemment.
J'arrive donc en fin de matinée au point de départ du Sentier Littoral et là je suis immédiatement séduite par la beauté du site : tout en bas, des eaux de couleur remarquable, au pied des falaises m'invitent impérativement.




Un sac à dos, mes affaires de bain, un masque et un tuba, mon petit appareil numérique kamikaze et me voilà partie au hasard: trouver un accès de descente. Il suffit de suivre une ébauche de sentier dans la végétation sèche et griffue et me voici dans un "couloir" rocheux que je descends aisément. Un des sentiers secrets de la mer. Tout le monde n'y a pas accès, il faut avoir le pied sûr, le vertige absent et le goût de l'aventure. C'est comme à la montagne ! Un pan de falaise s'est effondré révélant le coeur saignant d'un chaos rocheux et je louvoie entre d'énormes blocs, comme sur ces montagnes où je navigue.




J'atteins enfin les rochers noirs, déchiquetés, érodés, creusés, tranchants à souhait, bordés par une frange végétale rose et c'est parti. Ici pas d'hésitation, on entre dans l'eau d'un coup. Par contre par mer à peine agitée, le danger de drossage sur les rochers est grand.




La roche normalement érodée

Le milieu ambiant

Zone d'amerrissage
Immédiatement, le silence de la mer vient à moi alors que mon regard se perd dans un bleu inimaginable, ou un vert, c'est selon. Les fonds sont gris, exempts de végétation, pas la moindre  posidonie qui est le 1 er maillon de la chaîne de vie sous marine. Mon regard est cependant captivé, tellement c'est beau. Quel calme, quelle sérénité, bien que je sois peu à l'aise dans ce milieu-là. Certes ce sont de grands espaces qui s'ouvrent mais je suis habituée aux grands espaces aériens, aux altitudes; j'ai un peu la sensation d'étouffer, avec le temps cela viendrait. Je ne cultive pas cette expérience là, je pense que mon goût pour la photo en serait le moteur. Mes photos sont nulles; abrité dans son sac étanche, mon APN est d'un maniement malaisé et tout ce que je vois va m'échapper : les centaines de poissons immobiles et colorés, en dessous de moi, que rien ne dérange, les millions de bulles qui éclatent en choquant contre les récifs au moindre mouvement de l'eau, ces fééries là seront absentes de mes photos. Mais tant pis, je nage, je virevolte, je regarde...j'ai peur aussi, je ne suis pas à l'aise ! Mes remontées sur mon récif perchoir me valent quelques estafilades, des coupures, la roche est un rasoir.
En images nulles, mon chemin secret aux portes de l'immense réserve marine :




La vraie couleur 


La surface


Je remonte lorsque je commence à avoir froid; un drap de bain sur mon récif me sert de repère je les perds vite les repères ici.



Alors je vais entreprendre un autre chemin, tout aussi secret, je vais arpenter les rochers et les falaises. Drôle de balade entre ciel et mer, où je suis seule, pas plus intrépide que sur les arêtes, juste un peu plus dépaysée. Je me déplace en oblique ou latéralement, m'aidant des nombreuses prises solides de ce schiste ajouré comme un gruyère et tranchant comme canif. Je me dis qu'en prenant le temps on pourrait ainsi faire des kilomètres d'un parcours inédit, somptueux, dangereux, original, dévoilant à petits pas la côte dans ses moindres recoins.
Cette falaise là je la grimpe quand même , puis j'atteins une roche "pourrie" qui s'effrite sous mes mains et que je finirai par désescalader prudemment, cela devient dangereux. En haut je dirai : quelle bonne idée, une corniche m'eut empêchée de sortir, quel univers montagnard en miniature !!

Balade entre ciel et mer



Lisse ou corrodé, le trajet aérien

Mais quelles somptueuses vues me vaut ce parcours....






14 h c'est restau en terrasse. 








Ensuite je repars à la découverte d'un ou autre de ces chemins secrets qu'il faut débusquer dans la broussaille, à l'écart du Sentier Littoral. Ces esquisses de sentier suivent au plus près la falaise et sont discrets car dangereux : un pan de roche pourrait s'effondrer, on verra tout à l'heure les surprises qu'ils peuvent recéler!
Quelques petits couloirs se dessinent, certains trop ardus, j'en choisis un de facile et je découvre un petit figuier qui regarde la mer, il doit y avoir une source intermittente. Donnerait-il des figues salées?

Chemin secret, petit couloir entre les falaises



Un petit couloir à la descente aléatoire ;
pas pour moi
 



Graphisme de roche, violence des plissements



A elle seule un paysage, la roche

Sculptures à l'infini
Arrivée au bord de l'eau, je découvre une grotte haut perchée dans la falaise et je vais m'y loger pour lire et contempler la mer. Je descends me baigner, je remonte mais comme elle est dans l'ombre, je déménage pour aller me promener. En falaise à nouveau. Ce n'est pas de l'escalade, c'est de la randonnée latérale en roche, au plus près de l'eau, très sympa comme rando, cette rand'eau!





Chemin en falaise
 Soudain au détour de mon trajet, j'aperçois une grande grotte, haute de plafond, dans laquelle s'enfonce la mer (calme ce jour); des débris parlent de la violence des flots et je m'enfouis tout  au fond d'où la vue sur mer est remarquable. Cependant, quand on marche sur la falaise...il  y a ce vide en dessous de nos pieds , et on l'ignore!!

Voilà pourquoi je parle des chemins secrets. On ne voit ceci de nulle part, c'est juste quand on y arrive que ce magnifique trésor se dévoile, la mer garde jalousement ses secrets; que c'est beau !
Je n'irai pas plus loin, je pourrais, il me faudrait marcher sur la falaise d'en face, parcours malaisé.

La grotte marine

























Je remonte donc sur les hauteurs, au grand soleil de cette fin d'été, les paysages sont si beaux d'en haut . J'ai le choix des couloirs, ce sera le même. A mi chemin je caresse une longue et mince arête dorée de soleil, je regarde les bateaux glisser au large, les fonds marins sont d'une rare transparence, je suis en bordure de la Réserve Marine de 600 hectares, site privilégié s'il en est.
La mer reste pour moi un patrimoine que je dois re découvrir à chaque fois, ce n'est pas mon milieu de prédilection et pourtant, quand j'y suis, qu'est ce que je l'aime ....Un univers inquiétant et fascinant à la fois, où je me sens moins "comme un poisson dans l'eau" qu'en montagne, un univers qui pourrait m'apprivoiser, peut être. Sait on jamais...quand je ne pourrai plus marcher?

Une mince arête dorée de soleil


Lecture sur les hauteurs






Il y a tant de recoins secrets à explorer....

Que garderai-je de toutes ces belles images ? De ces moments exceptionnels où j'ai parcouru du bout des doigts et des pieds ces chemins secrets ? Sans nul doute mon chemin aquatique en compagnie de centaines de poissons de toutes tailles et couleurs, cet exceptionnel ballet immobile où nous nous observions sans crainte dans des eaux d'un bleu inimaginable strié par les rayons de soleil.