Etang Joclar |
Sous la tempête |
Après une nuit peu reposante, où la tempête de vent écorchait sa violence en longs sifflements sur la carrosserie, je décidai , au matin, de partir là où mon coeur m'emporterait. Inutile, en pleine nuit, d'aller se réfugier au calme, il n'y a rien pour s'abriter à cette altitude et le vent du sud, dévalant la montagne en mode foehn secouait même les rochers. Ma lampe braquée dans la nuit réveilla deux gros yeux jaunes et je réintégrai mon habitacle, me pensant à l'abri de l'ours, qui guettait, de l'autre côté de la rivière.
Au petit matin, l'ours était une tente de camping et les gros yeux jaunes, des frontales qui dormaient encore.
Le vent n'avait pas dormi de la nuit.
Là où mon coeur m'emporterait...Mon coeur avait de grandes ambitions. Moi aussi.
Mais mon corps cria "STOP !!" "Stop, je suis fatigué de tout ce que tu me fais faire sans répit : les vignes, les montagnes, les crêtes et arêtes...Arrête ! Je veux aller à mon rythme, j'ai les jambes lourdes et le pas lent". Alors je lui obéis, par force, car sans lui je ne suis rien.
Et nous partons, mon corps et moi, dans un petit jour grisâtre et venté. Sans relief, sans couleur.
le coeur léger, les jambes lourdes et le bagage mince, un petit sac, peu de nourriture, peu d'eau, (il y a ruisseaux et étangs) et peu de vêtements.
Coume de Varilhes |
J'en ai des envies ! Elles se dessinent dans ma tête, se peaufinent au vu du relief mais je les abandonnerai et ne ferai finalement que l'aller retour de l'Etang Joclar, 2333 m.
Ce sera plus que beau, ce sera frisquet, venté, cela fera mentir la météo caniculaire, cela me fera regretter pull et pantalon, mais cela m'enchantera.
Je refais mon trajet dans la brume d'il y a 15 jours. Qu'est ce qu'il fut beau avec ses silhouettes fantomatiques. Qu'est ce qu'il est banal ce matin ! Juste de gros rocs sans envergure.
Et je marche.Il n'y a personne.
En fond le Rulhe |
Jour de brume |
Arrivée à la passerelle où je m'arrêtai l'autre jour, au lieu de partir sur Fontargente, je tournai à gauche: un sentier en pointillés sur la carte et des vues aériennes de la veille me confortaient dans mon choix. Au pire je suivrai le ruisseau.
La nature dormait, le vent ne faiblissait pas.
Arrivée dans une grande prairie où serpentait un ruisseau, la trace se perdit et moi aussi.
Alors j'étalai la carte et repérai les lieux. Je traversai le ruisseau d'un grand saut et je retrouvai aisément le cairn attendu.
Le sentier à présent escaladait un verrou morainique encombré de rochers et rhododendrons, sentier facile et bien tracé qui rejoignit ses 4 comparses au niveau d'un premier étang, sans nom. 2079 m.
Une virgule posée bien à plat au dessous des couloirs du Rulhe. Je scrutai ces derniers tout en remontant un petit verrou qui conduisait à l'Estagnol, 2102 m, un bel étang enchâssé dans un cirque rocheux impressionnant où une cascade mince et échevelée se jetait dans le vide. Une chute sans fin.
L'Estagnol et, entre les deux montagnes, le chemin que je vais emprunter |
La cascade provenait de l'étage supérieur, 200 m plus haut, l'étang Joclar. L'Estagnol est beau, surmonté par les contreforts escarpés du Rulhe face sud ouest, entaillé de couloirs, en 681 m de dénivelé sans concession. Mais carrossables pour un corps qui ne serait pas celui que je trimballe ce jour.
Oh je marche bien mais il ne faut pas trop lui demander, les jambes sont pesantes.
Pour accéder au Joclar, c'est presque le "clou du spectacle". Il y a 236 m de dénivelé, plus de 40° de pente mais un sentier tellement bien balancé qu'il réduit la pente à 13 °. Vu du ciel, du sommet du Rulhe, ce sentier reste un modèle d'élégance ! Et quel bonheur de le grimper. Il est entièrement tracé dans un pierrier, des marches y ont été construites et le reste est empierré comme les chemins d'autrefois. N'oublions pas que ce sentier fut une voie directe avec l' Andorre, et que jadis, la contrebande...euh...Ce fut presque davantage le sentier qui me séduisit hier, que l'étang Joclar qui est magnifique. J'ai photographié l'étang et presque oublié le sentier.
Montée à l' étang : en bas, l' Estagnol en forme de coeur Inverse de la précédente photo |
Vu depuis le Rulhe |
La roche ferrique |
Les jardins suspendus |
Mais voilà que l'étang adoucissait le décor et en faisait oublier la sévérité. Quel étang ! Quel décor, quel cirque minéral, quelle solitude grandiose!.
L'arrivée au Joclar : un émerveillement |
Couloirs du Rulhe |
Là haut, porteille pour l'Andorre, 2463 m Derrière sont les deux étangs Juclar |
Massif du Rulhe vu de l'étang |
Gravure vulvaire sur rocher au bord de l'étang Phénomène fréquent en Ariège |
Sous le soleil éphémère |
Pic Nègre de Joclar,(gauche) et la "forteresse" sans nom (droite) |
Détail de la "forteresse" |
Alors que vis-je à Joclar ?
Et bien j'allai au bout du lac, je déambulai dans la presqu'île, je croisai des randonneurs, je pestai intérieurement contre leurs trois chiens qui coursaient d'invisibles mais stridentes marmottes, et j'échangeai quelques mots avec eux.
Je pris quelques calories pour sustenter le corps et je m'offris une palette de couleurs : les fleurs. Cette palette s'enrichit pendant tout le trajet.
Je remplis tellement mes yeux que je crois avoir imprimé ce décor en moi.
Puis je redescendis, même chemin, même baguenaudage, les yeux partout. Le soleil pâle daignait accorder des couleurs à l'eau et des reliefs aux couloirs. Pour la chaleur, il fallait sans doute passer commande. Le soleil repartit aussitôt , se cachant derrière un ciel jaunâtre qui sentait la pluie boueuse du désert africain.
Coeur liquide : l' Estagnol |
En jaune refuge du Rulhe |
La petite prairie semée de vaches |
Pour rencontrer plus loin un autre troupeau à la passerelle. Je laissai traîner mes bâtons sur le grillage ce qui fit un bruit énorme et "escampa" à fond de train le troupeau.
Les vaches, ce n'est pas vraiment mon truc, on l'aura compris.
En jaune la Cabane de Garsan |
Ah! il disait hier "La montagne ça monte et ça fatigue"...Je pourrais lui répondre: "ça enrichit"!
En chiffres
Distance : 11.6 km
Dénivelé positif cumulé : 700 m